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Blé tendre : pourquoi la France peine à exporter (pour l’instant) ?

Les représentants des sociétés Sica Atlantique et Socomac (filiale de Soufflet Négoce by InVivo) rapportent pour le moment une activité export réduite en ce début de campagne commerciale 2024-2025, comme en 2023-2024. La concurrence internationale s'avère féroce, alors que la demande se fait pour le moment assez discrète.

Un bateau en cours de chargement sur les installations de Port Atlantique La Rochelle.
© Thierry Rambaud / Port Atlantique La Rochelle

L’Hexagone a du mal à exporter ses céréales actuellement. Ce que confirment des opérateurs intervenant lors de la conférence de presse de la Bourse maritime agricole de La Rochelle-Pallice le 21 juin.  « Malheureusement, et malgré la baisse des prix des céréales ces dernières semaines, le blé tendre passant par exemple d’environ 270 €/t à 230 €/t en spot sur Euronext, nous ne sommes toujours pas compétitifs à l’export », a déploré Frédéric Guillemin, directeur pôle blé de Soufflet by InVivo. L’expert confirme la forte concurrence émanant des pays de la partie européenne de la zone mer Noire, à savoir la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie, qui proposent des marchandises environ 15 €/t moins chères pour l’instant. Rappelons que les sociétés Sica Atlantique et Socomac gèrent les exportations de céréales via les silos portuaires de La Rochelle, La Pallice et Tonay-Charente.

La situation vécue en début de campagne 2023-2024 semble se reproduire en 2024-2025. « Sur la période juillet-août-septembre, nous ne sommes pas attractifs, que ce soit en blé ou en orge, et je ne parle pas de l’éloigné où c’est encore pire. Le marché dit : portez votre marchandise, ne vendez pas. […] Ainsi, je réitère mon message de l’an dernier : stockez votre marchandise quand vous pouvez. […] Mais si un client revient, vendez, car il ne passe qu’une fois », alerte Frédéric Guillemin.

Lire aussi : "Export de céréales – Soufflet et la Sica Atlantique alertent sur un risque de saturation des silos du port de La Rochelle"

« Stockez votre marchandise quand vous pouvez. Mais si un client revient, vendez, car il ne passe qu’une fois », alerte Frédéric Guillemin, directeur pôle blé de Soufflet InVivo.

De gros écarts des prix du blé tendre entre les échéances septembre et décembre 

En effet, l’opérateur fait référence à la structure du marché du blé tendre, en report, actuellement observée sur Euronext et le marché physique français. Convertis en base juillet 2024 et arrondis, les prix du blé tendre s’affichaient en clôture de la séance du 20 juin sur le contrat à terme européen à 225,5 €/t livraison septembre, et à 232 €/t livraison décembre, soit un écart de 6,50 €/t entre les deux échéances. Ce qui est considérable. 

Si l’on considère les primes (différence de prix entre le marché à terme et le marché physique), qui reflètent davantage la situation du marché physique, c’est encore pire. Selon les informations collectées par la rédaction de La Dépêche Le petit meunier, elles s’élevaient au 20 juin autour des -6 €/t en rendu La Pallice pour des livraisons juillet-août (soit 219,5 €/t), à -4 €/t environ pour juillet-septembre (soit 221,5 €/t) et à -2/-1 €/t pour octobre-décembre (soit 230-231 €/t). Ainsi, l’écart de prix sur le marché physique entre les échéances de livraison estivales et automnales 2024 s’affiche entre 10 et 12 €/t !

Lire aussi : Céréales : quels sont les principaux désaccords entre analystes privés et l'USDA au sujet des bilans mondiaux ?

La Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie très compétitives actuellement

Tout cela est la résultante d’une forte concurrence internationale. La Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie sont particulièrement compétitives actuellement. Rappelons que les derniers achats égyptiens ont concerné des origines roumaine et bulgare ces derniers jours. Et il y a pire : « en réalité, les récents achats égyptiens de blés bulgare et roumain, à charger en juillet-août, ne concernaient pas de la nouvelle récolte…mais de l’ancienne ! Les vendeurs de ces pays ont fait de la rétention, et ils vendent désormais », relate Frédéric Guillemin. Par conséquent, ces pays en ont encore sous le pied, sachant que la récolte 2024 s’annonce bonne en Roumanie, supérieure à 10 Mt en blé tendre.

Attention à la concurrence russe

À plus long terme, il ne faut pas oublier la concurrence de la Russie qui, malgré des déboires climatiques, pourrait engranger une récolte de blé tendre dépassant les 80 Mt cette année. « La France est devenue la variable d’ajustement sur le marché mondial. Ainsi, il faut vendre quand un client revient, et arrêter de jouer la montre», renchérit l’expert de Soufflet by InVivo. L’occasion pour lui d’insister sur la nécessité de répondre à la demande dès qu’elle se présente.

