« Je transforme 100 % du lait de mes brebis en yaourt bio »
En Ille-et-Vilaine, les brebis laitières ne sont pas légion. Pourtant c’est dans ce département breton que Julien Le Berre a fait le pari gagnant de son installation et de la fabrication à la ferme de yaourts au lait de brebis bio. Il vise également l’autonomie alimentaire de son troupeau.
En Ille-et-Vilaine, les brebis laitières ne sont pas légion. Pourtant c’est dans ce département breton que Julien Le Berre a fait le pari gagnant de son installation et de la fabrication à la ferme de yaourts au lait de brebis bio. Il vise également l’autonomie alimentaire de son troupeau.
Tout juste dix ans après son installation en bio, Julien Le Berre dresse un bilan positif de son activité. Avec 75 lacaunes en production et 38 ha de surface agricole utile, cet ingénieur agricole de 45 ans parvient à se dégager un revenu autour de 2 000 à 3 000 € par mois. Prudence et investissements réfléchis pourraient être les maîtres mots de l’évolution de l’exploitation de Julien Le Berre. « Je me suis installé seul, mais ma ferme est accolée à celle de ma belle-famille et celle-ci m’a rendu de fiers coups de main à mes débuts. »
Il démarre avec huit agnelles pleines, achetées en Aveyron. « À l’époque, je faisais la traite à la main, je n’avais pas de labo mais la direction départementale de la protection des populations a fermé les yeux les trois premiers mois avant que je puisse créer un espace de transformation dédié. » Prudent, et se laissant le droit à l’échec, Julien Le Berre aménage son laboratoire dans un caisson de camion frigorifique. Il construit sa bergerie, opérationnelle en 2014, directement accolée à son habitation et comportant une dalle assez vaste pour accueillir le caisson-labo et la salle de traite. « Dans mon projet initial, je prévoyais de transformer 50 % du lait en yaourt et 50 % en tomme. Au final, cela était trop chronophage et j’ai dû réduire ma charge de travail, car Aurélie, ma compagne, souffrait alors d’une grave maladie. »
Une gamme de yaourts réduite
En effet, la conduite du troupeau, la traite, la fabrication des yaourts et la vente en direct et en circuit court composent déjà plus qu’un temps plein. « Au début, ma belle-famille m’aidait à faire les marchés, dorénavant j’ai un salarié qui effectue les livraisons un jour par semaine. » Avec une production de 300 litres de lait par brebis en lactation par an, Julien Le Berre parvient à fabriquer au total 15 000 litres de yaourts par an en moyenne.
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Avec une gamme très réduite – yaourt nature en pot de 400 ou 800 g – l’éleveur optimise le temps de fabrication et il a su trouver sa clientèle. « Ce sont des locaux et/ou des militants pro bio. Je vends un tiers de ma production sur un marché à Rennes et je livre un magasin de producteurs, un Biocoop et une vingtaine de points de vente en tout dans le coin. » Julien Le Berre peut également compter sur un petit marché sur la ferme de sa belle-famille tous les jeudis soir. En amont de la vente directe, Julien Le Berre fait des yaourts tous les deux jours, à raison de 140 litres par fabrication, soit la capacité de sa cuve. « Le lait est transformé maximum 48 h après la traite, ce n’est pas gênant d’utiliser du “vieux” lait pour les yaourts puisqu’ils sont de toute manière pasteurisés et fermentés. »
Une production laitière à contre-saison
Julien Le Berre a misé sur la production à contre-saison de ses brebis car « la consommation de yaourts baisse en été, lorsque les Rennais, qui constituent la majorité de ma clientèle, sont en vacances. De plus, l’absence de fabrication et de ventes à cette période me permet de me dédier complètement aux travaux des champs. » Pour optimiser les chances de réussir le désaisonnement, l’éleveur combine traitement lumineux, effet bélier, flushing avec 400 g d’orge et tonte. « Aujourd’hui, je parviens à un bon taux de reproduction sur les multipares tandis qu’il stagne à 50 % pour les agnelles. »
Les brebis restent en bergerie de mi-décembre à mi-février, tant que la météo se montre trop humide. Elles ressortent au printemps environ huit heures par jour et « le retour au pâturage va permettre de rebooster un peu les lactations ». Les agnelages se font ensuite en bâtiment durant l’été et les mères retournent au pré en septembre. « Cela reste un calendrier théorique, car avec les dernières années de sécheresse, le retour au pâturage pour profiter des repousses d’automne a été assez difficile. »
Des essais prairiaux pour gagner en autonomie
Pour gérer au mieux la ressource en herbe et limiter les infections parasitaires, les parcelles de pâturage sont divisées en bloc, eux-mêmes divisés en paddocks. « Les brebis vont effectuer deux à trois passages par bloc, puis on change. » Cela évite au troupeau de repasser sur un ensemble de parcelles pendant neuf mois. Avec ce fonctionnement en bloc, combiné à un traitement par an, effectué un mois avant la mise bas pour ne pas avoir à écarter du lait, le risque parasitaire est sous contrôle. « En revanche, il suffit de déroger une seule fois à la règle et là cela pète ! », met en garde Julien Le Berre.
