Identification des bovins : la généralisation des boucles électroniques refait surface
Le gouvernement a annoncé qu’il financera une partie de la dématérialisation de l’identification des bovins. Les boucles, qui constituent le support à l’électronisation, reviennent à la charge de la filière. Les bénéfices à tirer, plus ou moins évidents selon les maillons, nécessiteront de trouver le bon compromis économique.
Le gouvernement a annoncé qu’il financera une partie de la dématérialisation de l’identification des bovins. Les boucles, qui constituent le support à l’électronisation, reviennent à la charge de la filière. Les bénéfices à tirer, plus ou moins évidents selon les maillons, nécessiteront de trouver le bon compromis économique.
Les fameuses boucles orangées qui pendent aux oreilles des vaches passeront-elles à l’électronique ? Le débat est, en tout cas, relancé au sein de la filière, après que le gouvernement a laissé entrevoir des perspectives de financement public. « L’État financera intégralement la conception du futur système de traçabilité pour toutes les filières [animales] ainsi que la dématérialisation des documents d’identification en filière bovine », avait-il confirmé dans son plan de souveraineté pour l’élevage, présenté au Salon de l’agriculture le 25 février.
Trois chantiers à manœuvrer à la même vitesse
Dans le détail, ce dossier regroupe trois sujets distincts, mais entremêlés : la généralisation des boucles électroniques, la dématérialisation des passeports et des cartes vertes et la refonte de la base de données nationale d’identification des animaux (BDNI) (1). Le gouvernement ne s’est engagé à financer que les deux derniers étages de la fusée, sans préciser d’enveloppe ni de modalités pratiques. « Reste donc à la charge de la filière d’assumer le coût de l’électronisation des boucles », révèle Emmanuel Bernard, président de la section bovins d’Interbev et à la tête de la Spie (2).
À l’échelle collective, les bénéfices de l’identification électronique ne sont plus à prouver en matière de traçabilité, de gestion sanitaire et de sécurité au travail. Rapide et précis, le dispositif évite les erreurs de lecture et les fautes de frappe à la retranscription. En plus de fiabiliser la donnée, il contribue à alléger la paperasse administrative.
« Notre volonté est bien de mener conjointement ces trois chantiers pour des questions de synergie technique, économique et d’usage à l’échelle des différents maillons », confirme l’interprofession du bétail et des viandes, mais cela suppose d’associer tous les acteurs de la filière au pilotage de ce projet et d’établir un cahier des charges clair.
Un suivi en temps réel et sans rupture
Première condition de réussite, « les services de l’État doivent être les garants d’un déploiement homogénéisé de la dématérialisation des données de traçabilité et de la sécurité sanitaire des mouvements », évoque Emmanuel Bernard. Autre condition, la nouvelle architecture informatique devra permettre à tout ayant droit (éleveurs, négociants, abatteurs, équarrisseurs, utilisateurs privés et publics des données d’identification animale) d’accéder à des informations fiables, à jour et accessibles à tout moment, même en cas de rupture numérique. « On ne peut imaginer mettre à l’arrêt une chaîne d’abattage à cause d’une panne informatique. C’est pourquoi il est essentiel que les outils mobilisés soient à la hauteur pour gérer cette maintenance : c’est la clé de voûte de notre réassurance », appuie-t-il. Un travail important de détermination des conditions d’accès à ces données reste à mener, en fonction des conventions d’usage que chacun aura signées.
Des valorisations plus ou moins évidentes selon les maillons
S’agissant du marquage électronique, ce sera à la filière de trouver le bon tempo et le modèle économique adéquat pour envisager sa généralisation à tous les bovins. Car si les avantages sont indéniables pour les négociants et les abatteurs, ils le sont moins pour certains éleveurs, notamment allaitants. En France, seuls 2 % des élevages bovins viande (soit 800 exploitations) ont opté pour des boucles électroniques. « Leur valorisation se limite aujourd’hui à la pesée des animaux », explique Sébastien Duroy, spécialiste en identification électronique à l’Institut de l’élevage. Difficile dans ces conditions de leur faire accepter un surcoût, même limité, pour un équipement qui sera surtout valorisé par l’aval de la filière.
Par rapport aux boucles conventionnelles, la version électronique coûte entre 0,70 centime et 1 euro de plus par paire, selon les régions.
Par ailleurs, le bouclage électronique doit-il se cantonner aux veaux naissants ou s’étendre aussi aux animaux reproducteurs adultes ? « La vitesse de déploiement conditionnera le montant de la facture », soulève Emmanuel Bernard. La bascule contraindra dans tous les cas les opérateurs de l’aval à adapter leurs systèmes d’information. « Dès lors qu’un abattoir ou un centre d’allotement aura investi dans un portique, combien de temps sera-t-il prêt à accepter la gestion de la double lecture ? », émet-il. Un virage franc vers le numérique dépendra avant tout du retour sur investissement que peut espérer chaque utilisateur.
Les puces électroniques à ultra haute fréquence constituent en ce sens une piste prometteuse. Cette technologie ouvrirait en effet le champ à d’autres usages possibles en allaitant. « Par effet de levier, une plus grande adhésion des éleveurs à ce dispositif démultiplierait les bénéfices pour les autres acteurs de la filière », estimait Matthieu Repplinger, de la section bovins d’Interbev, à l’occasion d’un symposium organisé au Salon de l’agriculture en février.
Le saviez-vous ?
Dès les années 2000, l’identification électronique des bovins est envisagée au niveau européen, mais ce n’est qu’en 2021, à la mise en application de la loi de Santé animale, que la règle générale de double marquage auriculaire conventionnel est encadrée par un texte réglementaire. Depuis cette date, les États membres ont officiellement la possibilité d’autoriser le remplacement d’une marque auriculaire classique par une boucle électronique, un bolus ruminal ou un transpondeur injectable. Dans un rapport publié en août 2023, l’Union européenne a jugé la règle actuelle satisfaisante et ne prévoit pas d’obligation réglementaire.
À ce jour, seuls six États membres ont rendu l’identification électronique obligatoire (Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, Irlande, Luxembourg).
Une solution pour suivre la fréquentation individuelle de zones d’intérêt
Pour accompagner la transition numérique de l’élevage allaitant, plusieurs fermes expérimentales testent en conditions réelles des innovations technologiques dont l’ultra haute fréquence. Dans le cadre d’un projet multiacteur commencé en 2021, Ferm’Inov (Ferme de Jalogny), en Saône-et-Loire, a équipé de boucles RFID UHF des vaches conduites en vêlage d’automne, puis des jeunes veaux jusqu’au sevrage. Grâce à une antenne de lecture positionnée à proximité de l’abreuvoir au pré, les experts ont pu suivre la fréquentation des animaux au point d’abreuvement et recouper les données avec la température et la pluviométrie. « Cette solution a été mise en place en réponse à une attente forte exprimée par les éleveurs pour faciliter le suivi des animaux au pâturage », résume Jérémy Douhay, de l’Idele. Au site des Établières, en Vendée, des génisses ont été équipées de colliers GPS et de boucles RFID UHF depuis l’été dernier. « Nous avons ainsi pu les positionner dans la parcelle et voir comment elles se comportaient en conditions de fortes chaleurs, principalement en lien avec le positionnement des abreuvoirs et des zones d’ombrage », indique Sixtine Fauviot, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.