Nouvelles filières agricoles : le thé made in France se développe dans plusieurs régions
Une petite production de thé et sa filière se développent dans l’Hexagone. Quelques passionnés produisent et commercialisent un thé made in France. Des programmes de recherche et des formations dédiées se mettent en place.
Une petite production de thé et sa filière se développent dans l’Hexagone. Quelques passionnés produisent et commercialisent un thé made in France. Des programmes de recherche et des formations dédiées se mettent en place.
Après les tout premiers producteurs de thé qui se sont lancés sur l’île de la Réunion il y a une vingtaine d’années, une poignée de Bretons a suivi. Puis, d’autres se sont installés sur le continent, notamment dans les Pyrénées-Orientales, en Normandie ou encore au Pays basque. « Le Camellia sinensis, de la même famille que le camélia à fleurs, est le nom latin du théier », rappelle Denis Mazerolle, fondateur avec son épouse Weizi, d’origine chinoise, d’une des toutes premières plantations de thé en France, Filleule des fées, à Languidic, près de Lorient (Morbihan).
Un label « thé français » pour défendre la production
« Comme pour le camélia des jardins, la Bretagne présente de nombreux atouts pour accueillir cette culture : une terre acide, de l’humidité et un sol bien drainé. En revanche, le théier n’aime pas le vent. D’où l’installation dans cette vallée bretonne abritée », précise Denis Mazerolle. Dès 2015, le couple plante 200 théiers d’origine différente. Et depuis 2016, d’avril à septembre, ils récoltent quelques kilogrammes des petites feuilles des bourgeons qu’ils transforment en thé noir, vert ou blanc. C’est la transformation de cette récolte et son degré d’oxydation qui va faire la différence entre trois thés (voir encadré). Leur exploitation couvre aujourd’hui trois hectares et emploie l’équivalent de cinq ETP (équivalent temps plein).
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L’objectif est d’atteindre dix hectares de culture dans les années à venir. « La France produit environ une tonne et demie de thé par an », indique Jérémy Tamen, président de l’Association nationale pour la valorisation des producteurs de thé français (ANVPTF), fondée en avril 2021. « La filière est encore une niche mais les volumes augmentent. Nous avons recensé une trentaine de cultures ou de projets. C’est une production qui demande un gros investissement au départ : environ 50 000 euros par hectare et nécessite beaucoup de main-d’œuvre. Il est rare de vivre à 100 % du thé en France », précise-t-il. La production se fait souvent en parallèle d’une autre activité agricole, dont le développement est plus rapide (maraîchage, plantes aromatiques…). L’association a lancé un label « thé français » pour défendre la production française.
Très cher à produire et à transformer
Le prix est élevé car il est cher à produire. « Nous sommes autour de 350 euros le kilo, cela peut grimper jusqu’à 1 600 euros », explique Jérémy Tamen. La production française est vendue en circuit court dans les plantations ou sur Internet, et dans des maisons de thé. Filleule des fées a commencé à commercialiser sa production dès 2020, en très petite quantité. « Nous sommes autour de 1 500 euros le kilo, contre une centaine d’euros pour un thé courant de qualité moyenne dans un magasin vendant en vrac en ville. Mais quand nous aurons atteint 200 kilos de production, nous devrions pouvoir baisser le prix entre 300 et 500 euros le kilo », précise Denis Mazerolle. Il tient à ajouter : « Nos produits sont uniques et totalement traçables. »
Sur un marché mondial estimé à près de cinq millions d’hectares de théiers, la récolte annuelle est de six millions de tonnes, soit en moyenne 1,2 tonne par hectare. Certaines cultures menées de façon très intensives peuvent atteindre 4 tonnes par hectare. Ce n’est pas le choix qu’on fait les producteurs français qui optent pour une culture extensive et certifiée bio. Le thé français a d’autant plus de potentiel que les problèmes phytosanitaires sont rares sur les plants. « Ils sont surtout sensibles aux chevreuils à la plantation, mais également aux lièvres et campagnols. Quand la plante est enracinée, elle est solide », indique le producteur.
Des formations pour « néo-théiculteurs »
Ce que constate aussi Lucas Ben-Moura, jeune ingénieur agronome qui s’est familiarisé avec la culture du thé à travers des voyages en Indonésie, en Chine et au Laos. Il a ainsi lancé, en automne 2020, la première plantation de thé des Pyrénées, à Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées), sur un demi-hectare. Elle arrive enfin à maturité et il ambitionne lui aussi de produire un thé biologique haut de gamme, cueilli à la main sur un terroir prédestiné. Il envisage par ailleurs d’effectuer la transformation sur place. « Au-dessous de trois hectares en production, les installations de transformation du thé sont difficiles à rentabiliser », avertit Denis Mazerolle.
Il faut en effet un laboratoire et des machines pour fabriquer le thé vert ou pour bien laisser flétrir un thé noir… Tout un savoir-faire que le couple a acquis et développé au fil des années et qu’il transmet à travers des formations, reconnues par les organismes certifiés, comme Vivéa. Plus de cent personnes sont déjà venues se former à la culture et la transformation du thé. Au lycée horticole de Saint-Jean-Brévelay-Hennebont, Christèle Burel, chargée de mission à la chambre d’agriculture, réalise aussi des formations sur le sujet et accompagne une dizaine de « néo-théiculteurs ».
FierThé, projet de recherche transdisciplinaire
Le projet FierThé, lauréat d’un appel à projets Casdar PNDAR (1) et porté par le Caté, est le premier projet de recherche sur le thé en France. Il regroupe différents acteurs économiques et académiques des Pays de la Loire, de Bretagne et de Normandie. Il a pour but d’acquérir des connaissances pour développer une filière innovante et durable de production de thé en France. Le consortium se penche sur le sujet de la production, de la transformation avec la création d’unités industrielles partagées et sur la mise en place d’outils collaboratifs. Il se décline en six objectifs : sélectionner des cultivars adaptés à une production de haute valeur organoleptique, développer des méthodes efficaces de propagation du théier, tester des systèmes de culture répondant au cahier des charges de l’agriculture biologique, acquérir des références technico-économiques sur la production en France, informer les futurs exploitants sur la théiculture et créer des modules d’enseignement pour la formation professionnelle agricole.
Ce n’est pas la variété qui fait le thé
Ce qui différencie le thé vert, noir, blanc, Pu-erh ou Oolong n’est pas la variété du plant, mais principalement le degré d’oxydation. Ainsi pour produire du thé vert, les feuilles sont passées sous un jet de vapeur dès leur récolte pour bloquer immédiatement l’oxydation. Une oxydation très avancée est au contraire très recherchée pour le thé noir entreposé dans des locaux humides et chauds. Le thé blanc n’est constitué que du bourgeon et des feuilles adjacentes, leur « flétrissage » s’effectue environ 72 heures en plein soleil. Le thé jaune est également très peu oxydé. Le thé Oolong est semi-fermenté à l’aide d’une source de chaleur. Enfin le thé Pu-erh, comme les vieux whiskys, peut être fermenté parfois vingt ans.