Prix des huiles végétales : quelle tendance pour les prochains mois ?
Les prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza ont nettement renchéri ces dernières semaines, dans un contexte de tension sur l’offre et de perspectives de hausse de la demande en Asie du Sud-Est, liée aux besoins émanant de la filière biodiesel (Indonésie). Des analystes/intervenants du marché font le point, en donnant quelques éléments de perspectives.
Les prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza ont nettement renchéri ces dernières semaines, dans un contexte de tension sur l’offre et de perspectives de hausse de la demande en Asie du Sud-Est, liée aux besoins émanant de la filière biodiesel (Indonésie). Des analystes/intervenants du marché font le point, en donnant quelques éléments de perspectives.
Les cours des huiles végétales ont nettement renchéri ces dernières semaines. Ce qui fait dire à certains intervenants et analystes du marché, tels qu'Abdul Hameed, directeur des ventes au sein du cabinet de trading Manzoor Trading Company, basé à Lahore au Pakistan, que cette tendance pourrait se poursuivre lors des prochaines semaines/mois : « il existe actuellement une certaine tension sur l’offre mondiale d’huile végétale. (…) Certains pays voient leurs perspectives de demande augmenter », témoigne-t-il. De son côté, Antoine de Gasquet, président du cabinet de courtage Baillon Intercor basé à Paris, confirme certains éléments de tension sur l’offre, mais tempère les perspectives de nouvelle hausse de prix : « on a actuellement l’impression que les cours montent un peu dans le vide en Europe, tant la demande émanant de la filière biocarburant-agrocarburant s’avère réduite pour l’instant ».
« On a actuellement l’impression que les cours montent un peu dans le vide en Europe, tant la demande émanant de la filière biocarburant-agrocarburant s’avère réduite pour l’instant », selon Antoine de Gasquet, président du cabinet de courtage Baillon Intercor.
Pour rappel, les cours de l’huile de soja à Chicago sont passés de 0,3975 $/livre au 16 septembre 2024 à 0,4634 $/livre au 6 novembre 2024 en « spot ». Ceux de l’huile de palme à Kuala Lumpur passent, sur la même période, de 3 847 ringgit/t à 4 999 ringgit/t, ceux de l’huile de colza en base FOB Rotterdam de 922 €/t à 1 095 €/t, et ceux de l’huile de tournesol au départ des 6 principaux ports du nord de l’UE de 1 045 $/t à 1 270 $/t.
Huile de palme : une production plus faible qu'attendu en Asie du Sud-Est en 2024?
Abdul Hameed rappelle les principaux éléments haussiers : « la Malaisie et l'Indonésie, les deux plus importants producteurs mondiaux d’huile de palme, font face à une baisse de leur production. Ceci en raison notamment du ralentissement des taux de replantation et d'une part importante de palmiers à huile vieillissants, susceptible d'avoir un impact significatif sur les rendements. En conséquence, la production d’huile de palme brute de la Malaisie devrait tomber sous les 20 Mt en 2024. En Indonésie, il se pourrait que la production descende sous les 50 Mt ». Le spécialiste pakistanais précise que pour la Malaisie, les projections de départ sur la production locale dépassaient les 19 Mt. Mais en réalité, ce chiffre est potentiellement encore trop optimiste. Du côté de l'Indonésie, une récolte à moins de 50 Mt est inférieure aux attentes initiales du marché. Ajoutons à cela les baisses annuelles de production de graines oléagineuses en Europe (tournesol, colza) et en Amérique (canola au Canada), qui pénaliseront bien entendu les volumes d’huiles produits.
« La production d’huile de palme brute de la Malaisie devrait tomber sous les 20 Mt en 2024. En Indonésie, il se pourrait que la production descende sous les 50 Mt », déclare Abdul Hameed, directeur des ventes au sein du cabinet de trading Manzoor Trading Company.
Le programme B40 indonésien : hausse de 2 millions de kilolitres de la consommation d'huile de palme pour le débouché énergie ?
Abdul Hameed estime que les perspectives de demande en Chine, en Inde, dans l’UE et en Asie du Sud-Est, restent solides. « L’Indonésie adoptera son projet de B40 (biodiesel contenant 40 % d’huile de palme) à partir de janvier 2025 », déclare-t-il. Actuellement, c’est le B35 qui est utilisé. Cette hausse du taux d’incorporation de 5 % engendrerait « un accroissement de la consommation de 2 millions de kilolitres (Mkl), ce qui affectera les stocks locaux », prévient-il.
