Châtaigne : comment lutter contre la fermeture du verger
Invenio travaille depuis plusieurs années à tester des moyens de réouverture des vergers de châtaigniers. Une combinaison lamier puis suppression d’arbres pourrait permettre d’assurer le dynamisme du verger.
Invenio travaille depuis plusieurs années à tester des moyens de réouverture des vergers de châtaigniers. Une combinaison lamier puis suppression d’arbres pourrait permettre d’assurer le dynamisme du verger.
La gestion de la fermeture des vergers est une problématique à laquelle tout castanéiculteur fait face un jour, quelle que soit la densité de plantation. Les houppiers des arbres, en se rejoignant, réduisent progressivement la surface foliaire du verger. Sous la frondaison, les branches meurent ou ne produisent plus de fruits. L’enjeu dans la gestion de cette fermeture est de maintenir une production en croissance ou stable le plus longtemps possible. La limitation de l’entrée de la lumière dans un verger a d’autres conséquences.
« Un verger fermé est propice au développement de maladies car le verger n’est pas dynamique, détaille Mathieu Mouravy, responsable du pôle châtaigne à Invenio. Le bois mort et la disparition de l’enherbement rendent la récolte plus difficile. » La fermeture des vergers arrive plus ou moins vite selon la densité de plantation et la qualité du terrain. « Avec les densités les plus pratiquées, de type 8x6 m, les vergers ont tendance à se fermer avant d’atteindre le plein potentiel de production », continue l’ingénieur. La production par arbre est limitée par la concurrence (lumière, eau, éléments minéraux). Mais avec des vergers moins denses 14x14 m, le verger reste peu productif pendant une dizaine d’années.
Pas de solution unique idéale
Invenio a expérimenté plusieurs moyens de redonner de la lumière au verger à partir de la 10e feuille : une taille au lamier tous les quatre ans, une coupe d’un arbre sur deux, la coupe d’une rangée sur deux, la réduction du houppier d’un arbre sur deux. « Aucune solution seule n’est pleinement satisfaisante car les productions par hectare peuvent être similaires, voire inférieures entre vergers taillés/coupés et vergers non taillés, surtout si les arbres restants ne sont pas en mesure de compenser rapidement », constate l’expérimentateur. Mais une combinaison de ces méthodes étalée dans le temps, adaptée à chaque situation est une piste pour prolonger la dynamique de rendement. « Il est clair que dans bien des situations, il est indispensable de réduire la densité d’arbres par hectare une ou deux fois dans la vie du verger. »
Une taille au lamier tous les quatre ans
La taille au lamier a pour avantage de redynamiser le bois. « Une face fructifère apparaît dès la deuxième année après la coupe, détaille Mathieu Mouravy. Les rayonnements sur les bourgeons donnent une bonne initiation foliaire. C’est aussi le cas sur la face non taillée qui bénéficie elle aussi de l’ouverture créée. » De plus, le passage d’un lamier permet une meilleure application des traitements sur une face et non pas sous la frondaison. En revanche, un passage répété du lamier sur des branches trop grosses provoque des blessures favorables au développement du chancre. Et les branches basses, si elles produisent des feuilles, ne fructifient que peu, faute de lumière.
Le vieux bois reperce peu
Sur les trois autres modalités testées : coupe d’un arbre sur deux, coupe d’une rangée sur deux, réduction du houppier d’un arbre sur deux, « la réaction des arbres voisins est d’autant plus timide que la concurrence entre arbres est ancienne, souligne-t-il. Le vieillissement prolongé du bois retarde les repercements. Lorsqu’une éclaircie est pratiquée, les arbres qui restent en place doivent être aptes à transformer la lumière en fruits. » En revanche, les pertes de récolte ne sont pas proportionnelles au volume d’arbres coupés. Dans le cas d'une réduction du houppier de 50 % un arbre sur deux, la perte de récolte par hectare n’est que de 8 %. Dans le cas d’une suppression d’un arbre sur deux, elle est de 40 %. « Les arbres qui bénéficient d’une éclaircie augmentent donc leur production dès la première année, même dans le cas d’une fermeture très avancée », insiste le spécialiste.
Depuis 2019, un autre essai a été mis en place avec une restructuration au lamier d’un rang sur deux, puis la suppression des rangs non taillés deux ans plus tard. L’idée est de préparer les arbres destinés à rester en place à être réceptifs à la lumière, par la taille au lamier qui produit du jeune bois. Les premiers résultats sur le rendement sont attendus cette année. « La première conclusion que nous tirons de l’ensemble de ces essais est que la fermeture arrive toujours beaucoup plus vite que l’on ne le pense, conclut Mathieu Mouravy. Plus on intervient tard, plus la réaction des arbres est longue et réduite et donc plus il faut intervenir progressivement. Pour l’anticiper, il faut définir une stratégie à long terme dès la plantation, et planifier ses interventions sur dix ans. Pour définir cette stratégie, il est nécessaire d’estimer le gain potentiel de production après intervention et d’estimer le coût des interventions. » Des fiches récapitulatives pour chaque intervention seront disponibles en fin d’année auprès des conseillers arboricoles.
Gérer son verger densifié en 5 étapes
Exemple d’itinéraire applicable à un verger haute densité (350 arbres/ha) :
1/Une taille de formation rigoureuse afin de garantir une mise à fruits rapide et un retour sur investissement le plus tôt possible. L’axe étant le plus adapté à la conduite en haute densité
2/Vers dix ans, une taille au lamier d’une face sur deux
3/Deux ans après, taille de l’autre face
4/Quelques années après, supprimer un arbre sur deux
5/A plus long terme, on supprimera cette fois un rang sur deux pour une densité finale de 14x10 m… dans 30 ans !
Attention toutes les variétés et toutes les parcelles ne conviennent pas forcément à une conduite haute densité. Rapprochez-vous de votre technicien.