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Méthanisation agricole en cogénération : quelles solutions en fin de tarifs ?

Les premiers méthaniseurs agricoles fonctionnant en cogénération arrivent bientôt en fin de leurs contrats d'achat d'électricité. Il est temps d'anticiper l'évolution nécessaire des installations et de voir quelle solution sera la plus rentable.

Méthaniseur en cogénération dans une exploitation laitière.
En l’état actuel des textes réglementaires, une installation de méthanisation ayant bénéficié d’un tarif d’achat ne peut prétendre à un nouveau tarif d’achat.
© Costie Pruilh

 

 

Les premiers sites de méthanisation par cogénération, voie historique de la valorisation énergétique du biogaz dans les zones intermédiaires agricoles (désormais remplacée par l’injection), vont bientôt fêter la fin de leurs contrats d’électricité. Que faire à la fin des contrats d’achat 
 

 

Le programme Métha BFC informe sur la fin des tarifs en cogénération

Un wébinaire organisé par Solagro avec la région Bourgogne Franche Comté et l’Ademe dans le cadre du programme Métha BFC a apporté de premières réponses le 17 octobre dernier. Il réunissait plus de 100 personnes, preuve que le sujet préoccupe nombre de méthaniseurs notamment des agriculteurs.

Les sites de cogénération vont devoir se réinventer

« Les sites de cogénération vont devoir se réinventer. Nous sommes dans les délais pour se poser les bonnes questions », explique en introduction Stéphanie Modde, vice-présidente en charge de la transition écologique pour la région Bourgogne Franche-Comté. 

 

Etat des lieux de la puissance raccordée par année en cogénération

Graphique de l'évolution du raccordement en cogénération

Source : Métha Bourgogne Franche Comté

Lire aussi : Biogaz : l’injection victime d’un coup de frein au premier semestre 2024

 

Méthanisation agricole en cogénération : quels contrats arrivent à échéance ?

Pour rappel les contrats d’achat d’électricité pour la méthanisation par cogénération BG01 (arrêté du 3 octobre 2001, qui concerne les collectivités), d’une durée initiale de 15 ans, arrivent bientôt à échéance. 

Les méthaniseurs sous contrats dit BGM6 (arrêté du 10 juillet 2006) et BG11 (arrêté du 19 mai 2011) d’une durée initiale de 15 ans se sont vu offrir la possibilité de signer un avenant pour prolonger leur contrat de 5 ans mais avec des sommes versées plafonnées à un nombre d’heures de fonctionnement en pleine puissance (de 5500 heures à 7500 heures selon la puissance électrique de l’installation).

Le contrat dit BG16 (arrêté du 13 décembre 2016) prévoit pour sa part une durée initiale de 140 000 heures.

Lire aussi : Méthanisation agricole : « Il faut donner de l’oxygène à la cogénération qui s’essouffle »

 

Quelles solutions à la fin du contrat d’achat d’électricité ?

En l’état actuel des textes réglementaires, une installation de méthanisation ayant bénéficié d’un tarif d’achat ne peut prétendre à un nouveau tarif d’achat. 

A échéance des contrats d’électricité, la pérennisation des installations passera donc par un dispositif « extrabudgétaire » (c’est-à-dire via des prix non bonifiés par l’Etat).

Une étude menée par Solagro en 2022 et mise à jour en 2024 a étudié plusieurs scénarii de valorisation du biogaz et évalué à quel prix le gaz ou l’électricité devrait être vendu pour que l’installation puisse perdurer de manière rentable dans les cas suivants :

  • Poursuite de la cogénération sur la base du même fonctionnement qu’aujourd’hui 
  • Conversion en biométhane
  • Poursuite de la cogénération et ajout d’une station GNV (gaz naturel pour véhicule)
  • Cogénération fonctionnant uniquement aux heures de pointe
  • Cogénération et injection
  • GNL
  • Gaz porté.

Lire aussi : Méthanisation agricole : avantages, inconvénients et perspectives selon l'Ademe

 

Des investissements à réaliser dans les sites de méthanisation quels que soient les scénariis

Quel que soient les scénarii étudier, Solagro estime que des investissements pour remettre en état les sites de méthanisation agricole seront nécessaires pour un montant évalué à 21% des coûts d’investissements initiaux. 

Dans ses hypothèses, l’association part par ailleurs sur un prix d’achat d’électricité pour faire fonctionner l’installation de 120 euros/MWh et sur le fait que les producteurs ne bénéficieront pas de subvention à l’investissement.

Lire aussi : Biomasse et transition énergétique : que dit le dernier rapport de Solagro ?

 

Quels modèles économiques pour les différentes solutions ?

