Alimentation animale
La souplesse de Nutréa dans le contexte ukrainien
Comme d’autres acteurs de la nutrition animale en Bretagne, Nutréa fait preuve d’une grande capacité de résilience sur un marché des matières premières percuté par la guerre en Ukraine.
Comme d’autres acteurs de la nutrition animale en Bretagne, Nutréa fait preuve d’une grande capacité de résilience sur un marché des matières premières percuté par la guerre en Ukraine.
« Sur le plan industriel, les choses n’ont pas radicalement changé en nutrition animale. Nous étions préparés », dit Hervé Vasseur, directeur général de Nutréa, filiale « aliments du bétail » des groupes coopératifs Eureden et Terrena (780 000 tonnes fabriquées par ans dans cinq usines). Les industriels de la nutrition animale sont parfaitement rodés aux modifications des flux des matières premières sur le plan mondial. Ils sont capables d’une grande agilité dans leurs achats pour avoir la capacité de fournir l’aliment recherché par leurs clients éleveurs. Ce à quoi ils étaient moins bien préparés, c’est l’irruption de la guerre aux portes de l’Europe, dans ce grand bassin de production d’oléo-protéagineux et de céréales qu’est l’Ukraine.
Les cours du non-OGM en hausse
Chez Nutréa, la première conséquence a été la difficulté d’accès à certaines matières premières, principalement les tourteaux de tournesol HiPro (33 à 37 % de taux de protéines), très prisés dans les filières non-OGM et importés massivement d’Ukraine. Pour fabriquer ses gammes d’aliments pour, dans l’ordre, vaches laitières, porcs et volailles (chair et ponte), l’industriel utilise chaque année « 60 000 tonnes de tourteaux de tournesol HiPro provenant d’Ukraine, explique Hervé Vasseur, 15 000 tonnes de tournesol lowpro (23 à 27 % de protéines) d’origine France, 75 000 tonnes de tourteaux de colza principalement français, 120 000 tonnes de soja d’importation, 75 000 tonnes de drèches de maïs, drèches de blé et son de rémoulage, et des céréales pour le reste. » Les tourteaux ukrainiens se sont peu à peu imposés dans les filières animales garantissant une alimentation non-OGM. En particulier en raison de l’augmentation, ces dernières années, de la prime non-OGM du soja. Produit à la marge par les grands producteurs mondiaux, en particulier brésiliens, le soja non génétiquement modifié coûtait début mai, en prix à la tonne rendu au port de Montoir (Loire-Atlantique), 795 € contre 530 € pour le soja OGM. Soit une prime non-OGM de 265 €, alors que l’écart était bien moindre il y a un an et demi. Pour l’instant, Nutréa a du stock de tournesol HiPro. « Nous en avons encore dans nos silos jusqu’en juillet », précise Sébastien Moual, directeur de l’usine Nutréa de Languidic (Morbihan), le plus gros des cinq sites de production du groupe, avec près de 260 000 tonnes.
Des pistes pour remplacer les tourteaux ukrainiens
Après ? « Il faudra de nouveau faire appel au soja non-OGM brésilien », dit Hervé Vasseur. Tout industriel de la nutrition animale dispose d’un large panel de matières premières riches en protéines. Il cherche en permanence la meilleure association de protéines pour formuler l’aliment. En mixant différentes origines, il réussit par la même occasion à lisser le prix sur toute l’année. « Chez Nutréa, nous travaillons en gros une centaine de matières premières », poursuit son directeur général. Les achats sont confiés à un tiers, Cobrena (Finistère), qui achète en gros pour le compte de plusieurs industriels. Nutréa achète en direct les prémix et les additifs techniques.
« À réception, toutes les matières premières sont caractérisées en fonction d’un profil nutritionnel spécifique. Nous contrôlons l’humidité, le taux de matières minérales, de matières grasses, de matières azotées, de cellulose. Ce sont cinq valeurs-clés. On s’assure ensuite des différents types d’acides aminés présents dans la cargaison que nous convertissons en critères nutritionnels. » C’est de cette manière que l’industriel sait quelle matière première peut être substituée par une autre. Le soja, mais aussi les tourteaux lowpro, les drèches de céréales ou les tourteaux de colza peuvent ainsi remplacer le tournesol HiPro dans les formules d’aliment. « Les formules incorporent plus de maïs à certains moments, plus de blé à d’autres. »
Les formules d’aliments peuvent évoluer dans l’année en fonction des remontées des technico-commerciaux en contact avec les éleveurs. Dans ce cas, Nutréa adapte son process (température, pression…) pour obtenir la granulation ou la friabilité voulue selon les différents marchés. En revanche, un industriel comme Nutréa n’a évidemment pas la main pour maîtriser des prix qui ont flambé depuis le début de la guerre en Ukraine. « La tonne de blé se négocie actuellement à 420 € contre 220 € il y a un an et demi », poursuit Hervé Vasseur. La France a beau être le premier pays producteur de céréales d’Europe, les cotations sont mondiales à partir des transactions réalisées sur les bourses de Chicago et Paris.
Maintenir la performance des élevages
L’an passé déjà, il y avait de la tension sur le prix du blé à la suite d’une récolte mondiale moyenne. La tonne de blé valait 260 € en février dernier avant le début de la guerre. Depuis, le soja, les tourteaux de colza (470 € la tonne), les drèches de maïs, de blé ont augmenté. Dans ce contexte, des éleveurs ne seraient-ils pas tentés de nourrir leurs animaux avec des aliments moins performants et moins chers ? « Ce n’est pas dans l’habitude de nos clients éleveurs, très attachés à la performance de l’alimentation de leurs animaux, observe Hervé Vasseur. Aux Pays-Bas, les éleveurs sont plus économiques que techniques. » Ils acceptent plus facilement, sur une courte période, d’économiser sur l’aliment, du moment que le gain est supérieur à la perte économique du produit « lait » ou « viande ». Les technico-commerciaux de Nutréa proposent à leurs clients de la prédiction de revenus, en fonction de la qualité de l’aliment. « Nous le faisons en bovin-lait avec notre outil de simulation Viséo, mais il y a peu de demande », poursuit Hervé Vasseur. Pour autant, Nutréa devrait prochainement proposer le même service aux éleveurs d’autres filières (porc et volaille-ponte en particulier).