Tournesol 2024 : une production française autour de 1,5 million de tonnes ?
Françoise Labalette, directrice adjointe de Terres Univia, tempère le catastrophisme ambiant, rappelant que, si l’année 2024 est bien une mauvaise année pour les producteurs, la culture de tournesol dispose d’importants atouts.
Françoise Labalette, directrice adjointe de Terres Univia, tempère le catastrophisme ambiant, rappelant que, si l’année 2024 est bien une mauvaise année pour les producteurs, la culture de tournesol dispose d’importants atouts.
Les divers intervenants du marché contactés par la rédaction de La Dépêche Le petit meunier ces derniers jours rapportent que la récolte hexagonale de tournesol 2024 tomberait autour des 1,5 Mt. Les services statistiques du ministère de l’Agriculture (Agreste) paraissent par conséquent trop optimistes pour le moment, tablant sur 1,779 Mt.
Lire aussi : La production française de tournesol 2024 attendue à 1,7 Mt par Agreste
Retour à la normale en 2024 pour le tournesol français ?
Les récentes tempêtes et précipitations ont dégradé les potentiels productifs des cultures, tout en retardant les récoltes. En été, « nous étions très optimistes. C'est la déception qui prédomine aujourd'hui. Mais il faut prendre du recul. Nous allons obtenir un volume plus normal, à l’image de ce que nous avons connu entre 2015 et 2020, soit entre 1,2 Mt et 1,6 Mt. L’année dernière avait été excellente, avec plus de 2 Mt récoltées », tempère Françoise Labalette, directrice adjointe de Terres Univia.
« Nous allons obtenir un volume plus normal, à l’image de ce que nous avons connu entre 2015 et 2020, soit des volumes compris entre 1,2 Mt et 1,6 Mt », déclare Françoise Labalette, directrice adjointe de Terres Univia.
Plus d’un quart des semis de tournesol jugés très tardifs
L’experte confirme néanmoins les grosses difficultés pour les producteurs : « pour eux ainsi que les collecteurs, c’est une mauvaise année. Des parcelles ne pourront pas être récoltées, la qualité n’est pas optimale, avec notamment des soucis de botrytis, des grains trop humides qui vont engendrer des frais de séchage supplémentaires, des soucis de bourrage des moissonneuses, etc. ». Il faut par ailleurs rappeler que l’ensemble du cycle de production a pris du retard. En effet, les semis ont eux aussi été décalés, du fait des pluies au printemps. « Environ 25-30 % des tournesols ont été emblavés dans la fenêtre normale, et 25-30 % très en dehors de celle-ci », rappelle Françoise Labalette.
« Environ 25-30 % des tournesols ont été emblavés dans la fenêtre normale, et 25-30 % très en dehors de celle-ci », rappelle Françoise Labalette.
Quelle superficie de parcelles de tournesol non récoltables ?
Les agriculteurs français parviendront-ils à sortir 1,5 Mt ou plus des champs ? « C’est possible mais on peut aussi tomber en dessous. Chaque jour qui passe est à la fois un motif d’espoir et d’inquiétude. S’il fait beau, c’est rassurant, mais s’il pleut à nouveau, c’est inquiétant », prévient Françoise Labalette. S’il faut prendre de grosses pincettes, étant donné que beaucoup de choses peuvent encore survenir, il se pourrait qu’entre 10 % et 30 % des surfaces ne puissent pas être récoltées, selon les diverses sources contactées. Tout dépendra de la météo lors des prochains jours. « C’est très difficile de donner un chiffre précis. La récolte est très en retard, et la météo incertaine. On estime aujourd’hui qu’entre 50 % et 60 % de la coupe est réalisée. Ces estimations d’avancement de la moisson sont à prendre avec la plus grande prudence », prévient l’experte.
La situation est plutôt correcte dans le Sud-Ouest, moins dans le Centre et le Grand-Ouest
La région qui s’en sort le mieux est le Sud-Ouest, où les échos de rendements sont satisfaisants dans l’ensemble. « Nous avons semé et récolté plus tôt globalement. On a eu moins de pluies », témoigne un opérateur local souhaitant conserver l’anonymat. La directrice adjointe de Terres Univia confirme ces propos : « si vous êtes dans le Lauragais, ça va. En revanche, cela va beaucoup moins bien si vous êtes dans le grand Ouest (Poitou-Charentes, Vendée…), dans le Centre ou dans le Bassin parisien, où les coupes sont très en retard ».
