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Des systèmes d’engraissement compétitifs

Avec en finition une majorité de rations "sèches" basées sur les céréales, les engraisseurs espagnols sont très dépendants du prix des matières premières. Ils bénéficient actuellement d’une conjoncture favorable. Mais, ils font aussi preuve d’une redoutable efficacité dans la gestion de leurs ateliers.

L’élevage bovin viande espagnol présente un visage à deux têtes. D’un côté, un cheptel de 2,2 millions de vaches allaitantes, en augmentation et détenu par 86 000 exploitations spécialisées. De l’autre, environ 21 000 élevages engraisseurs. Leur seul lien est la fourniture par les premiers d’une partie des animaux engraissés par les seconds. Les élevages allaitants sont essentiellement répartis dans la partie Ouest alors que l’engraissement forme des noyaux dans plusieurs régions proches des zones de consommation (Catalogne et Aragon au nord-est, Castille-et-Léon et Castille-La Manche au centre…). Quelque 52 % des veaux et broutards importés de France sont destinés à la Catalogne et 21 % à l’Aragon. Il faut ajouter à ces cheptels quelque 800 000 vaches laitières qui fournissent une partie des animaux d’engraissement.

La structure de l’engraissement est assez hétérogène avec, d’un côté, des élevages indépendants de grande taille — les unités de 1 000 places et plus ne sont pas rares — et de l’autre, de nombreux ateliers de petite dimension, souvent en intégration avec les premiers. Ces derniers sont rémunérés sur une base journalière, de l’ordre de 20 à 25 centimes d’euro, parfois jusqu’à 30 centimes/bête/jour. La phase de sevrage des veaux laitiers jusqu’à 90-100 jours est rémunérée entre 30 et 33 centimes. Les éleveurs intégrés fournissent le bâtiment, la main-d’œuvre et la paille. L’intégrateur amène les animaux, l’aliment et les produits vétérinaires.

Des modèles d’engraissement d’une grande diversité

L’Espagne produit majoritairement des animaux jeunes. Sur les 2,4 millions de bovins abattus en 2017, 39 % avaient moins de 12 mois et 26 % étaient des mâles de plus d’un an, mais généralement abattus entre 12 et 16 mois. Les modèles d’engraissement sont d’une grande diversité selon les races des veaux ou broutards qui entrent dans les ateliers et les objectifs de production. Quelque 60 % des animaux engraissés sont des mâles. Après une phase de sevrage, les veaux laitiers issus du cheptel national ou importés, sont destinés à la production de ternera, des animaux de 8 mois pour les femelles à 10-11 mois pour les mâles. Les noirs et blancs sont abattus entre 200 et 230 kg carcasse et les montbéliards jusqu’à 280 kg ; les croisés lait x viande pèsent de 200 à 260 kg pour les femelles et de 230 à 330 kilos pour les mâles.

Parmi les broutards, deux origines. Les plus légers (autour de 200 kg vifs pour 5 à 6 mois d’âge) proviennent du cheptel national. Les plus lourds, importés principalement de France, sont majoritairement des Limousins et croisés de moins de 300 kilos. Mis en engraissement pendant huit mois, ils sont destinés à produire des babys de 12 à 16 mois (añojo). Les croisés et races locales donnent des carcasses qui pèsent jusqu’à 350 kg et ceux de races pures des carcasses de 400-420 kg.

Ration espagnole à base d’aliment et de paille

Si les productions sont variées, les méthodes d’engraissement sont très homogènes et basées sur la fameuse ration sèche espagnole à base d’aliment et de paille à volonté. L’aliment, consommé à raison de 7 à 9 kg par animal et par jour, se caractérise par une forte concentration énergétique (1,02 à 1,05 UF en finition) et une teneur en protéine de 14-15 %. Il contient 75-80 % de céréales et sous-produits. Pour réduire les risques acidogènes, les formulations mélangent amidon rapide (céréale) et lent (maïs) et incluent des additifs (levures…). La standardisation et l’efficacité alimentaire sont les points forts de ces systèmes. En revanche, ils sont très sensibles au prix des matières premières. L’alimentation représente 70-80 % du coût de production (hors achat de l’animal). Les crises des prix des matières premières ont fortement déstabilisé la production. Mais, depuis 2015, le prix de l’aliment est redevenu la force de ces systèmes. Il est remarquablement stable et, surtout, il est nettement moins cher qu’en France. Plusieurs raisons à cela. Les zones d’engraissement de bovins sont aussi les hauts lieux de la production porcine, qui s’est considérablement développée et absorbe des quantités très importantes d’aliment. Les engraisseurs de bovins profitent des économies d’échelle liées aux volumes, de la proximité des usines et de la concurrence entre elles. En outre, les plus gros engraisseurs sont généralement actionnaires d’une fabrique d’aliment. Ils mutualisent ainsi les achats de matières premières, la fabrication et la commercialisation auprès d’autres éleveurs, ainsi qu’un suivi pointu de la production par des vétérinaires nutritionnistes.

