Biscuiterie française
Préserver et développer un savoir-faire
Entretien avec Jean-Loup Allain, secrétaire général de la Collective des biscuits et gâteaux de France
Pourriez-vous nous présenter le secteur de la biscuiterie française ?
Jean-Loup Allain: Ce secteur compte une centaine d’entreprises. Les dix premières représentent les 2/3 du marché. Le leader, Lu, en assure 35 %. Puis suivent des groupements de PME (Bouvard, Locmaria,...) et enfin des PME régionales qui travaillent sur des niches. C’est un marché ouvert à la concurrence nationale et européenne. Il peut se diviser en trois sections : un gros tiers de biscuits secs et gôuters, un autre de biscuits pâtissiers, chocolatés, aux œufs et gaufrettes, et un petit tiers de gâteaux mœlleux et pains d’épices.
Quels sont les chiffres clés de l’année 2007 ?
J.A.: Le chiffre d’affaires s’est élevé à 2.300 M€. 210 à 220.000 t de farines ont été utilisées pour produire environ 480.000 t de gâteaux. La farine est le premier ingrédient de la biscuiterie. Elle représente en moyenne 42 % du poids total des produits finis, de 20 à 90 % selon les recettes.
Quels sont les points forts et specificités de ce marché ?
J.A.:La large gamme de produits est la vraie richesse de ce secteur. Les biscuits font aussi partie d’un patrimoine culinaire auquel la profession tient beaucoup. La plupart des recettes sont familiales. Elles sont passées de génération en génération, puis de familles aux artisans et enfin aux industriels. Une spécificité de ce secteur est le fait que la maman soit à la fois le premier concurrent et l’allié des professionnels. Un autre point fort est la familiarité des produits. Même si le four des usines mesure 60 mètres, il n’est pas si différent du four de la cuisine. Le pétrin peut être assimilé à un batteur. Les ingrédients sont peu différents de ceux que l’on peut trouver sur le marché. Il y a donc une certaine proximité avec ce qui se fait chez les consommateurs. De plus, ces produits sont ancrés dans la mémoire de chacun, assimilés à des souvenirs de l’enfance.
Pouvez-vous nous présenter le syndicat ?
J.A.: C’est un syndicat récent, créé pour gérer la pénurie des matières premières après la seconde guerre mondiale. Il a également permis à la profession de resister à la crise sociale de 1968, et ensuite au passage au contrôle des prix sur la période 1970-1980. Enfin, il a joué un rôle important lors de l’avènement de la qualité et de la sécurité alimentaire dans les années 1990.
Soixante entreprises font partie de ce syndicat, soit environ 85 % des biscuitiers. La collective fait partie d’Alliance 7, une organisation qui réunit dix professions de l’alimentaire et qui est le premier adhérent de l’Ania.
L’appartenance à Alliance 7 permet à notre corps de métier d’être bien plus réactif. Des seminaires sont par exemple organisés en formation continue pour que les entreprises apprennent à se couvrir sur le long terme afin de résister à la volatilité des cours.
Quelle position les biscuitiers ont-ils adoptée sur la loi Chatel 2 ?
J.A.: Le syndicat a soutenu la position de l’Ania et a signé la pétition. Nous souhaitons que les députés et les sénateurs n’oublient pas la négociabilité. Il n’y a pas eu de développement ou d’amendement spécifiques aux biscuitiers. Nous sommes juste très inquiets car nous craignons que notre secteur connaisse la crise du textile et que nos entreprises soient délocalisées vers les pays de l’Est. C’est le risque introduit, selon nous, par l’absence de négociabilité. L’enjeu est vraiment de conserver l’emploi dans nos régions.
La hausse des prix est un sujet fort en ce moment. Comment les biscuitiers la ressentent-ils ?
J.A.: Le marché de la biscuiterie est stable depuis dix ans, mais il a beaucoup souffert de l’augmentation des prix des matières premières. Celles-ci représentent 25 à 65 % du coût de nos produits finis, ce qui explique le fait que la hausse ait été très variable. Par contre, ce sont assurément les premiers prix qui ont augmenté le plus, car le coût matière première est bien plus important pour ces produits. Si l’on prend les prix à la consommation des biscuits et gâteaux, l’augmentation à été de 2 % entre décembre 2007 et janvier 2008, et environ 1,4 % depuis janvier 08. Les industriels ont sensibilisé très tôt la grande distribution. L’ensemble de la profession biscuitière a retardé la hausse autant que faire se peut, mais celle-ci a quand même été importante.
Comment les entreprises ont-elles réagi ?
J.A.: Toutes les entreprises ont fait des efforts de rationalisation pour résister, par exemple sur l’emballage et la logistique. Les entreprises ont appris à se couvrir sur le long terme. C’est une idée qui fait de plus en plus son chemin. Mais les résultats risquent d’être plus serrés cette année. Surtout que la hausse n’a pas fini de se répercuter.
Votre syndicat s’est engagé aux côtés de l’Observatoire de la Qualité Alimentaire. En quoi votre profession valorise-t-elle la qualité ?
J.A.: La profession s’est engagée dans une démarche de qualité globale. Tout d’abord, au niveau technologique, nous avons mis au point un cahier des charges farine avec l’ANMF, pour avoir un langage commun technique. Cet aspect est très important car le mélange des variétés de blé est primordial en biscuiterie. C’est l’équivalent d’un assemblage pour un œnologue. Pour la sécurité alimentaire, nous travaillons avec l’Irtac, qui a mis en place un plan de surveillance alimentaire, ce qui permet à chacun de se positionner par rapport à une moyenne. Nous travaillons sur le respect de la tradition par l’intermédiaire d’un partenariat avec les écoles de boulangerie et meunerie. Le point fort concerne l’information aux consommateurs pour promouvoir un comportement responsable. Pour cela, des repères de consommation ont été créés avec l’aide de diététiciens. Ils indiquent la quantité adaptée au moment de consommation et suggèrent un accompagnement laitier ou frutier. Lancée en 2004, cette démarche représente 600 millions de messages ! Nous nous sommes également engagés à supprimer la publicité lors des programmes jeunes publics à la télé dès la rentrée 2008. Le prochain défi sera de minimiser l’impact de l’emballage sur l’environnement alors que le portionnage s’est développé, mais également de poursuivre les avancées en nutrition.
Quelques mots pour conclure ?
J.A.: Les acteurs de cette profession sont passionnés et chanceux de travailler des produits qui touchent à l’affectif des consommateurs. Pour entretenir cette relation prévilégiée, une opération portes ouvertes devrait avoir lieu fin septembre. 25 entreprises ouvriraient au public leurs sites de production, et une animation originale devrait prendre place au Trocadéro.