« Si vous êtes dans le Lauragais, ça va. En revanche, cela va beaucoup moins bien si vous êtes dans le grand Ouest (Poitou-Charentes, Vendée…), dans le Centre ou dans le Bassin parisien, où les coupes sont très en retard », déclare Françoise Labalette.
Et du côté de la qualité ? « Il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais on ne s’attend pas à de très bons taux d’huile. Généralement, une année humide augmente les risques d’acidité oléique », pointe Françoise Labalette.
Le tournesol a les moyens de se maintenir en France
Pour autant, la représentante de Terres Univia refuse de sombrer dans le catastrophisme. « Certes, c’est une mauvaise année pour les producteurs. Il faudra également des adaptations pour les industriels, qui s’attendaient à une offre plus abondante, et les besoins en importations (graines, tourteaux) seront sans doute plus élevés. Il y aura potentiellement des arbitrages à faire entre trituration de colza ou de tournesol, pour les sites qui en ont la possibilité. Mais il n’y aura pas de problème d’approvisionnement pour les consommateurs finaux d’huile et les acheteurs de tourteaux. Par ailleurs, nous restions sur une très bonne année en 2023. Les surfaces ont fortement progressé après les inquiétudes dans les années 2015, grâce notamment aux qualités agronomiques de la plante ».
Le tournesol possède effectivement plusieurs atouts : résistance au stress hydrique, faibles besoins en intrants par rapport à bon nombre de cultures, solution supplémentaire dans une rotation, production d’huile à destination de l’alimentation humaine et de tourteau pour la nutrition animale, etc. Des atouts non négligeables pour s’adapter au changement climatique. Ainsi, l’année 2024 constituerait davantage un coup d’arrêt temporaire au bon développement de la culture sur le territoire plutôt qu’à un retournement de tendance pour Terres Univia.
Comment évoluent les prix du tournesol ?
Côté commercialisation, les opérateurs intègrent de plus en plus que l’année 2024 ne sera pas aussi bonne qu’attendu dans l’Hexagone, avec seulement 1,5 Mt (plus ou moins) de collecte prévue, contre plus de 2 Mt l’année antérieure. Les prix en base Rendu (Bordeaux, Saint-Nazaire, etc.) ont flambé en quelques semaines. Au 1er octobre 2024, le cours de la graine de tournesol oléique rendu Bordeaux affichait 490 €/t sur la période octobre-décembre. Au 23 octobre, elle valait 605 €/t, soit une hausse de 115 €/t en trois semaines.
Un bilan mondial assez tendu
Mais la France n’est pas seule. D’autres pays, spécialement en Europe de l’Est, ont connu des déboires. Ce qui fait dire à un analyste souhaitant garder l’anonymat que « la tendance de fond reste haussière. Il se pourrait que les prix grimpent encore, surtout en qualité oléique ». Françoise Labalette rappelle de son côté que « la production mondiale se concentre surtout en Europe, spécialement en Europe de l’Est, où il y a eu des soucis de production. Il peut ainsi y avoir une certaine tension sur l’offre globale ». La Russie, l’Ukraine, la Roumanie, la Bulgarie, etc. ont effectivement souffert de la sécheresse.
« La tendance de fond reste haussière. Il se pourrait que les prix grimpent encore, surtout en qualité oléique », selon un analyste.
Un trader ukrainien, Oleg Shklovtsov, parle d’une récolte locale 2024 (campagne commerciale 2024-2025) à seulement 10-10,5 Mt sur LinkedIn, alors que le dernier rapport mensuel de l’USDA d’octobre 2024 tablait encore sur 12,5 Mt. Sachant que l’Ukraine nous habituait ces dernières années à des volumes autour des 15 Mt (15,5 Mt en 2023-2024). En ce qui concerne l'Hexagone, l'USDA parie pour le moment sur 1,6 Mt, ce qui paraît davantage crédible qu'Agreste.
Au niveau mondial, seul un peu plus de 50 Mt seront produites selon l'organisme états-unien, contre 56 Mt l’an dernier. Sachant que ces 50 Mt pourraient s'avérer encore un peu optimiste, si l'Ukraine ne produisait effectivement que 10-10,5 Mt, ou si la France ne collectait que 1,5 Mt... ou moins.