Recensement agricole 2020
« La politique d’installation doit se fonder sur une politique de départ » estime François Purseigle
Dans le cadre d’un colloque qui s’est tenu mardi au ministère de l’Agriculture, les données du recensement agricole 2020 ont servi à dessiner les tendance et enjeux du secteur.
Dans le cadre d’un colloque qui s’est tenu mardi au ministère de l’Agriculture, les données du recensement agricole 2020 ont servi à dessiner les tendance et enjeux du secteur.
Le recensement agricole s’effectue tous les dix ans. Les éléments clés du dernier recensement, celui de 2020, rappelés ce 18 octobre lors d'un colloque organisé par le ministère de l'Agriculture : une diminution du nombre d’exploitations, mais à un rythme moins marqué par apport à la précédente décennie ; une SAU moyenne qui continue d’augmenter notamment en élevage ; des exploitants moins nombreux et vieillissant notamment en arboriculture et grandes cultures ; des exploitants de plus en plus qualifiés ; l’emploi se réduit même si la main d’œuvre permanente non familiale s’accroît.
Baisse des effectifs de main d’œuvre permanente
Si l’on approfondit un peu plus le profil des personnes travaillant dans le secteur agricole, on note une baisse des effectifs de main d’œuvre permanente, malgré la hausse pour les permanents non familiaux et une baisse plus faible en ETP (équivalent temps plein). Près d’un quart des ETP permanents sont dans des exploitations de plus de 4 permanents, une part en hausse par rapport à 2010. La population des chefs et co-exploitants est plus vieille que la population active, et la part des 55 ans ou + a augmenté entre 2010 et 2020. La part des femmes est plus faible dans les chefs et co-exploitants que dans la population active. Enfin, les exploitants récemment installés sont plus jeunes, plus souvent des femmes, plus diplômés, plus souvent dans des petites exploitations, en circuit court et en bio.
« Nous observons une banalisation de l’entreprise agricole »
Invité au colloque, François Purseigle, professeur en sociologie, directeur du département de sciences économiques, sociales et de gestion de l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse (INP-ENSAT) estime que le projet agricole peut être porté par d’autres figures que le chef d’exploitation : « Nous observons une banalisation de l’entreprise agricole liée à de nouveaux publics, de nouveaux venus. Ils se projettent différemment, avec des exploitations qui ne correspondent pas toujours à ce qu’ils veulent. Il y a un décalage entre l’offre et la demande. Pour lui, le défi majeur est « le renouvellement des actifs plutôt que le renouvellement des générations ». Selon le chercheur : « On peut être exploitant et ne pas faire, le recours à la délégation fait partie du projet agricole ». Aujourd’hui, toujours selon lui, l’exploitation renvoie à une forme nouvelle de triangulation salariale et à une nouvelle combinaison entre statuts. François Purseigle estime par ailleurs que l’agriculture est très en retard en matière de féminisation par rapport aux autres secteurs d’actualité, avec parfois des installations de femmes en « prête-noms » et que « la vraie politique d’installation doit se fonder sur une vraie politique de départ ».
« Il faut qualifier l’exercice du métier »
Pour Marc Parmentier, chef du département statistiques-cotisations à la MSA, les cessations d’activité concernent entre 22 000 et 25 000 personnes par an dont 55 % de départs en retraite. Cela signifie donc, qu’en dehors des décès, de très nombreuses personnes partent vers d’autres horizons, parfois pas très éloignés toutefois : « En 2020, il y a eu 9 400 départs qui n’étaient pas des départs à la retraite mais il faut souligner que 4 120 de ces personnes se sont orientées vers la salariat agricole ». Quant aux nouveaux venus, il est difficile de les cerner. « On ne connaît pas les NIMA (non issu du monde agricole ndlr) » concède François Purseigle qui ajoute « On connaît mal aussi la population très âgée, les futurs cédants. Il y a un travail à faire rapidement car le virage va se faire assez vite. Il faudrait connaître ce que les cédants attendent des repreneurs ». Une chose est néanmoins sûre pour le chercheur : « L’agriculture conjugale n’a plus la place qu’elle avait dans l’histoire. Il faut qualifier l’exercice du métier et la production agricole ».
Les formes sociétaires deviennent la norme
En ce qui concerne les statuts et les conditions d’activité, on assiste à augmentation des locations auprès des associés mais à une baisse des locations auprès de tiers. Les grandes exploitations ont plus recours aux locations et elles favorisent les formes sociétaires qui ont tendance à devenir aujourd’hui la norme : 40 % des exploitations ont un statut sociétaire. Si aujourd’hui, des personnes morales deviennent sociétaires dans certaines formes de structure, le capital reste majoritairement détenu par les associés exploitants. Le salariat est un phénomène relativement nouveau mais concerne surtout les productions végétales (40 %) et moins l’élevage (14 %)
Une certaine dualisation
La délégation totale est rare (moins de 2 %) et concerne surtout les grandes cultures. En 2020, 56 % des exploitations ont eu recours à l’externalisation. Parce que la taille moyenne de l’exploitation agricole continue à augmenter, Laurent Piet, ingénieur de recherche chez Inrae, parle d’une certaine homogénéisation. Philippe Boullet, directeur du pôle performance et prospective de Cerfrance nuance : « Si tout exploitant aspire à développer son entreprise, on aborde des périodes où ce n’est pas si simple. On se retrouve avec des transferts d’activité qui peuvent s’accompagner d’agrandissement mais il peut aussi ne pas y avoir d’agrandissement. La période 2018-2022 ne correspond pas à ce qui s’est passé avant, c’est un pivot ». Christophe Perrot, chargé de mission Economie et Territoire à l’Idele, estime pour sa part qu’il existe une dualisation dans certains secteurs, notamment dans le secteur bovins viande et que tout n’est pas qu’une question de surface mais de valeur.