L’avis de Joseph Hurand, 28 ans, berger depuis trois ans dans les Alpes suisses et françaises.
Comment est perçu le métier de berger par la société ?
« Berger, c’est un métier qui fait rêver et ça parle à tout le monde. Chacun a l’idée bucolique du gars seul en montagne avec son bâton et son chien. Les gens sont souvent très enthousiastes, surtout les habitants des montagnes. Ils se projettent à notre place. Un randonneur m’a dit un jour : « on vous aime les bergers ! ». C’est gratifiant. Et c’est sûr que j’ai beaucoup plus de plaisir à parler de mon métier aujourd’hui que lorsque je travaillais dans des bureaux parisiens. Par contre, l’image que l’on peut avoir de nous change en ville, on passe un peu pour des ploucs, des marginaux et on ne comprend pas toujours ce choix de vie qui est le nôtre, à commencer par ma propre famille ! Et puis il y a le risque d’être catégorisé et d’avoir cette étiquette collée pour longtemps. Nous avons un rôle à jouer dans la société, notre statut est fort mais notre situation précaire. Le grand public a une notion vague de l’intérêt de l’existence des bergers, mais il sait que cela a toujours existé et donc que c’est important.
Une rampe de lancement pour les futurs éleveurs
Le métier est clairement fantasmé, on nous voit comme des ermites, mais la vérité, c’est que la solitude n’est pas aussi intense que ce que je voudrais. Être en estive dans un coin touristique comme le massif du Mont-Blanc, ce n’est pas de tout repos. Je pense que dans un futur proche, le métier de berger va être de plus en plus utilisé comme rampe de lancement dans le monde agricole pour des jeunes ou des personnes en reconversion professionnelle, mais que le berger de carrière va devenir un profil extrêmement rare. Car si la vie devient de plus en plus confortable avec des cabanes équipées avec l’eau et l’électricité et un salaire raisonnable, avec l’ouverture des montagnes, l’augmentation de l’accessibilité des alpages et l’amélioration des équipements, notre situation n’en reste pas moins précaire. Être berger aujourd’hui, ce n’est pas forcément un projet pour une vie entière. Il faut apprendre à vivre avec le rythme saisonnier, trouver un emploi pendant l’hiver, etc. »