« Les biocarburants sont comme une police d'assurance »
Dennis Voznesenski, expert des marchés des céréales, a publié son livre War and Wheat, navigating during global conflict (Guerre et blé, naviguer sur les marchés durant les conflits mondiaux), durant l'été 2024.
Dennis Voznesenski, expert des marchés des céréales, a publié son livre War and Wheat, navigating during global conflict (Guerre et blé, naviguer sur les marchés durant les conflits mondiaux), durant l'été 2024.
« Les biocarburants sont comme une police d'assurance. En temps de conflit, ils permettent d'absorber un potentiel excès d'offre de grains, et d'encourager les agriculteurs à resemer lors de mauvaises moissons », explique Dennis Voznesenski, expert des marchés des céréales. C'est le principal message de son dernier livre intitulé "War and Wheat, navigating during global conflict" (Guerre et blé, naviguer sur les marchés durant les conflits mondiaux), publié durant l'été 2024.
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L'ouvrage fait essentiellement un bilan des principaux évènements ayant affecté le commerce des céréales et des oléagineux durant la première et la seconde guerre mondiales. Et conclut sur une manière de protéger les filières grains : le développement de l'industrie des biocarburants, d'après l'auteur.
L'Australie a restreint les mouvements de blé à l'export et... dans son propre territoire lors des conflits mondiaux
On y apprend par exemple que l'Australie a dû instaurer des restrictions aux mouvements de grains à l'export, réquisitionner des navires, voire même limiter la circulation des matières premières entre les états de sa propre fédération lors des grands conflits mondiaux. Ou encore que la Roumanie a brûlé la presque intégralité de ses stocks de blé durant la première guerre mondiale, avec l'aide des Britanniques, afin que les Allemands, qui envahissaient le territoire, ne puissent mettre la main dessus. Autre piquante anecdote : malgré le pacte germano-soviétique, les Russes ont agit un maximum afin de limiter les échanges de grains et de pétrole avec l'Allemagne, ce qui a en partie justifié l'opération Barbarossa en juin 1941 aux yeux d'Adolf Hitler.
La filière céréales australienne n'est pas prête pour une autre guerre selon l'auteur
Conclusion, les guerres ont toujours provoqué des bouleversements sur le commerce des grains : effets sur l'offre, la demande, agissant sur les prix, mais aussi des changements de routes commerciales. L'auteur explique que la filière australienne céréales/oléagineux a connu de grosses difficultés lors des grandes guerres. Lors de mauvaises récoltes, le pays a dû restreindre ses exportations. Lors de bonnes moissons, il n'avait ni les moyens de stocker, faute de silos, ni les moyens d'exporter, ne disposant pas de la flotte suffisante.
Pour y pallier, l'Australie a réfléchi à instaurer une filière biocarburant lors des conflits armés, capable d'absorber les excès de récolte, ou de stimuler les semis en cas de déficit de production, sans succès, indique l'ouvrage. Les principales raisons : les importants moyens financiers requis et les craintes d'une concurrence trop importante entre débouchés alimentaires et énergétiques.
Pour autant, Dennis Voznesenski juge qu'aujourd'hui, malgré les évènements du passé, l'Australie n'a toujours pas les infrastructures nécessaires pour gérer les excès ou les déficits d'offre en cas de guerre ou de crise notoire (par exemple : l'avènement de la COVID-19 ou encore la guerre en Ukraine, au Moyen-Orient etc. ). Selon lui, les politiques responsables australiens n'ont pas suffisamment retenus les leçons du passé, et ont sous-estimé les avantages des biocarburants. « Une filière biocarburant développée permettrait de consommer les excès d'offre. Ensuite, elle peut constituer un débouché supplémentaire afin de stimuler la demande intérieure, et ainsi les prix, et donc encourager les semis des agriculteurs, qui limite les effets de potentiels accidents de production. Enfin, il permet de subvenir à une partie des besoins en énergie fossile et de produire des matières premières pour la filière animale ». En effet, l'Australie importe la quasi totalité de ses besoins en pétrole. Et exporter de la viande prend moins de place que les grains, rappelle Dennis Voznesenski.
C'est en cela qu'une telle filière biocarburants peut constituer une police d'assurance, d'après le spécialiste. En cas de guerre, et si des restrictions à l'export sont imposées comme c'est souvent le cas, le pays peut réorienter son potentiel excès de récolte vers les usines intérieures. En cas de déficit, la filière biocarburant permet de maintenir une certaine surface minimale, alimentant les débouchés énergie, indispensable au fonctionnement des industries essentielles (alimentation humaine, transport etc.), mais aussi alimentation animale. « Il vaut mieux mettre en place ce genre de filière en temps de paix, car cela coûtera beaucoup plus cher en période de guerre », conclut l'expert.