Un nouveau plan protéines qui suscite l’espoir
Le nouveau plan protéines est accueilli favorablement par la plupart des acteurs du terrain, qui saluent l’approche en filière et la coconstruction avec l’ensemble des interprofessions végétales et animales.
Le nouveau plan protéines est accueilli favorablement par la plupart des acteurs du terrain, qui saluent l’approche en filière et la coconstruction avec l’ensemble des interprofessions végétales et animales.
Un budget de plus de 100 millions d’euros, un objectif de hausse des surfaces en légumineuses de 40 % en trois ans, un accroissement de l’autonomie en protéines de la France (hors prairies) de dix points… La nouvelle stratégie nationale protéines végétales affiche son ambition. « Cette stratégie est un enjeu de souveraineté, assure le ministre Julien Denormandie. Il faut sortir de cette dépendance aux protéines américaines organisée depuis 50 ans. » Cette stratégie s'inscrit dans le volet agricole du plan de relance, doté de 1,2 milliard d'euros.
Le plan lancé début décembre parviendra-t-il à insuffler une dynamique durable ? Les échecs répétés des plans antérieurs peuvent laisser sceptique. Les acteurs de terrain jugent toutefois cette nouvelle mouture plus convaincante. « Monsieur le ministre, vous avez devant vous un agriculteur content, a lancé le président de la Fédération des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP), Arnaud Rousseau, lors de la conférence de presse officialisant le lancement du plan, le 1er décembre. Ce n’est pas le premier plan protéines, mais ils ont rarement été accompagnés avec une telle volonté politique et de tels moyens financiers. » Enthousiasme partagé quelques minutes plus tard par Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe Agriculture d’Inrae, qui s’est réjoui que ce plan protéines vise à « transformer les systèmes de production en profondeur pour gagner en résilience ».
Mettre en adéquation les besoins de tous les maillons
Plusieurs facteurs sont mis en avant par les parties prenantes pour justifier cet optimisme, à commencer par la démarche de coconstruction saluée par tous – plus de 350 personnes ont œuvré à l’élaboration à marche forcée de cette stratégie. « La construction est très différente des précédents plans, car elle s’appuie sur toute la filière, de la recherche à la consommation en passant par la production », explique Stéphane Radet, directeur du Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (Snia).
Une différence confirmée par son président François Cholat : « ce plan va nous permettre d’être plus fins en travaillant l’adéquation entre les besoins de la transformation et la production. Il ne s’agira plus d’espérer produire un gros tas dans lequel on ira se servir ». Autre originalité, ce plan associe pour la première fois dans une étroite coordination l’ensemble des interprofessions, animales et végétales.
Bâtir des filières pérennes, ancrées dans des territoires, et créer de la valeur sont les deux mantras de ce plan. La moitié du budget de 100 millions d’euros (M€) mis à disposition sur deux ans est ainsi fléchée vers « le soutien de la structuration des filières et des investissements sur l’aval ». Et les producteurs dans tout ça ? L’enveloppe qui leur est réservée est de 20 M€. La moitié sera allouée sous forme d’aides à l’achat de semences pour les éleveurs afin d’enrichir les prairies en légumineuses fourragères. Les 10 M€ restants seront consacrés au cofinancement de matériel spécifique à la production de légumineuse et à leur valorisation à la ferme (des barres de coupe flexibles au matériel de distribution des aliments).
Transfert massif de connaissances sur le terrain
La philosophie de ce plan n’est donc pas tant d’apporter une manne financière directe aux producteurs que d’améliorer les moyens de productions et de sécuriser les cultures protéagineuses, tout en pérennisant des débouchés rentables. Pour Laurent Rosso, directeur de Terres Univia (l’interprofession des huiles et protéines végétales), les agriculteurs vont bénéficier d’un transfert massif de connaissances sur le terrain.
« Il y a un enjeu d’intensification, et ce plan va permettre de transférer rapidement des innovations sur les fermes, explique Laurent Rosso. Ce sera le cas pour les connaissances sur les variétés, pour la diffusion de systèmes de production plus rentables, la mise à disposition de nombreux outils d’aide à la décision… Avec les moyens alloués, nous allons intensifier ce déploiement sur des centaines de milliers d’hectares, avec des dizaines de techniciens spécialement formés. » Pour l’expert, tout l’intérêt de ce plan consiste à « donner des perspectives en mobilisant les opérateurs, et cet intérêt collectif à produire des plantes riches en protéines va attirer les producteurs ». Ce nouveau plan a trois ans pour les convaincre.
Un défi relevé sous conditions par les producteurs
L’accueil positif réservé au nouveau plan protéines a été assorti de mises en garde ayant tout l’air d’un accord sous conditions. « Nous sommes prêts à relever le challenge ambitieux d’accroître les surfaces de 40 % en trois ans, mais nous aurons des points de vigilance », a averti Arnaud Rousseau, président de la FOP, citant notamment la conservation des moyens de production. Parmi les attentes de la profession, le maintien et l’obtention de dérogations de produits insecticides sont en bonne place. « On s’engage à réduire l’utilisation de produits phytosanitaires par l’agronomie et la génétique, mais c’est un travail de fond, justifie Laurent Rosso, chez Terres Univia. Il faut un minimum de capacité à utiliser ces produits de façon transitoire. »
Autre préoccupation de la filière oléagineuse : le maintien de conditions favorables aux biocarburants. La production d’huile de colza pour le biodiesel s’accompagne de celle de tourteaux, qui représentent une part importante des protéines végétales dans les rations animales françaises. Impossible selon la filière de se priver de cette ressource en protéines.
Une « rampe de lancement » qui aura besoin de relais
Autre question : celle de la durée. Le plan protéines est certes considéré par les acteurs de la filière comme un « électrochoc salutaire » (dixit la FOP) ou une belle « rampe de lancement » (selon le Snia), celui-ci sera mis en œuvre sur deux ans seulement. « Pour tenir nos ambitions à dix ans, il faudra un relais par d’autres types de politiques publiques », estime Laurent Rosso. Sur la même ligne, le Snia (nutrition animale) juge indispensable de poursuivre l’effort via la future PAC, avec, entre autres, la préservation d’aides couplées conséquentes.
Le président du Snia met aussi en garde contre les sirènes de la montée en gamme. « Il y a des marchés de niche à haute valorisation, mais la reconquête des parts de marchés devra surtout se faire sur le standard, estime François Cholat. Nous aurons toujours besoin de produits ultracompétitifs, car si les productions animales décrochent en compétitivité, on importera ces produits de l’étranger et on aura tout perdu. »
À quoi serviront les 100 millions d’euros ?
50 M€ : « soutien de la structuration des filières et des investissements sur l’aval » (production, stockage, distribution).
20 M€ : pour les producteurs, dont 10 M€ pour l’achat de semences légumineuses fourragères pour les prairies, et 10 M€ pour du matériel facilitant la culture et la valorisation des légumineuses (récolte, semis, distribution d’aliment…)
20 M€ : partenariats des différents instituts techniques des secteurs animal et végétal (Terres Inovia, Idèle, Arvalis) pour des « projets collectifs en recherche-développement et innovation ».
7 M€ : recherche variétale.
3 M€ : promotion de la consommation de légumes secs pour développer le débouché de l’alimentation humaine, source de création de valeur.