La demande internationale ne se manifeste guère à court terme pour de l’origine française

Mais justement, comment se porte cette demande ? Là non plus, les perspectives ne sont guère réjouissantes à court terme. La récolte en Chine s’annonce record en blé. « La Chine n’est pas présente aux achats, ni en blé tendre ni en orge, alors qu’elle a été très présente ces dernières années, spécialement en orge sur la période juillet-août », pointe Frédéric Guillemin. L’Espagne obtiendra une moisson 2024 bien meilleure que la récolte catastrophique de 2023, diminuant sa dépendance aux importations. Ensuite, « peu d’exécutions proviendront des ports français sur la destination algérienne lors des derniers achats conclus par l'OAIC à la fin du printemps », regrette le spécialiste. 

Le Maroc attentiste sur ses achats de céréales

Le Maroc aura des besoins, au vu de sa moisson attendue comme très faible cette année en céréales. Problème : « les importateurs marocains se voient accorder des subventions par l’État calculées en fonction des prix moyens relevés le mois antérieur. Or, les prix ont dégringolé lors des trois dernières semaines. Ainsi, cela les inciterait à attendre, le mois suivant par exemple, pour se positionner à l’achat », prévient Frédéric Guillemin.

La logistique céréalière, atout de la France

Toutefois, il ne s’agit de tomber dans le pessimisme exacerbé. L’Hexagone a de (très) gros atouts, spécialement en matière de logistique. Vincent Poudevigne, directeur général de la Sica Atlantique, rappelle que « la France fait partie des rares exportateurs capables de charger un bateau en 24-36 h, sachant que quatre jours plus tard, il sera en Algérie. Tous nos concurrents ne peuvent pas en faire autant ».

« La France fait partie des rares exportateurs capables de charger un bateau en 24-36 h, sachant que quatre jours plus tard, il sera en Algérie », rappelle Vincent Poudevigne, directeur général de Sica Atlantique.

Une récolte de blé de 29 Mt de récolte en France ?

Une différence notable entre les contextes des étés 2023-2024 et 2024-2025 à l'échelle française est toutefois à signaler : la récolte s’annonce plus faible que l’an dernier. « On estime pour 2024-2025 la prochaine récolte de blé tendre hexagonale à environ 29 Mt, après une année correcte à 35 Mt », s'est exprimé Jean-François Lepy, directeur général de Soufflet Négoce by InVivo dans un communiqué de presse le 21 juin. Ceci en raison des fortes pluies survenues pendant une très (trop) longue partie de la campagne culturale 2023-2024, engendrant baisse des surfaces semées et inquiétudes sur les qualités/quantités. 

Aucun des intervenants à la conférence de presse ne s’est d’ailleurs risqué à donner une quelconque prévision quant à la qualité de la moisson 2024, tant les situations sont hétérogènes et incertaines selon les secteurs dans l’Hexagone. Par conséquent, « heureusement que nous avons des stocks importants de l’an dernier. Cela nous permettra de faire des assemblages, qui font partie de notre savoir-faire, et de proposer des lots de qualité à nos clients », indique Vincent Poudevigne. Seule certitude : la récolte sera vendue, tout dépendra du prix, entonnent les intervenants.

Lire aussi : "Moissons 2024 : à quoi s'attendre pour la récolte française de blé tendre ?" 

« Heureusement que nous avons des stocks importants de l’an dernier. Cela nous permettra de faire des assemblages », tempère Vincent Poudevigne, directeur général de la Sica Atlantique.

Quelles perspectives pour les exportations françaises de céréales cette campagne ?

Aucune perspective sur les exportations 2024-2025 hexagonales n’a pu être apportée par les intervenants de la conférence de presse, tant la situation est incertaine. Pour 2023-2024, les volumes exportés depuis les terminaux portuaires de Port Atlantique La Rochelle (regroupant les installations de La Pallice, La Rochelle et de Tonay-Charente) grimpent de 16 % par rapport à 2022-2023, à 3,9 Mt, dont 2,250 Mt par la Sica Atlantique et 1,750 Mt par la Socomac. Des volumes jugés normaux par les opérateurs. « Nous avons connu un début de campagne 2023-2024 assez lent, plus faible que les campagnes précédentes entre l’été 2023 et ce jusqu’à la mi-décembre 2023. Puis, au fil des mois, une forte demande en provenance de la Chine a permis de relancer l'activité. Il y a eu un rythme de chargements saccadé, faisant que nous avons été dans l'incapacité d'anticiper les programmes de chargements à 15 jours-3 semaines », explique Vincent Poudevigne. 

Le rythme lent des exportations 2024-2025 ressemble pour le moment à celui de 2023-2024. Pour autant, les deux campagnes se ressembleront-elles sur les douze mois qu'elle comptent ? Rien n'est écrit. 

 

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