Port de Rouen
Quels leviers pour une reprise des prix ?
UN TABLEAU ASSEZ SOMBRE de l’avenir du marché des céréales et aussi de l’agriculture en Europe a été dépeint par Philippe Chalmin, professeur d’économie à l’université Dauphine de Paris, invité à l’occasion de la 25e journée du port de Rouen, le 6 mai dernier. Nombreuses sont les interrogations qui planent sur le secteur des matières premières agricoles pour les prochaines années.
L’agriculture, la grande oubliée de l’Europe
« Il faudra vivre sans protection ni aides », estime Philippe Chalmin. Alors qu’elle est à l’origine de la construction européenne, « l’agriculture risque d’être la grande oubliée de l’Europe », a-t-il ajouté. Les attentions se porteront donc sur le grand débat européen à venir sur le futur de la politique agricole commune. Avec en question principale le démantèlement ou non des outils de gestion des marchés, et donc une libéralisation complète du marché des céréales ou non. D’autres éléments seront à surveiller, comme le remplacement des DPU ou la place des OGM dans l’agriculture de l’UE.
Des perspectives peu favorables à une hausse des céréales à court terme
« Prix déprimés en Europe, incertitudes politiques majeures, forte concurrence internationale, sans oublier l’environnement, les organismes génétiquement modifiés ou encore le carbone… », autant de données et de questions évoquées par Philippe Chalmin promptes à décourager ou au moins à susciter des interrogations pour les opérateurs de la filière du commerce des grains.
La situation actuelle des prix s’explique assez facilement au regard des quelques chiffres présentés par l’économiste. En effet, le marché céréalier mondial a affiché des volumes excédentaires pendant trois années consécutives dont cette dernière campagne. Dans le même temps, on assiste à une contraction de la demande de nos principaux clients étrangers, l’Egypte, le Maroc, l’Algérie et l’Iran, passant de 142,9 à 123,8 Mt selon l’USDA. Il faut ajouter à cela un stock final toutes céréales confondues en progression à 389 Mt, dont 137 Mt pour les cinq plus grands producteurs. On sait que la demande en céréales sera en légère progression l’an prochain mais elle resterait inférieure aux estimations de production, selon le dernier rapport de l’USDA sur l’offre et la demande mondiales. Tout reposera une fois de plus sur les niveaux de récolte et donc sur l’incidence du climat sur celles-ci. La baisse des emblavements en blé à 659 Mha, le maintien et le renforcement du programme éthanol américain à 4,5 M de boisseaux en 2010/11, la poursuite de la politique chinoise de constitution de stocks, ou encore les effets d’El Nino peuvent toutefois entraîner une tension. Enfin, la question de la monnaie européenne sera essentielle dans sa capacité à doper les exportations et donc les prix dans l’Union européenne.