Trois questions à
Intrusion dans les élevages : « Il faut taper plus fort », selon David Le Blanc, spécialiste en droit rural
Les intrusions dans les élevages se multiplient. Dans un jugement récent, un éleveur qui s’estimait victime a été condamné à verser 3000 € à l’association de défense animale. Le climat entre professionnels agricoles et association de défense animale se détériore. Nous avons demandé son avis à David Le Blanc, président de l’AFDR de Bretagne et avocat spécialiste du droit rural, agroalimentaire et environnemental pour la société d’avocats Kovalex.
Les intrusions dans les élevages se multiplient. Dans un jugement récent, un éleveur qui s’estimait victime a été condamné à verser 3000 € à l’association de défense animale. Le climat entre professionnels agricoles et association de défense animale se détériore. Nous avons demandé son avis à David Le Blanc, président de l’AFDR de Bretagne et avocat spécialiste du droit rural, agroalimentaire et environnemental pour la société d’avocats Kovalex.
L’Association française de droit rural (AFDR)a tenu son congrès national 2019 au Val-André dans les Côtes-d’Armor les 11 et 12 octobre. Thème choisi cette année : « L’homme, l’animal et le droit ». Un vaste sujet qui résonne avec l’actualité de ces dernières semaines. Dernier fait en date : la condamnation d’un éleveur à verser 3000 € à l’association DxE dont quelques membres s’étaient introduits dans sa porcherie pour réaliser et diffuser une vidéo.
David Le Blanc est président de l’AFDR de Bretagne et avocat spécialiste du droit rural, agroalimentaire et environnemental pour la société d’avocats Kovalex. Il était présent à cette audience qui s’est tenue au Tribunal de Grande Instance de Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor le 3 octobre. Il répond à quelques questions.
Réussir - Que pensez-vous du jugement prononcé par le TGI de Saint-Brieuc qui a débouté de sa plainte un éleveur victime d’intrusion dans sa porcherie ?
David Le Blanc – « J’ai assisté à toute l’audience et c’était extrêmement instructif. Dans cet exemple, on a des droits qui se confrontent. : le droit à l’information, le droit à la propriété, le droit aux dispositions sanitaires. Les avocats de l’Association DxE considèrent que la façon d’agir des militants n’est pas tout à fait légale mais que la cause est noble. Ils pensent que les méthodes d’élevage sont conformes à la réglementation mais elles doivent être dénoncées car elles ne sont pas supportables. Je considère pour ma part que si le simple fait de considérer sa cause juste et légitime n’autorise pas de telles exactions, où alors on n’est plus du tout dans un état de droit. Cela me paraît invraisemblable. »
Réussir – Comment peut-on stopper l’accélération de ces phénomènes entre associations de défense animale qui veulent supprimer l’élevage intensif et éleveurs qui disent faire leur métier du mieux qu’ils peuvent ?
David Le Blanc – « Le jugement du 3 octobre à Saint-Brieuc est une procédure en référé prévue pour des affaires simples présentant un caractère d’évidence. Il faut taper plus fort. Ces faits d’intrusion doivent faire l’objet de procédures devant un juge du fond, qui juge les faits et le droit. Les auteurs de ces actes doivent être citées devant le tribunal correctionnel qui peut prononcer des condamnations pénales. »
Réussir - Pensez-vous que le climat actuel peut conduire à la fin de l’élevage industriel en France ?
David Le Blanc – « On sait bien qu’il y a une lame de fond. On assiste à la situation paradoxale d’une consommation en baisse sur le marché national, qui se formalise par une demande plus élevée de viande dite ‘moins standardisée’ (label rouge, produits bio, AOC…), et une augmentation de la demande mondiale avec des produits ‘standardisés’. Mais je ne suis pas convaincu que l’on se retrouve dans une non-consommation de viande en France d’ici cinq ans. Il y a une modification des comportements qui va avoir une incidence sur les modes d’élevage. Je pense que nous allons produire de façon moins industrielle pour le marché national et maintenir les techniques plus intensives pour le marché international. Ces évolutions vont peut-être permettre un rebond de notre agriculture. On a un réseau agricole et agroalimentaire qui est très conscient de ce qui se passe. L’agriculture bretonne, par exemple, est attaquée sur le plan environnemental mais elle est toujours là. J’ai une certaine confiance dans les nouvelles technologies. Notre agriculture va aller vers le haut de gamme. Ensuite, il faut un discours cohérent au niveau du prix. »