Emballages plastique dans l’UE : à quoi peut s’attendre le secteur des fruits et légumes ? L’AREFLH fait le point sur le PPWR
Lors du premier Forum Annuel de l’AREFLH, les discussions ont notamment portées sur le PPWR, le règlement européen sur les emballages et les déchets d'emballages. Les témoins -eurodéputés, producteurs, représentant du secteur des emballages- se sont exprimés sur les impacts de cette proposition législative pour la filière fruits et légumes, et le besoin absolu d’une liste d’exceptions unique qui ne perturbera pas le marché commun.
Lors du premier Forum Annuel de l’AREFLH, les discussions ont notamment portées sur le PPWR, le règlement européen sur les emballages et les déchets d'emballages. Les témoins -eurodéputés, producteurs, représentant du secteur des emballages- se sont exprimés sur les impacts de cette proposition législative pour la filière fruits et légumes, et le besoin absolu d’une liste d’exceptions unique qui ne perturbera pas le marché commun.
Alors qu’en France, le décret d’application du 20 juin 2023 sur les emballages plastique des fruits et légumes de la loi Agec a été annulé le 8 novembre par le Conseil d’Etat -laissant la filière dans la plus grande incertitude (le gouvernement passera-t-il un nouveau décret ? les préjudices que la filière estime avoir subis seront-ils considérés ?)- au niveau européen le PPWR attend sa publication au Journal officiel de l’UE.
Le PPWR, ou règlement européen sur les emballages et les déchets d'emballages, prévoit, en autres, l’interdiction des emballages plastique à usage unique pour les fruits et légumes non transformés à partir du 1er janvier 2030.
PPWR : où en est-on en termes d’agenda ?
Le PPWR a fait l’objet d’un accord politique entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil le 4 mars 2024 en trilogue.
La version anglaise du texte a fait l'objet d'un vote favorable du Parlement européen le 24 avril 2024, puis a été révisé (ce qu’on appelle une révision linguistico-juridique) et traduit dans toutes les langues de l’UE. Aujourd’hui, il n’a plus qu’à être formellement voté par le nouveau Parlement européen (suite aux élections européennes de juin dernier), puis être approuvé par le Conseil.
Selon les informations qu’a transmis le Parlement européen à FLD hier, le règlement (procédure “corrigendum”) sera finalement annoncé dans la deuxième session de novembre (25-28 novembre), avec d'abord le vote en commission ENVI le lundi soir, et l'annonce en plénière le mardi.
Le PPWR sera annoncé dans la deuxième session de novembre du Parlement, lundi 25 et mardi 25 novembre
Une fois adopté, le texte entre en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l'Union européenne et s'appliquera 18 mois après son entrée en vigueur, bien que des dispositions transitoires plus longues s'appliquent à certaines exigences.
Le PPWR en débat à l’AREFLH
Lors du premier Forum annuel de l’AREFLH (Assemblée des Régions Européennes Fruitières, Légumières et Horticoles) le 6 novembre à Bruxelles, les participants ont été unanimes : l’interdiction des emballages plastique pour les fruits et légumes aurait un impact sévère sur la filière : elle conduirait également à une hausse des déchets alimentaires et des émissions de CO2, et impliquerait des coûts de production plus élevés. Une baisse de la consommation de fruits et légumes serait même à craindre selon eux.
Les fruits et légumes, seulement 1,5 % des emballages alimentaires plastique
Roberto Zanichelli, porte-parole de ProFood Italie (secteur italien de l’emballage), a aussi rappelé qu'environ 50 % des fruits et légumes en Europe sont déjà vendus en vrac et que les emballages en plastique pour les fruits et légumes ne représentent que 1,5 % de l'ensemble des emballages alimentaires. « Pourtant, le PPWR pénalise de manière disproportionnée ce secteur, qui est déjà un modèle d'utilisation responsable des emballages. De nombreuses solutions d'emballage pour les fruits et légumes contiennent déjà jusqu'à 70 % de matériaux recyclés, contribuant ainsi à l'économie circulaire européenne. »
« Il existe encore des options au niveau réglementaire », selon l’eurodéputée Mariateresa Vivaldini
Des propos que rejoint Mariateresa Vivaldini, eurodéputée membre de la Commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, pour qui les restrictions en matière d'emballage constitueraient un « fardeau excessif » pour la filière fruits et légumes, victime de « préjugés idéologiques ».
