France Export Céréales : « nos clients achètent dès le mois de juillet »
À l'occasion de la Journée France Export Céréales qui se tient à Paris ce mercredi 16 mars, la rédaction de La Dépêche-Le Petit Meunier vous propose ce dossier consacré au potentiel de l'offre hexagonale de blé tendre, sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel.
La Dépêche-Le Petit Meunier : FranceAgriMer parie sur des ventes vers les pays tiers équivalentes à l'an dernier, à 11 Mt avec un profil de campagne complètement différent. Quel bilan faites-vous de cette campagne d'export de blé et quelle leçon en tirez-vous ?
J.-P. Langlois-Berthelot : L'an passé, la qualité des blés présentait un problème au niveau du temps de chute de Hagberg, qui a fortement inquiété la filière. Mais par la suite, les organismes stockeurs ont réalisé un travail considérable qui a permis de mettre en place un système de tri très efficace. Tout le monde a perçu l'enjeu de l'export et, finalement, nous nous en sommes bien tirés, en vendant 11,4 Mt sur les pays tiers. Nous avons toutefois perdu des parts de marché chez certains clients comme l'Algérie. Mais nous avons vendu du blé fourrager en Asie, un débouché inhabituel. En fait, mise à part l'Égypte, nos clients traditionnels ont consommé moins de blé français que d'habitude. Cette année, la configuration est différente. Nous n'avons pas de problème de temps de chute de Hagberg, mais nous n'avons pas progressé sur les critères qualitatifs. Alors, certes la qualité est meilleure que l'an passé, mais par rapport à nos clients, elle ne nous met pas en position de force sur le marché. L'an passé, les importateurs ont goûté à d'autres origines qui ne les ont pas déçus visiblement. Ceux qui nous concurrençaient en 2014/2015 le font encore cette année, offrant une qualité largement au niveau de l'origine française, voire meilleure, et pour des prix très compétitifs. Il s'agit surtout des pays de la zone baltique et bien entendu de la mer Noire. Pour conclure, concernant cette campagne d'export, nous regrettons que l'importance d'exporter davantage, au regard de la récolte record engrangée, n'ait pas été mieux mesurée. Car, même si le niveau d'exportation actuel de la France est satisfaisant par rapport à l'an passé, l'excédent de 3,5 Mt pour cette campagne n'a pas suffisamment été pris en compte.
D'où le sujet sur le calendrier d'achats de nos clients, lors de la Journée France Export Céréales. Quels messages souhaitez-vous faire passer à la filière ?
J.-P. Langlois-Berthelot : Cette année, à la sortie de la moisson, la France a engrangé près de 40 Mt de blé tendre. Et le seul débouché pour écouler l'excédent, c'est le marché Pays tiers. Or pendant les six premier mois de la campagne, les opérateurs ont continué à vendre comme s'il fallait placer 11 Mt, alors qu'il s'agit d'un volume de 14,5 Mt. Et ça, l'ensemble de la filière ne pouvait l'ignorer. Aujourd'hui, la situation s'est aggravée, et l'on rencontre des difficultés au niveau de la logistique. De nombreux silos s'inquiètent des volumes encore disponibles à quelques mois de la nouvelle récolte. Il sera sans doute difficile de tout réceptionner si la récolte actuelle n'est pas suffisamment écoulée.
Nos clients n'achètent ni un rendement, ni l'intention d'avoir bien fait.
François Gatel : L'idée est de faire passer le message qu'il est nécessaire de s'adresser à nos clients dès le début de la campagne, au lieu de se dire que certains exportateurs épuiseront leurs stocks pendant cette période pour nous laisser la place par la suite. Nous souhaitons que l'ensemble de la filière essaie de changer son regard sur le calendrier de l'export en faisant des offres tout au long de l'année. Car nos clients achètent dès le 1er juillet et non à partir de décembre. Il faut être présent sur le marché de l'export toute l'année. D'autant que les exportateurs de la zone mer Noire le sont de plus en plus aussi. Les Russes, les Ukrainiens ou les Roumains ont beaucoup progressé au niveau de leur logistique et sont maintenant des concurrents sur l'ensemble de la campagne, à l'ex-ception de certaines périodes de fêtes.
Quel regard portez-vous sur le plan Protéines. Ce programme est récent, mais le trouvez-vous suffisant ?
J.-P. Langlois-Berthelot : Nous constatons une évolution extrêmement rapide des grilles de bonifications/réfactions de la protéine au niveau des OS pour leurs adhérents. C'est une conséquence directe du plan Protéines. Mais il reste évident que si les producteurs investissent pour gagner en protéine, cet effort doit se traduire par un gain. Il existe des actions peu onéreuses et d'autres davantage. Le surcoût doit être rémunéré. Sur un même territoire, il existe des écarts entre ces grilles qui peuvent atteindre parfois 15 à 20 €/t entre un blé fourrager et un blé meunier. À 9 t/ha de rendement, cela fait 180 €/ha de plus pour le producteurs. Dans ce cas, cette prime rémunère certaines pratiques sans que cela devienne un risque. Dans un monde idéal, il faudrait que le blé français soit à 11,5 % de protéines et sur une tendance qui ne soit pas baissière. Par rapport à l'an passé, le blé français a atteint le même niveau de protéine qu'en 2014, avec des rendements plus élevés. Nous pouvons considérer que c'est une réussite, mais nos clients n'achètent ni un rendement ni l'intention d'avoir bien fait.
François Gatel : Pour répondre d'une façon un peu abrupte, le compte n'y était pas, du point de vue de l'importateur. Mais il y a une vraie prise de conscience autant au niveau des producteurs que des organismes stockeurs.