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Organismes génétiquement modifiés
L’immobilisme de l’État déçoit

Entre la poursuite des fauchages de parcelles transgéniques et le retard de la loi sur les biotechnologies, le gouvernement essuie les critiques

CINQ ANS. Arrivée de Bruxelles en 2001, la directive 2001-18 relative à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (qui vise essais et cultures commerciales des OGM) aurait dû être transcrite en droit national deux ans plus tard. Depuis, la France est constamment rappelé à l’ordre par les autorités communautaires. Cette situation devrait cesser avec l’entrée en vigueur de la loi sur les biotechnologies, qui devrait en principe reprendre l’ensemble du dispositif législatif communautaire concernant les OGM. Toutefois, après être passée devant le Sénat, la dernière ligne droite devant l’Assemblée nationale semble bien difficile à parcourir pour cette loi très attendue.

Quel avenir pour la loi sur les biotechnologies ?

Dans son édition du mercredi 30 août, Le Canard Enchaîné rapportait que, selon Matignon, le projet de loi sur les OGM ne serait pas présenté devant l’Assemblée nationale lors de la prochaine session parlementaire. Malheureusement, ni le ministère de la Recherche pourtant chargé du dossier, ni celui de l’Agriculture et ni celui de l’Écologie ne peuvent confirmer ou infirmer l’information. Contacté par La Dépêche/Le Petit Meunier, le service de presse de Matignon assure que l’information divulguée par Le Canard Enchaîné « est erronée », reconnaissant toutefois que la session extraordinaire qui démarre en septembre et se termine début octobre n’accueillera aucun débat concernant le projet de loi. « C’est un projet important », assure Matignon. Mais pour autant, aucune date n’est encore arrêtée pour débattre une dernière fois de ce projet et « le calendrier parlementaire est chargé », indique cette même source.

Quoi qu’il arrive, le gouvernement aura bien du mal à défendre ce dossier particulièrement impopulaire en France. Surtout à l’approche de la campagne présidentielle, ce projet législatif est une véritable épée de Damoclès pour les dirigeants actuels, plutôt favorables aux OGM. On se souvient de l’intervention du ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau, devant les producteurs de grandes cultures, lors du Sommet du végétal, défendre ce dossier en invitant son auditoire à faire le bon choix lors des prochaines présidentielles. Le Parti socialiste venait tout juste de finir la rédaction de son pré-projet pour 2007, qui prévoyait notamment l’interdiction des essais OGM en plein champ.

Opposants et partisans des OGM ne croient plus vraiment à cette loi

Pour l’AGPM, qui réclame un cadre législatif complet mais aussi une transparence au rabais concernant les cultures commerciales, le gouvernement « manque de courage politque », indique Luc Esprit, directeur général de Maiz’europ. « Ce n’est peut-être pas un dossier très porteur, mais il est dommage de faire le choix de l’indécision », déplore-t-il. L’AGPM estime à 4.800 ha la surface de maïs commercial OGM plantée cette année.

Du côté de la recherche française, la société de biotechnologie, Biogemma, n’attend plus grand chose des dirigeants. Alain Toppan, directeur de la Recherche de l’entreprise, regrette que « le gouvernement n’ait pas été plus courageux », relevant que, de toute façon, la transcription de la directive 2001-18 « ne va pas changer ce qui se passe aujourd’hui dans la recherche ». Et d’ajouter : « Ce n’est pas la présence d’un tel texte qui fera cesser les fauchages, mais que son absence donne des arguments aux faucheurs. » Le directeur général de Biogemma, Michel Debrand, n’attend plus cette loi, « en tout cas pas avant les élections présidentielles ». Et dans le cas du retour de la gauche au pouvoir, il faudra s’attendre à un remaniement du texte compte tenu des positions du PS sur la question des OGM.

Pour Jean-Michel Delmas, qui préside la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Lot-et-garonne, « la question des OGM dépasse largement celle des élections présidentielles françaises ». « On nous dit que le calendrier parlementaire est chargé, mais la volonté de reculer et d’attendre est négative vis-à-vis du service à rendre à la société », déplore-t-il. Et d’ajouter qu’à trop attendre, l’État laisse « un espace aux destructions qui perdurent ». Jean Michel Delmas dénonce également la fuite des chercheurs à l’étranger qui ne voient pas avancer les choses sur le territoire hexagonal pendant que « des tonnes de soja et de maïs transgéniques américains se déversent en France ».

Mais les partisans des OGM ne sont pas les seuls à critiquer ce retard. Le 31 août, France Nature Environnement (Fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement) dénonce un projet de loi « élaboré en secret et sans consultation des associations de protection de l’environnement, qui devait être examiné par l’Assemblée nationale en mai, en juin, puis en juillet, puis en septembre…» et qui au final « finira dans un carton ». FNE fait remarquer que pendant ce temps « la France viole ses engagements, les tribunaux annulent à la chaîne les autorisations de mise en culture, mais après coup, chaque culture amenant son risque de contamination ».

La poursuite des fauchages exaspère les producteurs d’OGM

Tandis que les anti-OGM continuent de diffuser la carte des cultures transgéniques en France, les défenseurs ne décolèrent pas devant les nombreuses actions de fauchage de cultures OGM dans l’Hexagone. Biogemma a déjà décidé de délocaliser ses essais pour 2007 (cf page 2). De leurs côtés, les syndicats de producteurs majoritaires dénoncent – une fois n’est pas coutume – « la passivité du gouvernement ». La FNSEA, dans un communiqué du 4 septembre, appelle l’État à « prendre ses responsabilités et arrêter les commandos qui agressent, détruisent… et font régner la peur sur des paysans qui veulent aider la recherche ».

Les prochains mois risquent donc d’être animés, surtout si la question des OGM s’invite dans la campagne présidentielle.

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