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Châtaigne : Jeannette, une nouvelle variété pour le marché du frais

La nouvelle variété de châtaigne Jeannette est adaptée aux nouvelles contraintes de production grâce notamment à ses facultés de conservation. Elle présente des atouts pour relancer la consommation de châtaignes fraîches.

Une nouvelle variété de châtaigne arrive sur le marché en 2022. Jeannette, c’est son nom, est issue d’un croisement Bouche de Bétizac x Jian Ding You Li (variété chinoise de Castanea mollissima). C’est la deuxième variété provenant du programme de sélection INRAE/CTIFL/Invenio, après Bellefer. Mais contrairement à sa grande sœur qui répond à la demande croissante de châtaignes transformées, Jeannette est avant tout destinée au marché du frais. Dans ce débouché qui importe encore 50 % de ses volumes, la principale variété Bouche de Bétizac commence à rencontrer quelques difficultés.

« Les automnes étant de plus en plus chauds, Bouche de Bétizac se récolte de plus en plus tôt. Elle est dans les frigos dès le 15-20 septembre, bien avant la période de consommation de la châtaigne, explique Mathieu Mouravy, responsable du pôle châtaigne d’Invenio à Douville en Dordogne. Or, sur cette période, avec l’arrivée récente de Gnomoniopsis castanea, agent responsable de la pourriture des châtaignes, la sensibilité à cette dernière est plus forte. Les pertes en conservation sont conséquentes, réduisant ainsi les volumes de fruits aptes à être sur les étals pendant la période de consommation de marrons frais ou grillés, en automne-hiver ».

Pour relancer le marché du frais, l’intérêt est donc grand pour une variété plus tardive que Bouche de Bétizac et qui se conserve mieux. « Jeannette est plus tardive que Bouche de Bétizac de seulement une semaine, mais son atout n°1 est son excellente aptitude à la conservation, souligne Mathieu Mouravy. Son deuxième point fort est qu’elle s’épluche très facilement : sa peau n’est quasiment pas adhérente avec un tan très peu pénétrant. » Les tests d’épluchage ont montré un rendement optimal de 100 %. Cette facilité d’épluchage, ainsi qu’une faible présence de fruits cloisonnés (moins de 5 %), font que Jeannette peut aussi se destiner à l’industrie pour diversifier les débouchés. Le fruit, de bel aspect acajou, est de calibre un peu moyen, tout en restant dans de bons standards : G1 et G2.

Une productivité en retrait compensée par son aptitude à la conservation

« Ce critère est moins important de nos jours avec les nouvelles tendances de consommation, donc je pense que ce n’est pas rédhibitoire », estime l’expérimentateur. « La saveur est bonne, sucrée. Elle tient ça de Castanea mollissima, une espèce qui produit des tout petits fruits, très sucrés, qui s’épluchent très bien », poursuit-il. En revanche, sa productivité est en retrait par rapport aux standards des productions spécialisées, bien que régulière. Elle est de l’ordre de -30 % par rapport à Bouche de Bétizac, environ 40 kg par arbre en 10e feuille. Mais selon Mathieu Mouravy, son aptitude à la conservation très supérieure compense ce déficit.

En plus de sa tolérance aux pourritures et maladies de conservation, Jeannette est peu sensible au chancre et présente une résistance au cynips, qu’elle a héritée de Bouche de Bétizac. Ce critère peut être un atout pour le marché amateur et une utilisation en ville dans les parcs et jardins. Si les avantages de Jeannette sont nombreux, son comportement n’a pas pu encore être observé dans toutes les situations de production (vergers en altitude par exemple). De même, sa capacité de résistance au gel de printemps n’est pas encore connue, alors que son débourrement a lieu entre le 26 mars et le 15 avril. « Nous manquons encore de recul sur certains aspects, admet le responsable du pôle châtaigne. On est encore dans une phase d’observation pour les situations particulières. »

La variété est aujourd’hui protégée

Le dossier de demande de protection a été transmis fin 2020, par Agri Obtention, à l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV). La variété est aujourd’hui protégée, même si les études de DHS (distinction, homogénéité, stabilité) au niveau européen sont en cours. Des plants ont été envoyés en Hongrie pour cinq ans d’observation. Invenio est le premier licencié pour produire et vendre des plants. « L’an prochain, nous augmenterons nos capacités de production pour diffuser plus largement la variété, indique Mathieu Mouravy. Des pépinières pourront obtenir des licences de production aussi si elles sont acceptées par les co-obtenteurs INRAE-CTIFL-Invenio. »

Un long travail de sélection

 
Le pied-mère de la variété Jeannette a été planté en 1999 sur le site Invenio de Douville (Dordogne). © Invenio
La variété Jeannette est issue des dernières sélections variétales de l’INRAE. La première évaluation des semis a été réalisée par l’INRA de Bordeaux dans les années 1990 puis les plants ont été envoyés sur le site de maison Jeannette à Douville pour Invenio, sur le site de Lanxade pour le CTIFL, puis vers des stations régionales. Le pied-mère de la variété Jeannette a ainsi été planté en 1999 sur le site Invenio de Douville (Dordogne). Entre 2000 et 3 000 hybrides de châtaigniers de l’INRAE ont été envoyés jusqu’à 2008 pour être évalués en situation agronomique. Le premier critère observé était le fruit : sa période de maturité, sa qualité (aptitude à la conservation, à l’épluchage, qualité gustative). Le matériel végétal est propriété de l’INRAE. Les trois organismes INRAE, CTIFL et Invenio se rencontrent régulièrement lors de comités techniques pour discuter des potentialités des différents lots. L’étape suivante a été la production de plants pour les variétés qui se distinguent. Celles-ci ont été plantées sur des lignes complètes en verger d’observation, en verger de production, puis en verger comportement chez différents producteurs partenaires.

 

En course pour le Sival Innovation

Jeannette est nominée au concours Sival Innovation 2022 dans la catégorie Innovation variétale. Les lauréats du concours seront récompensés lors du Sival, du 11 au 13 janvier 2022 à Angers.

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