Coûts de bâtiments et de main-d’œuvre compétitifs

Si le coût alimentaire représente une part si importante du coût total, c’est aussi parce que les coûts fixes sont maîtrisés. Les unités d’engraissement sont classiquement constituées d’une série de bâtiments standard, en structure béton, d’une centaine de places chacun. Semi-ouverts, bien ventilés et paillés, ils sont compartimentés en lots de 25-30 animaux. Des conditions de logement adaptées au climat espagnol qui paraissent confortables. Devant chaque bâtiment, deux silos verticaux d’aliments approvisionnent de manière automatisée les auges. La paille de consommation est en libre-service. Le fumier est enlevé tous les 10 jours. Ce sont donc des bâtiments économiques (700 à 800 €/place de coût de construction) et nécessitant peu de main-d’œuvre (800 à 1 000 bêtes par travailleur). « En Espagne, un atelier de 1 000 places n’est pas un gros mot, constate Benoît Albinet, directeur commercial de Deltagro Export. Cette dimension donne des outils de production compétitifs. »

La rentabilité de l’engraissement s’est renforcée en 2017

En Espagne, la rentabilité de l’engraissement reste très tributaire du prix de l’aliment. Depuis quelques années, la stabilité de ce dernier a permis aux engraisseurs espagnols de retrouver de l’oxygène. Après être monté jusqu’à 307 euros/tonne en 2012, le prix de l’aliment d’engraissement oscille entre 235 et 245 € depuis 2015. Depuis le printemps 2017, les engraisseurs espagnols bénéficient aussi d’une nette hausse du prix de vente des babys, qui a quasiment annulé le creux estival habituel. Elle a pour contrepartie une hausse du prix d’achat des broutards, particulièrement sensible depuis ce printemps et qui pourrait réduire la marge, alors qu’elle s’était nettement renforcée en 2017.

Des ateliers d’engraissement, répartis dans tout le pays et représentant différents systèmes, sont suivis dans la durée par un réseau national de référence du ministère de l’Agriculture. L’un de ces cas types engraisse près de 2 000 broutards mâles par an et presque autant de femelles, issus du cheptel espagnol mais de races françaises. Pesant 226 kg à l’entrée, les mâles sont engraissés jusqu’à 610 kilos sur une durée de 240 jours (360 kg carcasse). Sur les quatre derniers mois de 2017, le point d’équilibre (prix qui permet de couvrir le coût de production) de ces mâles était de 3,72 €/kg carcasse pour un prix de vente de 3,95 €/kg. Ce qui laisse une marge nette par animal de 83 euros. Deux ans plus tôt, la situation était tout juste à l’équilibre (prix de vente de 3,68 € pour un prix d’équilibre de 3,66 €). La rentabilité est encore meilleure avec des veaux croisés Montbéliards achetés en France, comme en atteste un cas type d’Aragon, qui engraisse 3 300 veaux par an abattus à 526 kg vif (284 kg carcasse). Son prix d’équilibre, fin 2017, s’établit à 3,30 € pour un prix de vente de 3,93 €. Soit une marge théorique par animal de 179 euros. Si le bénéfice net n’a pas toujours été aussi élevé, loin s’en faut, les engraisseurs jouent sur le nombre pour dégager, même en période de basses eaux, un minimum de revenu. « Les engraisseurs espagnols remontent mieux la crise que d’autres et ils sont plus solides financièrement qu’auparavant », affirme Benoît Albinet, directeur commercial de Deltagro Export. Les exportateurs français n’observent pas de difficultés de paiement en Espagne et les délais sont plus courts qu’en Italie.

La productivité du cheptel allaitant s’améliore

Le cheptel allaitant espagnol — le deuxième de l’Union européenne — est en progression constante. Il dépasse les 2,2 millions de vaches. Les trois quarts des troupeaux allaitants sont concentrés dans l’Ouest du pays : zones herbagères de la côte cantabrique (Galice, Asturies) et zones sylvo-pastorales sèches de la dehesa (Castille-et-León, Estrémadure, Andalousie totalisent 60 % de l’effectif). Si de nombreuses races autochtones émaillent ce territoire, plus de la moitié des vaches (53 %) sont croisées, souvent avec des races à viande plus productives. « La génétique espagnole a beaucoup progressé depuis dix ans. On voit de plus en plus de cheptels de race Limousine », confirme Yvan Armaing (Deltagro). L’un des principaux points faibles de ces systèmes naisseur est leur extrême atomisation. L’effectif moyen par exploitation atteint tout juste 22 vaches, 4 % seulement détiennent plus de 100 vaches. C’est dans les zones sèches que les effectifs sont les plus élevés. La productivité reste encore faible et le taux de renouvellement est insuffisant (10 %) pour pouvoir réformer les vaches improductives. Elle s’améliore néanmoins d’année en année. La fertilité moyenne des femelles a franchi la barre des 70 % en 2017 (63 % en 2010) et l’intervalle vêlage-vêlage continue de baisser (440 jours en 2017). L’âge au premier vêlage recule également (55 % ont lieu entre 2 et 3 ans). Ces troupeaux produisent des broutards de 5 à 7 mois d’âge, pesant entre 180 et 250 kilos.

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