« Il existe encore des options au niveau réglementaire, a-t-elle affirmé. Nous pensons que les effets [de cette réglementation] seront plus négatifs que prévu. Il y aura une étude d’impact mais on sait déjà que les impacts sont pires que prévus par rapport aux bénéfices attendus qui sont moindres. Ainsi nous espérons obtenir une exemption anticipée pour le secteur des fruits et légumes, comme cela a été fait pour le vin. La durabilité écologique doit aussi être économique et sociale. »
La filière française a notamment pu témoigner de ce que pourra être ces impacts, ayant déjà eu un aperçu avec la loi française Agec (lire ci-dessous). Pour mémoire, l’interprofession Interfel a rappelé de nombreuses fois sa position : une sortie du plastique harmonisée au niveau européen et au rythme de la recherche, et une liste unique d’exemptions au niveau européen.
Exemptions : la nécessité d’une liste unique harmonisée
Le PPWR prévoit aussi : « les États membres peuvent mettre en place des dérogations à cette restriction [d’emballages en plastique à usage unique pour moins de 1,5 kg de fruits et légumes frais préemballés] si la nécessité d'éviter les pertes d'eau, le flétrissement, les risques microbiologiques, les chocs physiques ou l'oxydation est démontrée, ou s'il n'y a pas d'autre possibilité d'éviter le mélange de fruits et légumes biologiques avec des fruits et légumes non biologiques ».
Les participants au Forum annuel de l’AREFLH ont rappelé la nécessité d'une réglementation européenne harmonisée et d'éviter les listes d'exemption nationales.
« Sans une liste européenne commune, nous risquons de nous retrouver avec des règles différentes dans chaque pays, ce qui créerait un désavantage important pour ceux qui opèrent sur plusieurs marchés ! », a martelé Wim Rodenburg, responsable des affaires publiques à DPA/ GroentenFruit Huis (association sectorielle des organisations de commercialisation des légumes, des fruits et des champignons aux Pays-Bas).
Le témoignage des Français : sous Agec, que donne l’interdiction des emballages plastique ?
La France a pris de l’avance avec la loi Agec n° 2020-105 du 10 février 2020 qui prévoit l’interdiction des conditionnements en plastique pour les fruits et légumes frais inférieurs à 1,5 kg à compter du 1er janvier 2022. Le controversé décret du 20 juin 2023 (finalement annulé par le Conseil d’Etat le 8 novembre 2024), qui liste les fruits et légumes exemptés de cette interdiction, est entré pleinement en application le 1er janvier 2024.
Historique de la loi Agec et du décret du 29 juin 2023
Témoignage de Jean-Luc Parou, producteur de condiments et président d’IDfel
Jean-Luc Parou, producteur de condiments et président d’IDfel (association qui rassemble des opérateurs économiques de la filière fruits et légumes du grand bassin Val de Loire et Nord Loire), a témoigné :
« Les délais d’application étaient beaucoup trop courts. Et la GMS, qui représente en France 75 % du chiffre d’affaires des fruits et légumes, veut toujours faire plaisir aux pouvoirs publics et certaines enseignes ont pris un an d’avance par rapport à la loi. On a dû évoluer vers des filières biosourcées notamment cellulose, et vers des étiquettes papier. 85 % des îlots de conditionnement ont été touchés. »
Avec Agec, hausse des coûts de l’emballage et de non-conformité
« On a remarqué une hausse du coût de l’emballage. Par exemple pour le produit filet, le coût est passé de 11 centimes du kilo à 22 centimes du kilo, le double. Le poids de l’emballage dans le coût final du produit est désormais de 22 %. Pour les opérateurs, les investissements ont été massifs. Pourtant les coûts d’usure machine sont plus important et on note aussi un nombre de non-conformité plus grand. »
Montée en gamme et choix durables vs prix de la vie
« En France on parle de montée en gamme. On veut sauver l’environnement, mais est-ce qu’on va sauver l’homme ? Alors que les fruits et légumes sont essentiels pour la santé, le pouvoir d’achat des consommateurs n’est certainement pas en hausse -il est plutôt en baisse- et la hausse des coûts des emballages ne va pas aider à faire baisser les prix.
« Au lieu d'encourager des choix plus durables, la loi a rendu les produits frais moins accessibles, ce qui a entraîné une baisse des ventes »
Le consommateur pas convaincu
« Enfin, nous avons remarqué une dégradation de l’identité visuelle du produit, ce qui est problématique puisque l’on sait que le consommateur achète ses fruits et légumes selon le visuel du produit. L’emballage est plus que nécessaire pour vendre des fruits et légumes. Le vrac aujourd’hui n’évolue pas. On le voit en analysant le traitement des déchets des consommateurs. Ils ne sont pas prêts au zéro emballage. Au lieu de se concentrer sur ce que le consommateur exprime dans les sondages et les études, il faudrait analyser son caddie. Parce que c’est son acte d’achat qui nous fait vivre. »
Et de conclure : « Le dialogue c’est important. »
L’ensemble des participants au débat a prôné un dialogue et une concertation des parties prenantes par les décideurs politiques.