L’étude de Solagro a ainsi modélisé les différentes solutions et avance plusieurs modèles économiques, ceux des principales solutions ayant été présentés le 17 octobre :

  • Pour poursuivre en cogénération, un tarif d’achat de l’électricité légèrement supérieur ou égal au tarif réglementé base 2024 serait nécessaire (bien au-dessus du tarif spot moyen de 71 euros/MWh constaté entre 2012 et 2023). La vente de 50% de la chaleur produite par le méthaniseur permettrait d’abaisser de 9 euros/MWh ce tarif pour atteindre l’équilibre économique.
  • L’arrêt de la cogénération pour basculer en injection de biométhane serait rentable avec des tarifs d’achats inférieur de 56 euros/MWh au tarif réglementé de l’injection mais resterait supérieur au tarif spot moyen de 31 euros/MWh.
  • La poursuite en cogénération avec un second moteur et un ballon pour stocker du gaz en dehors des heures de pointe afin de bénéficier des prix des heures plus chères ne serait pas rentable la différence de prix sur le marché spot n’étant que de 10 euros/MWh.

Les installations ne pourront pas perdurer au tarif de marché de l’énergie

« La conclusion de l’étude est que quels que soient les scénarii, les installations ne pourront pas perdurer au tarif de marché de l’énergie (marché spot, ndlr) constaté ces dernières années. Ceci étant principalement lié aux charges de fonctionnement des installations », explique Thomas Filiatre, chargé de projets de méthanisation chez Solagro. 

 

Quels contrats après les tarifs d'achat ?

Le maintien des sites de méthanisation en cogénération semble encore plus difficile puisque nécessitant des tarifs de vente proches des tarifs conclus actuellement dans les contrats. Si le passage en injection peut être réalisé à un tarif inférieur, il nécessiterait « une sécurité du mécanisme de 15 ans » pour sécuriser le producteur et le système énergétique, selon le spécialiste de Solagro. 

La vente de l’énergie après la fin des contrats en tarif d’achat peut se réaliser via des contrats de gré à gré de type certificats de production de biogaz (CPB)

Lire aussi : Méthanisation agricole : une troisième voie entre l’injection et la cogénération testée en 2025 

 

Quelles possibilités pour passer de la cogénération à l’injection selon GRDF ?

Aujourd’hui 603 méthanisateurs agricoles en France injectent du biogaz dans les réseaux de GRDF. David Chauvin, chargé de développement biométhane Bourgogne et Jura pour GRDF, a présenté le 17 octobre les différentes étapes pour les méthaniseurs en cogénération d’étudier et s’engager dans une solution en injection. 

Avant toute chose, l’agriculteur méthaniseur devra contacter un conseiller ERDF pour obtenir un préchiffrage du raccordement en injection et les capacités d’accueil du réseau.

 

Quel coût de raccordement pour l’agriculteur méthaniseur ?

Le coût du raccordement restant à charge du producteur dépend de la distance du réseau de distribution le plus proche mais aussi de l’existence de points singuliers à traverser (type voies SNCF, cours d’eau, autoroutes…), David Chauvin avançant les montants de 353 000 euros pour un projet à 6,8 km du réseau et de 895 000 euros pour un projet distant de 11,5 km. 

 

Quelles possibilités d’accueil sur les réseaux GRDF ?

A l’heure actuelle, le chargé de développement annonce des capacités d’accueil de candidats pour passer à l’injection dans la région Bourgogne Franche Comté :

  • En Côte d’Or : 8 projets sur la zone de Dijon, 1 sur Chatillon, 7 sur Beaune et 1 sur Langres.
  • Dans le Doubs : 6 sur Besançon
  • Dans le Jura : 1 sur Dole, 2 sur Lons le Saunier et 1 sur Saint-Amour,
  • Dans la Nièvre : 1 sur Pouilly, 2 sur Clamecy
  • En Haute-Saône : 1 sur Lure et 1 sur Gray
  • En Saône-et-Loire : 4 sur Chalon, 3 sur Macon, 1 sur Montceau et 1 sur Digoin
  • Dans l’Yonne : 5 sur Auxerre, et 1 sur Tonnerre
  • Sur le territoire de Belfort : 8 

Au-delà de ces solutions, GRDF annonce aussi étudier des solutions de stockage ponctuel sur site et de raccordement au réseau de transport.

Lire aussi : Quelles perspectives pour les producteurs d'énergie à la ferme ?

 

Où trouver des conseils pour réfléchir à l’après contrat tarifs d’achat ?

Dans le cadre du dispositif Methabfc.fr, la région Bourgogne Franche Comté annonce que des permanences sont organisées les lundi et jeudi de 14h à 17h30 pour aider les porteurs de projets (au 03 45 81 06 30). Une journée sera aussi organisée le 14 janvier 2025 à Beaune avec un tour de table des financeurs.

Il ne faut pas attendre d’être dans le mur

« C’est compliqué aujourd’hui pour ceux qui se sont lancés en premier dans la méthanisation, il y a encore 60 installations en cogénération dans la région, il ne faut pas attendre d’être dans le mur et anticiper la fin des contrats » : ainsi Jean-Luc Saublet, directeur régional délégué Ademe de Bourgogne Franche-Comté, conclut le séminaire, affirmant qu’il n’y a pas de solution unique.

La question devra aussi se poser d’ici quelques années pour les sites de méthanisation agricole en injection, avec de premiers contrats qui arriveront à échéance en 2028.

Lire aussi : Méthanisation agricole : adapter son projet à une rentabilité incertaine

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