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Vente à la sauvette de fruits et légumes à Paris : de la prison ferme pour les fournisseurs

De la prison ferme pour des organisateurs de ventes de fruits et légumes à la sauvette : une sanction historique pour ce véritable fléau notamment dans certains arrondissements de Paris qui, en dehors du fait de nuire à la filière fruits et légumes, présente un risque sanitaire pour les consommateurs et participe à l’exploitation de personnes en grande précarité.  

Etal fait de cagettes d'un vendeur à la sauvette de fruits et légumes à la sortie d'une bouche de métro à Paris.
A Paris, on croise régulièrement ces vendeurs de fruits et légumes à la sauvette, près des bouches de métro, des stations de bus, voire non loin de primeurs professionnels. Ils sont les petites mains de réseaux mafieux qui font en outre courir un risque sanitaire aux consommateurs.
© Claire Tillier

La fédération des primeurs Saveurs Commerce s’est réjoui dans un communiqué de la « condamnation historique » d’organisateurs d'un réseau de vente à la sauvette de fruits et légumes. Si l’affaire date de novembre 2023 et que le jugement a été rendu en juin dernier, Saveurs Commerce n’a pu obtenir le détail qu’en ce mois de novembre. « Notre avocat était présent, mais pour avoir le détail avec le compte rendu du jugement, ça a été très long », explique Sandrine Choux, directrice de Saveurs Commerce qui a souhaité communiquer en ce mois de novembre sur cette condamnation exemplaire. Dans cette seule affaire, 1 tonne de fruits et légumes avait été saisie par les policiers du XVIIIe arrondissement de Paris et 5 personnes interpellées. 

Comme dans d’autres affaires du même type, Saveurs Commerce s’était constituée partie civile : « L’idée est de montrer que nous n’abdiquons pas sur ce genre de dossier », poursuit Sandrine Choux.  

 

Pourquoi cette condamnation est historique ? 

En quoi cette condamnation est-elle historique ? « Pour la première fois, il y a des peines de prison ferme et de lourdes peines, insiste Sandrine Choux. On a réussi à attaquer des chefs de réseaux, qui ont récidivé et qui sont maintenant en plus interdits de marché de Rungis pendant 5 ans ». 

Dans cette affaire, le tribunal correctionnel de Paris a en effet condamné trois individus. 

L’accusé principal a été condamné à 18 mois de prison ferme, assortis d’une interdiction de territoire nationale pendant 5 ans et de paraître sur le MIN de Rungis durant la même durée. Récidiviste, il a été identifié comme l’un des commanditaires de plusieurs points de ventes sauvages de fruits et légumes. 

Le second accusé, « occupant une fonction intermédiaire dans le réseau », a été condamné à 10 mois de prison avec sursis avec une interdiction de territoire national et de paraître sur le marché de Rungis pendant 3 ans. 

Un troisième accusé a écopé de 6 mois de prison avec sursis et de l’interdiction de paraître au MIN de Rungis pendant une durée de 3 ans. 

Pourquoi une interdiction de se rendre sur le Marché international de Rungis ? « Parce qu’il a été constaté que les accusés avaient une carte d’acheteurs pour Rungis, indique la directrice de Saveurs Commerce. Comment ont-ils réussi à avoir des cartes d’acheteurs professionnels, je n’en sais rien. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’ils n’ont pas de société qui leur permettrait d’avoir cette carte ». C’était également le cas dans d’autres affaires régulièrement relayées dans les colonnes du Parisien

 

Mais que fait la Semmaris ? 

« Comment se fait-il que Rungis, qui est le marché national, approvisionne la filière des marchands à la sauvette ? », s’interrogeait déjà en novembre 2021 Me Frédéric Doueb, avocat de la fédération des primeurs Saveurs Commerce dans le quotidien Le Parisien à l’occasion d’une affaire du même type. 

Une question toujours d’actualité et qui n’a pas trouvé de réponse appropriée. La complicité de certains « grossistes peu scrupuleux » a été évoquée à plusieurs reprises. La police avait déjà remonté la piste d’au moins l’un d’entre eux qui vendait ces fruits et légumes de moindre qualité au noir. La Semmaris, qui gère le marché d’intérêt national de Rungis, a par le passé, évoqué une « situation difficile » et affirmé travailler avec les forces de police et les mairies d’arrondissements de Paris concernées. Néanmoins le trafic continue et au vu du nombre de revendeurs de fruits et légumes à la sauvette dans certains quartiers de Paris et des volumes saisis lors des différentes interpellations (plusieurs tonnes souvent), il y a fort à parier qu’il n’y a pas qu’un seul grossiste sans scrupules. 

 

Des réseaux de type mafieux 

« Derrière ces ventes, se cache tout un système mafieux ne s'acquittant d'aucune charge, ni redevance, et exploitant la détresse de ces vendeurs en situation précaire », dénonce Saveurs Commerce. En effet, ces vendeurs à la sauvette, sans papiers, sont exploités par des têtes de réseaux souvent en situation irrégulière également, qui alimentent chacun plusieurs « points de vente » sauvages. Un trafic qui génère des dizaines de milliers d’euros par semaine pour les têtes de réseaux mais qui rémunèrent les petits vendeurs, travaillant au-delà de 10 heures par jour, aux alentours de 20 € la journée. Les contrôles et les arrestations se sont intensifiés ces dernières années notamment grâce au travail commun de la police (en particulier à travers sa brigade Sauvette et contrefaçon, la BSC), les mairies d’arrondissement, sans oublier des fédérations comme Saveurs Commerce qui lutte avec acharnement contre ce fléau depuis de très nombreuses années.

Les vendeurs à la sauvette s’installent à des points stratégiques (sorties de métro, derrière les abribus…) voire à proximité des primeurs. « Cela dégrade l’image de la profession », rappelle Saveurs Commerceprofession qui elle paie ses charges, est tenue à de très nombreuses obligations réglementaires notamment en matière d’hygiène et de sécurité.

 

Des risques pour les consommateurs qui achètent ces fruits et légumes à la sauvette 

Des règles sanitaires totalement ignorées des vendeurs illégaux qui stockent souvent les fruits et légumes d’origine inconnue et intraçable dans des conditions déplorables dans des endroits insalubres pour certains infectés de rats. Des lieux qui ne sont pas sans rappeler les bouches d’égout où ont été retrouvées ces derniers temps des marchandises d’autres vendeurs à la sauvette comme de la pâte à crêpe ou des petites bouteilles d’eau. 

En dehors du fait de nuire à toute une filière fruits et légumes, c’est un véritable risque sanitaire que font courir ces réseaux de ventes illégales à des consommateurs, sans doute non informés, ignorant en outre qu’ils participent, en achetant les fruits et légumes de ces points de vente sauvages, à des systèmes mafieux. 

Faudra-t-il qu’il y ait un jour un véritable problème sanitaire, une grave intoxication, pour que ce trafic s’arrête ? Faut-il s’attaquer encore plus haut que ces organisateurs de réseaux ? A ceux qui fournissent ces fruits et légumes en connaissance de cause et de manière illégale ?

« On espère en tout cas que cette condamnation historique va faire peur », conclut Sandrine Choux.  

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