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Tendance
Le bio, incontournable ?

Le segment du bio représente aujourd’hui 5 % du marché des fruits et légumes frais. Nombreux sont les acteurs à l’introduire dans leur offre, voire à créer une véritable entité bio. Le bio est-il devenu incontournable et qu’est-ce qui fait sa force par rapport à d’autres tendances ?

© Claire Tillier

Selon l’Agence bio, la croissance du marché français des fruits et légumes bio a été de plus de 30 % en valeur en 2016. ProNatura, numéro un historique des fruits et légumes frais bio, a affiché en 2016 un chiffre d’affaires de plus de 150 M€, soit deux fois plus qu’il y a cinq ans. Le groupe Bonduelle, leader mondial des légumes transformés, reconnaît le bio comme incontournable et en fait un de ses axes de croissance pour les trois prochaines années. Et ce ne sont que quelques exemples.

La qualité avant la quantité

Il y a d’abord un phénomène d’inversion des valeurs de consommation pour une partie croissante des acheteurs : à la course aux promotions succède aujourd’hui une recherche de produits porteurs de valeurs sociétales. Le prix unitaire n’est plus le critère principal pour ces acheteurs ; ce qui compte ce sont des qualités palpables, comme le goût, ou invisibles comme la contribution à un meilleur environnement. Au quantitatif succède le qualitatif.

Les produits issus de l’agriculture bio ne sont pas les seuls à profiter de cette vague qu’ils ont contribué à provoquer : les produits locaux et de saison, les produits alternatifs, économes en intrants y participent aussi.

Les atouts majeurs du bio

Mais la filière bio dispose de plusieurs atouts majeurs : c’est un concept mondial, c’est un produit contrôlé, c’est un concept transversal aussi bien animal que végétal. Il s’applique aussi bien aux produits agricoles bruts qu’aux produits alimentaires transformés. Ces caractéristiques ont, par exemple, permis l’essor de réseaux de distribution spécialisés, ce qui n’est pas le cas des AOP/IGP, ni d’un autre concept remarquable comme le “Bleu-Blanc-Cœur”.

Des acteurs engagés

La deuxième raison est l’engagement des acteurs. Un hectare de culture bio demande davantage de travail que son équivalent conventionnel, les risques techniques sont plus grands, la mévente coûte plus cher. Sans engagement, sans adhésion aux principes, pas de bio ! Il faut garder ce fait à l’esprit, au moment où le succès des pionniers attire les suiveurs.

Quels sont les résultats de cet engagement ? La durée : les premiers mouvements bio remontent aux années 30. Le phénomène est profondément ancré, ce n’est pas une mode. La durée permet de capitaliser, de couvrir progressivement tous les registres de la consommation.

L’engagement a également permis l’essor, en France et en Allemagne, de réseaux de distribution spécialisés, qui ont développé un modèle plus apaisé de relations entre amont et aval et ne se braque pas sur le prix. C’est ce modèle qui permet aux distributeurs généralistes de développer les ventes de produits dont le prix de vente unitaire est plus élevé que celui des produits standards, voire des produits premium. C’est l’engagement qui a aussi permis une véritable relance du métier de maraîcher, en nette perte de vitesse sur les dernières décennies du XXe siècle et en progression depuis dix ans, mais en bio. Là encore, la logique inversée du prix a permis aux producteurs de taille modeste de renaître face à la concentration économique et géographique de la production.

À la croisée des deux tendances de fond : santé et environnement

Cette troisième raison explique pourquoi les fruits et légumes réalisent la performance la plus élevée de l’univers bio. Il existe une forte cohérence entre des préoccupations individuelles (la santé, la forme, la ligne) et les préoccupations environnementales (pas de pollution chimique de l’air, des eaux, respect de la biodiversité, lutte contre le réchauffement). Les fruits et légumes bio sont à la croisée de ces deux tendances de fond. Le discours “santé” des fruits et légumes est lui-même constant depuis deux décennies, il est en phase avec les recommandations nutritionnelles (moins de gras, moins de sucre), il est un des constituants des arguments des mouvements végétariens et vegan.

Une question : l’offre

L’essor des ventes de fruits et légumes bio est le fait des maraîchers, des circuits spécialisés, de la grande distribution et, de plus en plus, des transformateurs : tout le monde s’y met. La limite est l’offre. L’importation est-elle inévitable ? Celle-ci est structurelle et incontournable lorsqu’il s’agit des produits tropicaux (bananes, agrumes, avocats, principalement). Elle est ponctuelle lorsque les conditions climatiques locales sont défavorables (la pomme de terre en 2016-2017, mais pas en 2017-2018). Elle est transitoire pour des espèces comme la pomme, dont le développement local peine à suivre la demande et dont les conditions de production sont moins aisées qu’au Tyrol italien. Elle est faible pour des produits comme la carotte, qui bénéficie de conditions plus favorables dans l’hexagone.

Il est important de considérer que le développement de la production bio en France s’est toujours fait par le marché : celui-ci peut se développer avec des produits extérieurs, reste ensuite aux acteurs français à développer leur offre, ce qui est effectif, mais peut prendre quelques années.

Les désavantages de coûts de production peuvent, cette fois, se compenser par la demande de qualité. Non seulement le public souhaite consommer des produits bio, mais en plus, il les veut “locaux”. C’est ce défi que devront relever les acteurs de la filière fruits et légumes.

A lire aussi : Le bio évite-t-il les défaillances d'entreprises ?

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