Le spécialiste pakistanais espère que le plan de relance économique chinois porte ses fruits, ce qui maintiendrait à un niveau élevé sa consommation d'huile lors des prochains mois. Enfin, La baisse de production d'oléagineux en Europe engendrerait des besoins accrus d'importations.
Le point sur les éléments baissiers
Antoine De Gasquet tient néanmoins à tempérer certains arguments théoriquement haussiers d’Abdul Hameed. Il ne nie pas la moindre production d’huiles végétales dans les grands bassins de production mondiaux (Malaisie, Indonésie pour l’huile de palme ; Union européenne, Ukraine, Russie, Canada pour les huiles de colza, de tournesol et de canola).
En revanche, il se montre plus modéré quant aux perspectives optimistes de demande mondiale. « Le programme B40 indonésien risquera de coûter cher au gouvernement, qui devra empêcher une inflation intérieure des prix en cas de concurrence excessive entre les débouchés énergie et alimentation », alerte le spécialiste français.
Le pétrole trop bas, et les huiles trop chères ?
Antoine de Gasquet rappelle par ailleurs que si la demande des triturateurs et des producteurs de biodiesel en Europe et dans le monde est certes, théoriquement importante, elle s'avère dans la pratique plutôt réduite ces dernières semaines. Ceci en raison de marges de transformateurs européens, et même mondiaux, dégradées. « Le prix du baril de pétrole n’est qu’à 70-71 $ à New-York environ (contre plus de 85 $/t au printemps dernier). Une énergie fossile peu chère et une huile végétale onéreuse n’arrangent guère les marges des industriels du biodiesel. Il faut que ça bouge d’un côté ou de l’autre : soit une hausse du pétrole, soit une baisse des huiles », signale-t-il.
Et les perspectives macroéconomiques, affectant la demande en énergie et par ricochet en huile végétale, ne sont pour l’instant guère réjouissantes. Ainsi, malgré l’instabilité géopolitique (guerres en Ukraine, au Moyen-Orient, etc.), il n’est pas certain que les cours de l’or noir rebondissent de manière significative. Et rien ne dit que le plan de relance en Chine fonctionne comme prévu.
L’expert français pointe aussi le renchérissement du dollar par rapport aux monnaies concurrentes, augmentant par ricochet le coût des importations. « Cela peut tempérer la demande internationale en huile et donc faire pression sur les prix à l’avenir », argue-t-il.
Quelles conséquences de l’élection de Donald Trump sur le marché des huiles végétales ?
N’oublions pas que la récolte de soja aux États-Unis s’avère bonne, laissant d’importantes disponibilités en huile, ce qui constitue à première vue un élément plutôt baissier. Abdul Hameed estime de son côté que, certes, « la production nationale augmente, mais la demande devrait aussi progresser. Les besoins en énergie seront importants en hiver, soit de janvier à mars aux États-Unis. Et Donald Trump, le nouveau président états-unien, aurait intérêt à stimuler la demande intérieure d’huile végétale, ce qui pourrait compenser en partie un possible nouveau conflit commercial avec la Chine ».
Certes, mais on peut aussi voir les choses sous un autre angle. Antoine de Gasquet rappelle que le nouveau président états-unien avait « plutôt favorisé les producteurs pétroliers, au détriment des producteurs d’huile végétale et donc du monde agricole lors de son premier mandat ». Donald Trump dispose en effet d’un grand nombre d’électeurs dans le monde rural et dans le monde pétrolier, qui ont des intérêts différents… Ainsi, les prévisions quant aux actions du futur nouveau locataire de la Maison blanche s’avèrent particulièrement ardues.
Le règlement européen sur la déforestation à surveiller
Dernier facteur à surveiller : les résultats du vote sur la possibilité de reporter (ou non) d’un an le règlement européen sur la déforestation (RDUE) les 13 et 14 novembre. « Cela ne sera pas sans conséquence sur les importations de l’UE d’huile de palme, de soja, etc., et donc sur les cours mondiaux », rappelle Antoine de Gasquet.