Blé dur : la filière compte sur la recherche variétale pour enrayer la baisse des surfaces
Dans le cadre du plan français de souveraineté blé dur, soutenu par l’État et la filière, les investissements prévus dans la recherche génétique concentrent les espoirs des acteurs de l'interprofession.
Dans le cadre du plan français de souveraineté blé dur, soutenu par l’État et la filière, les investissements prévus dans la recherche génétique concentrent les espoirs des acteurs de l'interprofession.
La Bourse de commerce européenne des grains a été pour la filière blé dur française l’occasion de faire le point sur l’avancée du plan stratégique de relance de la filière blé dur, auquel l’État avait annoncé sa contribution lors du dernier Salon international de l’agriculture. Sur les principaux volets de ce plan de relance, financé à hauteur de 11 millions d’euros (M€) par l’État sur 43 M€ au total pour une durée de cinq ans, le soutien à la recherche variétale pourrait permettre aux agriculteurs français de disposer à terme de variétés de blé dur mieux adaptées aux exigences de décarbonation de la filière. Cela devrait aussi permettre de sécuriser le rendement et la qualité. Ce volet du plan de relance représente d’ailleurs plus de la moitié du budget, avec 25 M€.
Développer des variétés résistantes aux virus du sol pour regagner des surfaces
La contamination du sol par des virus, champignons et parasites constitue un des freins à la culture de blé dur et une des raisons de son abandon progressif dans certaines zones historiques de production. Selon Claude Tabel de l’Union française des semenciers (UFS), c’est « 10 à 30 % de la sole de blé dur qui est touchée par ces problématiques dans le Sud-Est et le Centre, avec une baisse de la récolte parfois démotivante pour les agriculteurs concernés ».
Cette contamination du sol contribue à hauteur de 10 à 15 % à la baisse des surfaces observée ces dernières années, relève le semencier. La filière souhaite donc trouver des résistances pour reconquérir des surfaces où la culture de blé dur est devenue grandement compromise. « Nous souhaiterions identifier des gènes de résistance dans des variétés anciennes et les introduire dans des variétés modernes », développe Claude Tabel. C’est le semencier RAGT qui est pour l’instant impliqué dans ce processus de recherche.
« 10 à 30 % de la sole de blé dur est touchée par les virus et parasites du sol dans le Sud-Est et le Centre », selon Claude Tabel de l'UFS.
Explorer les mécanismes d’élaboration de la protéine pour en améliorer la qualité
Dans un contexte où les enjeux de décarbonation représentent une importance particulière pour la filière avec l’élaboration de la feuille de route bas carbone de la filière grandes cultures, la nutrition azotée du blé dur représente un axe d’amélioration pour la filière. « L’azote constitue le premier poste d’émission de gaz à effet de serre sur le blé dur », rappelle Jacques Mathieu, agronome chez Auxence conseil. Il est nécessaire pour la synthèse des protéines et la qualité technologique en semoulerie.
Dans ce cadre, mieux comprendre les mécanismes d’élaboration de la protéine permettrait de développer à terme des variétés de blé dur avec une protéine de meilleure qualité, qui aurait besoin de moins d’apport d’azote pour sa synthèse. « Nous souhaitons repérer les portions du génome responsable du taux de protéine, identifier des QTL et marqueurs moléculaires, pour faciliter le travail des sélectionneurs », précise Jacques Mathieu. Les recherches sont menées conjointement par Arvalis et l’Inrae et suivies par des sélectionneurs comme RAGT ou Florimond Desprez. « Des méthodes et avancées déjà réalisées sur le blé tendre comme le criblage des types de protéines ouvrent des pistes pour la recherchent sur le blé dur », ajoute-t-il. Ce travail pourrait prendre entre cinq et vingt ans.
Lire aussi : Moisson 2024 - Comment qualifier la qualité des blés français ?
Sélectionner des variétés de qualité mieux adaptées au changement climatique
Le progressif déplacement vers le Nord de l’aire de culture du blé dur retient également l’attention de la filière. Des intérêts pour la culture de blé dur dans le Nord de la France en filière courte commencent à poindre, d’autant plus que cela pourrait permettre l’approvisionnement des semouliers d’Île-de-France.
En ce qui concerne les zones historiques, « nous envisageons d’aller chercher des ressources génétiques auprès des pays déjà affectés par le changement climatique comme l’Espagne, l’Italie, voire le Maghreb, pour adapter les variétés cultivées en France au changement climatique », a expliqué Claude Tabel de l’UFS. Sur le problème de la moucheture, le levier variétal est aussi le seul disponible.
Lire aussi : Les surfaces de céréales reculent au Maghreb sous l’effet du changement climatique
Un plan d’investissement nécessaire pour la filière
Dans la filière blé dur, la baisse du nombre d’acteurs et des surfaces a affecté les revenus des sélectionneurs, via le recul des ventes de semences et de la contribution sur les semences de ferme, a rappelé l’UFS. « C’est pour cela que nous avons sollicité des moyens auprès du ministère de l'Agriculture, car les semenciers ne sont pas en mesure de rester compétitifs sur les variétés de blé dur », explique Claude Tabel.
Dans le détail, les projets de recherche sont menés pour certains directement par les semenciers, d’autres par Arvalis et l’Inrae, avec le concours des organismes stockeurs et des industriels.