Avocat, mangue, ananas : l'Occitanie se prépare à cultiver de nouvelles espèces fruitières
Le changement climatique perturbe le secteur agricole et impacte les productions fruitières, obligeant les agriculteurs à s’adapter. Un comité de pilotage s’est questionné sur l’implantation de nouvelles espèces en Occitanie.
Le changement climatique perturbe le secteur agricole et impacte les productions fruitières, obligeant les agriculteurs à s’adapter. Un comité de pilotage s’est questionné sur l’implantation de nouvelles espèces en Occitanie.
« Le changement climatique crée des opportunités d’implantation et de développement de nouvelles espèces sur le territoire français métropolitain », notent les auteures d’un récent article paru dans Infos-CTIFL. Ainsi, en Occitanie, les cultures d’agrumes, d’avocats, de mangues et d’ananas pourraient s’implanter dans un avenir proche. « C’est déjà une réalité pour les agrumes et les avocats », mentionnent Amandine Boubennec et Justine Garnodier, CTIFL.
L’implantation de nouvelles espèces
La culture de grenadier s’est aussi déjà implantée. De la même façon, le kaki a quitté depuis longtemps le rang des espèces exotiques avec le développement de sa culture sur le bassin méditerranéen. Dans une volonté d’ouverture à des marchés de nouvelles cultures apparaissent avec des plantations de différentes espèces de fruits dits tropicaux.
En juillet 2023, un comité de pilotage rassemblant des professionnels des différents métiers de la filière des fruits et légumes – producteurs, importateurs, expéditeurs, grossistes, restaurateurs – s’est questionné sur l’implantation de nouvelles espèces dans le cadre du projet démarré en 2021. En supplément des agrumes et au regard de l’intérêt de marché, il est ressorti que les espèces à prioriser sont l’avocat, la mangue et l’ananas.
L’avocat, une demande en augmentation
L’avocatier requiert un ensoleillement important. Il est sensible au vent (chute des fruits, dégâts sur le feuillage et le bois) et au gel (premiers dégâts liés au froid observés dès -1 °C à -4 °C en fonction des variétés). La température moyenne de croissance est comprise entre 12,8 °C et 28,3 °C, avec un optimum à 25 °C pour les mois les plus chauds et 15 °C pour la moyenne des mois les plus froids. Les besoins en eau varient fortement selon les zones de production, 1 000 à 1 600 mm/an, alors que les besoins en éléments nutritifs semblent plutôt faibles.
L’avocatier est une espèce d’origine tropicale capable de s’adapter à des climats subtropicaux à hivers doux. Initialement présente en Amérique centrale, la culture d’avocat se retrouve dans sa zone d’origine, mais également en Asie et en Afrique où elle s’est développée, ainsi qu’en zone méditerranéenne (Israël, Espagne, Maroc) où elle a été acclimatée depuis plusieurs décennies.
En France, les premières variétés commerciales ont été introduites en 1957-1958 en Corse avec la création de la station de recherche agrumicoles de San-Giuliano mais ont été abandonnées pour raison sanitaire, avant d’être relancé en 2016 avec du nouveau matériel végétal. Avec la mangue, l’avocat fait partie de nouvelles espèces de diversification plantées de manière intensive dans le sud de l’Espagne mais qui remonte vers des zones plus septentrionales au cours des dernières années.
L’ananas, une innovation sous serre ?
L’ananas est un produit de grande consommation pour lequel il existe de nombreuses variétés. Pour sa production, l’optimum de croissance est une température moyenne de 25 °C. En région tropicale, la première récolte de fruits s’effectue douze à quinze mois après la plantation, puis une deuxième peut avoir lieu 12 mois après la replantation des rejets. Sur l’île de la Réunion, selon la saison (cycle d’hiver ou d’été) et l’altitude de la plantation (150 ou 700 mètres), la durée du cycle varie entre 12,8 et 17,5 mois.