Si l’autonomie fourragère est, elle, largement atteinte avec notamment la production de 75 t d’enrubannage alors que le troupeau n’en consomme que 45 t, la recherche d’autonomie protéique, qui aujourd’hui se situe autour entre 65 et 70 %, occupe les réflexions de l’ingénieur.
En 2023, il tente d’implanter une luzernière sur 6 ha pour s’affranchir des achats de bouchons déshydratés. « La première récolte n’a pas été du tout satisfaisante, mais à terme je souhaite produire mes propres bouchons en faisant appel à un prestataire pour du travail à façon », nous apprend Julien Le Berre.
Pérenniser les prairies semées
La majeure partie de sa surface, soit une vingtaine d’hectares, est semée en prairies temporaires avec un mélange de fétuque élevée, ray-grass anglais, fléole, pâturin, lotier et trèfle blanc. « J’aimerais trouver le mélange optimal pour ces sols très séchants l’été et très mouillés l’hiver, qui ont des rendements assez faibles, souligne l’éleveur. L’objectif serait de parvenir à pérenniser les prairies temporaires et de convertir les huit hectares d’orge en prairies, quitte à acheter les céréales que je ne produirais plus. »
L’éleveur multiplie les essais, toujours avec le maximum de contrôle. Ainsi il a semé du trèfle, sans grand succès comme foin, mais plus intéressant en enrubanné. Il souhaite également augmenter la part de lotier dans ses prairies. Le grand projet aujourd’hui en réflexion concerne la mise en place d’une cellule de séchage en grange « pour s’affranchir de l’enrubannage et de tout le plastique qui va avec. » Les idées et les projets ne semblent jamais se tarir pour Julien Le Berre, pour qui l’amélioration continue constitue un signe de bonne santé pour son exploitation.
La fabrication des yaourts, optimisée mais chronophage
Transformer 140 litres de lait en yaourt demande six heures de travail à Julien Le Berre, du chauffage de la cuve à la chambre froide où les pots s’alignent en attendant la vente. Il faut cependant compter environ quatre heures de travail effectif, entre le tri et le lavage des pots consignés qu’il fait sérigraphier depuis cinq ans, car « mettre des étiquettes collées était une vraie galère surtout à nettoyer », le chauffage du lait et de l’étuve, l’inoculation des ferments, etc.
« Il faut mettre le lait en pot puis placer ceux-ci dans l’étuve. Enfin, comme dans tout laboratoire de transformation alimentaire, la partie lavage du local est incontournable et essentielle. » Les yaourts disposent d’une date limite de consommation de trois semaines et Julien doit effectuer une analyse une fois par an. « Le plus gros risque ne vient pas du lait mais du verre ! »
Chiffres clés
1,1 UMO
75 lacaunes en production
38 ha, dont 8 ha d’orge, 6 ha de luzerne, 4,5 ha de prairies naturelles et 19,5 ha de prairies temporaires
15 000 litres de lait par an
300 litres en moyenne par brebis par lactation
Monotraite pendant 8,5 mois
100 % d’autonomie fourragère
67 % d’autonomie protéique