Présidentielle 2012 : les attentes de la filière
« Affirmer la place du commerce au cœur des filières agricoles »
La Dépêche-Le Petit Meunier : Quels messages souhaiteriez-vous adresser aux candidats à la Présidentielle ?
Christophe Viger : Le message est simple : sortez du schéma filières “de la fourche à la fourchette”, certes séduisant pour la communication, mais réducteur par rapport à la réalité économique ! Ce schéma, initié lors des crises sanitaires des années 1990, a fait des ravages dans les réglementations des vingt dernières années. Il a fait oublier qu’une filière est une multitude d’opérateurs économiques, notamment en amont et en aval des exploitations agricoles. Une filière, c’est une succession d’opérateurs, ceux qui produisent, ceux qui commercialisent, ceux qui transforment et ceux qui distribuent aux consommateurs.
L’amont agricole, ce sont les industriels des semences, de la protection des plantes, de la fertilisation et de l’alimentation animale qui innovent, ce sont des distributeurs d’agrofourniture (dont les négociants), ce sont des agriculteurs qui produisent. Il faut ensuite mettre en marché leurs productions en fonction des débouchés, c’est encore une fois le rôle des opérateurs du commerce, que sont les négociants et les coopératives.
Par conséquent, au lieu de penser “politique”, pensez “économique”. Soyez aux côtés des opérateurs économiques au lieu d’être en face. Aidez-nous à être compétitifs, à gagner des parts de marchés à l’export, à former et recruter des salariés dans le monde rural. L’État allemand a su le faire, on en voit les résultats aujourd’hui. Pourquoi pas l’État français ?
LD-LPM : Les propositions du G20 relatives à la régulation des marchés et celles la Pac 2014 sont-elles suffisantes ?
C. V. : Nous soutenons le principe de la transparence des marchés entre les acheteurs et les vendeurs. Il est important que l’offre et la demande s’établissent sur des bases claires et connues. Au-delà de ces propositions, il faut revenir à la vie économique, à la réalité des relations entre un agriculteur et un négociant, entre un négociant et un industriel ou un exportateur. Chacun gère son risque prix en toute connaissance de cause. Et le contrat n’est qu’un outil qui formalise ces engagements entre professionnels.
Je ne prends pas le risque de parler des évolutions de prix de la prochaine campagne, c’est notre quotidien avec nos clients agriculteurs. Je souhaite juste rappeler l’importance que chacun respecte ses engagements contractuels. Un contrat, c’est un prix, mais c’est surtout un produit, avec une qualité, une quantité et des conditions d’exécution, le tout pour un débouché donné. Notre métier de commerçant consiste à approvisionner les usines des transformateurs ou les ports des exportateurs tout au long de l’année. Mais pour respecter nos engagements, nos clients agriculteurs doivent également disposer d’outils de gestion des risques sanitaires, du risque prix et d’assurance récolte. C’est grâce à ces outils que les revenus des agriculteurs seront sécurisés, dans l’intérêt des filières et des consommateurs européens.
LD-LPM : Dans le contexte actuel, qu’attendez-vous concrètement du prochain gouvernement ?
C. V. : Nos entreprises sont des PME familiales au cœur des territoires ruraux. Nous l’avons rappelé le 29 mars à Montpellier avec 21 autres organisations professionnelles aux 7 candidats à l’élection présidentielle. Nous dirigeons des PME qui sont majoritairement centenaires, qui portent le nom de nos familles depuis des générations, nous croyons en la parole donnée. Nos clients agriculteurs le savent bien, c’est sur cette parole que nous avons bâti nos relations commerciales.
Nous demandons donc au prochain gouvernement de nous inviter dans les débats, de nous consulter et de nous écouter. L’arbitrage pourra ensuite se faire après avoir entendu toutes les parties prenantes.
Deux sujets nous tiennent à cœur : l’environnement et la compétitivité – notamment fiscale – au sein de l’Union européenne. Sur l’environnement, il faut poursuivre le dialogue sur des bases objectives, factuelles et partagées. C’est uniquement avec cette méthode que les actions sur les zones de captage, le plan Écophyto, la durabilité des biocarburants, le dossier Nitrates seront entendues, acceptées et finalement efficaces au niveau local.
Concernant la compétitivité, le poids de la dette publique de l’État et des collectivités territoriales pose effectivement des questions. Le gouvernement doit agir. Nous demandons que les choix fiscaux à venir intègrent l’équité fiscale entre les opérateurs économiques des filières françaises, ainsi que la cohérence avec les politiques fiscales des autres États européens. C’est le seul moyen de conserver la compétitivité de nos PME intégrées au cœur des régions françaises.