Une maturation au début de l'automne
La plante est capable de supporter des températures négatives si les périodes sont courtes. Une bonne qualité de fruits s’obtient lorsque la température de nuit est faible, que les journées sont ensoleillées, et que la température se situe entre 21 et 30 °C. En théorie, le cycle de l’ananas en France métropolitaine ne devrait pas être affecté par les fortes températures estivales puisque la maturation du fruit devrait se produire au début de l’automne.
Bien qu’il n’existe à ce jour que de rares cas de production d’ananas à l’échelle de la France métropolitaine en production ornementale, ses spécificités climatiques pourraient correspondre à court ou moyen terme à celles d’un climat sous abris dans le sud-est de la France. Il existe une production d’ananas sous serre sur l’île de São Miguel aux Açores. Cette culture implantée depuis plus de 100 ans compterait environ 6 000 unités de production type abri monochapelle. Connu et apprécié des consommateurs portugais pour ses qualités gustatives, l’ananas des Açores est essentiellement destiné à une consommation locale.
Répondre aux opportunités de demain
Face à ces constats, le CTIFL s’est impliqué dans plusieurs projets dont les objectifs sont d’évaluer les faisabilités techniques, économiques, climatiques et environnementales de la mise en place de nouvelles espèces fruitières sur les territoires de l’Occitanie, dans un premier temps, et de produire des références pour orienter les producteurs vers des filières résilientes.
Pour cela, plusieurs axes de travail sont envisagés : études de marché pour connaître les opportunités de développement de nouvelles filières ; mise en place d’essais pour évaluer le comportement agronomique, les besoins en eau, la résilience et l’impact environnemental dans les contextes pédoclimatiques ciblés d’Occitanie ; suivi de la phénologie, la sensibilité aux différents bioagresseurs et l’impact des itinéraires techniques choisis sur la rentabilité de l’exploitation ; recueil de données sur le cycle de vie de ces nouvelles espèces afin de connaître l’impact environnemental des productions locales au regard des produits importés ; modélisation à court et moyen terme pour cartographier les opportunités et risques climatiques sur la base d’indicateurs de vulnérabilité spécifiques à chaque culture et prioriser les couples culture/zone les plus porteurs d’opportunités.
« Le développement de ces nouvelles espèces vise l’accroissement du taux d’autoapprovisionnement, le développement et le soutien de la production de proximité, ainsi que le renfort de la sécurité financière des exploitations agricoles », concluent les auteures.
À venir
Rencontre technique sur le changement climatique en octobre 2025
Une rencontre technique dédiée au changement climatique sera organisée en octobre 2025 sur le centre CTIFL de Balandran. L’objectif de cet événement est de comprendre les grands enjeux liés au changement climatique et de s’adapter face aux vulnérabilités du territoire.
Une « méditerranéisation » du climat
Les scénarios de changement climatique diffusés prévoient une « méditerranéisation » du climat du sud de la France à l’horizon 2030 et 2050, accompagnée de nouveaux stress thermiques et hydriques sur les filières existantes. Les arboriculteurs d’Occitanie constatent cette réalité avec des hivers toujours plus doux qui perturbent la dormance et la floraison de certaines espèces comme l’abricotier et le cerisier. La sécheresse et le manque d’eau à certaines périodes influencent aussi négativement le potentiel de production avec une forte variabilité interannuelle.
Renforcer la sécurité financière des exploitations
L’implantation d’une nouvelle espèce peut être une opportunité pour créer de la valeur ajoutée sur une exploitation et sécuriser le système de production. Sans minimiser la surcharge de travail, les auteures de l’article y voient également la possibilité de favoriser des emplois pérennes avec l’étalement des périodes de récoltes notamment. Il est également primordial d’évaluer les aspects liés aux équipements et infrastructures liés à ces nouvelles productions. « La réflexion à l’échelle du territoire comme l’Occitanie et le collectif peuvent également apparaître comme des facteurs de réussite à part entière », précise le document.