Les marges de la meunerie peinent à se rétablir en 2023
La meunerie française avait déjà subi deux années de marges faibles en 2021 et 2022. En 2023, la situation reste préoccupante, tant sur les marges brutes que les marges nettes.
La meunerie française avait déjà subi deux années de marges faibles en 2021 et 2022. En 2023, la situation reste préoccupante, tant sur les marges brutes que les marges nettes.
Le chiffre d’affaires de la meunerie française a progressé de 3 % en 2023 à 2,21 milliards d’euros, a salué Abdoulaye Traoré, chargé d’études économiques pour l’Association nationale de la meunerie française (ANMF), le 30 juin dernier lors de sa convention annuelle. Cependant, cette performance dans les ventes n’a pas engendré de hausse des marges dans le secteur. « La hausse du chiffre d’affaires de la meunerie française ces deux dernières années ne s’est pas traduite par une amélioration de la rentabilité », a-t-il déploré. Mais malgré cette détérioration, la filière continue d'investir : « Les carnets de commandes sont remplis », a déclaré Pierre Garcia Benque, administrateur de l’ANMF. « Les actionnaires et coopérateurs soutiennent les investissements », a-t-il poursuivi.
« La hausse du chiffre d’affaires de la meunerie française ces deux dernières années ne s’est pas traduite par une amélioration de la rentabilité », se désole Abdoulaye Traoré, chargé d'études économiques à l'ANMF.
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Les prix élevés du blé tendre en 2023 ont pesé sur les charges de la meunerie
Si les prix du blé tendre étaient moins stratosphériques sur l’année 2023 que sur 2022, ils sont restés néanmoins élevés sur la campagne 2022-2023, y compris lors du premier semestre 2023. Les cours du blé tendre BPMF (blé panifiable pour la meunerie française) en départ Eure-et-Loir ont cependant reculé de 27,1 % en moyenne sur 2023 par rapport à 2022, d’après La Dépêche-Le Petit Meunier. A l’inverse, ceux de la farine ont marqué une progression de 4,9 % en 2023, selon l’Insee. Une hausse insuffisante pour garantir des marges satisfaisantes, selon l’association interprofessionnelle. En effet, « la marge brute de la meunerie était à un niveau historiquement bas en 2021, du fait des prix d’achat du blé très élevés et de ceux de la farine encore trop faibles », explique Abdoulaye Traoré. A noter qu’en 2022, les prix du blé tendre avaient bondi de 39 %, contre seulement 29 % pour ceux de la farine, continuant de peser sur la marge brute de la meunerie. « Les cours de la farine et du pain ne sont pas sur une tendance de hausse, contrairement aux autres indices de prix à la consommation », a-t-il regretté.
Une marge nette détériorée pour la meunerie française en 2023
« La part du blé dans les charges a progressé ces dernières années », a rappelé Abdoulaye Traoré. « Le coût de la main d’œuvre française, parmi les plus élevés en Europe, et la hausse des prix de l’électricité ont également pesé sur la marge nette », a-t-il précisé. En effet, si les prix de l’électricité étaient auparavant parmi les plus bas en Europe, la situation s’est inversée fin 2022 lors de la crise liée à la guerre en Ukraine et les meuniers français sont maintenant parmi ceux qui paient l’énergie le plus cher dans l’Union européenne. Dans son discours de clôture de l’événement, Jean-François Loiseau, président de l’ANMF, n’a pas manqué d’insister sur la nécessité pour les pouvoirs publics d’agir sur la compétitivité des entreprises là où ils le peuvent : « Nous appelons à la baisse des charges sociales et patronales », a-t-il martelé. « L’ANMF a fait une proposition pour plafonner les prix de l’électricité à 180 €/MWh, qui a été refusée. En Espagne et au Portugal, de telles mesures ont pourtant été mises en œuvre », a-t-il déploré.
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Comment la France se positionne-t-elle au sein de l’Union européenne ?
Selon Francesco Vacondio, président de l’association des meuniers européens (European Flour Millers), qui s’est également exprimé lors de l’événement, les marges de la meunerie françaises sont toutefois supérieures à la moyenne de l’Union européenne. « La volatilité des prix du blé est un défi pour les moulins plus éloignés des bassins de production », a-t-il expliqué. Il a par ailleurs noté que la marge de la meunerie était meilleure concernant l’écrasement d'autres espèces que le blé tendre.
La pression exercée sur les coûts et les marges s’applique également à l’échelle européenne, selon lui. « L’inflation a été accompagnée d’une hausse des prix de la matière première, de l’énergie et du travail. Il se pose la question d’y réagir en augmentant les prix de la farine », a déclaré Francesco Vacondio.
Du côté de la Belgique, pour Guy De Mol, président de l’association royale des meuniers belges, « retrouver des marges satisfaisantes et augmenter la compétitivité des entreprises nous préoccupent ». Le mix énergétique belge est en effet beaucoup plus dépendant du gaz naturel que son homologue français, et la crise en Ukraine s’est violemment répercutée sur les prix de l’énergie, « même si les équipementiers ont beaucoup travaillé sur la baisse des coûts ».
En Italie en revanche, les années 2022 et 2023 ont été meilleures. Pour Francesco Vacondio, « la filière italienne, structurée autour de moulins de taille moyenne de 40 à 60 employés, a été plus agile pour chercher les marges et répercuter la hausse du prix du blé sur l’ensemble de la filière ».
Enfin, du côté de l’Allemagne, la hausse des prix du blé a été mieux absorbée par la filière. La progression des prix du pain en 2022 (+14 % entre août 2021 et août 2022) a permis la reconstitution des marges de la boulangerie, au contraire de la France, où le prix du pain n’a augmenté que de 8,2 % en 2022, selon Étienne Maillard, directeur des relations extérieures chez Lesaffre.
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