Vers une sélection génétique des chèvres sur des critères de santé ?
En mesurant des indicateurs de santé des chèvres et en intégrant ces données dans la sélection génétique, les généticiens espèrent un lent progrès de la santé des animaux. Le projet Smarter qui se termine incite à prolonger les recherches.
En mesurant des indicateurs de santé des chèvres et en intégrant ces données dans la sélection génétique, les généticiens espèrent un lent progrès de la santé des animaux. Le projet Smarter qui se termine incite à prolonger les recherches.
Le projet européen Smarter, qui vient de se terminer, visait à améliorer par la sélection génétique la résilience et l’efficience des petits ruminants. Pour les chèvres, une sélection semble possible mais les progrès seront lents.
Dans 14 élevages de chèvres, dont deux unités expérimentales, les chercheurs de l’Inrae, de l’Anses, de Capgenes et de l’Institut de l’élevage ont récolté des données sur la santé et le bien-être des animaux. En 2020 et 2021, deux pointeurs de Capgenes ont noté près de 2 000 chèvres primipares alpines et saanen à l’aide d’une grille d’évaluation comprenant 11 indicateurs. « Nous nous sommes focalisés sur la bonne santé des animaux en évaluant l’absence de maladie de blessures et de douleurs, explique Isabelle Palhière, chercheuse à l’Inrae. Nous voulions aussi que ce phénotypage soit rapide et simple à mettre en œuvre. »
Moins d’une minute par chèvre pour enregistrer onze critères de santé
Les critères retenus concernent les repousses après écornage, les onglons déformés, la présence de sac mammaire propices à la prolifération de cellules, les boiteries sévères, la propreté de l’arrière-train, les écoulements oculaires et nasaux, la présence de gros genoux (arthrite encéphalite virale caprine - Caev) ou d’abcès, l’état corporel (très maigre ou très gras) et l’état du pelage. Il fallait moins d’une minute par chèvre aux pointeurs aguerris pour enregistrer ces données. En plus de ces 11 critères, les pointages en ferme de la morphologie de la mamelle repéraient déjà les déséquilibres mammaires et la présence de kystes.
Les problèmes de repousses après écornage qui reviennent vers la tête, la présence d’abcès et les onglons déformés ont été les indicateurs le plus souvent observés (voir graphique). À noter que plus d’un tiers des chèvres ne présentaient aucun des signes alors que 10 % des chèvres en cumulaient plus de trois.
Chez les caprins aussi les critères de santé sont faiblement héritables
Avant d’imaginer une sélection, les généticiens ont mesuré les corrélations entre les critères de santé et le potentiel laitier de l’animal. « Il n’y a pas de lien entre le nombre de critères de santé observé et la quantité ou la qualité du lait, rassure Isabelle Palhière. Le seul lien concerne les cellules somatiques du lait qui augmentent avec la fréquence des problèmes observés. » Les chercheurs ont observé aussi que plus la chèvre a des critères négatifs, plus elle a été réformée jeune.
Les généticiens de l’Inrae et de l’Institut de l’élevage ont aussi mesuré l’héritabilité de ces critères. Mais seule la présence de sac mammaire a une héritabilité modérée, similaire à celles des autres critères de la morphologie de la mamelle. Pour les autres critères par contre, l’héritabilité est faible.
Une sélection génétique sur critères de santé possible mais longue en caprin
« C’est conforme à ce qu’on s’attend pour des critères de santé, explique Isabelle Palhière. Les généticiens restent cependant optimistes parce que nous savons que la sélection est possible, mais on sent qu’elle va être difficile puisque ce sont plutôt les facteurs d’environnement qui jouent sur l’état de santé. La sélection génétique peut contribuer à améliorer la situation mais ça n’empêchera pas de conserver les mesures sanitaires en élevage. »
Focus sur le Caev avec la génomique
« Certains boucs d’IA ont davantage de filles avec des signes de Caev [arthrite encéphalite virale caprine], observe Apolline Bailly-Salins de Capgenes. Avec 11 % d’héritabilité, le critère des gros genoux est faible, mais non nul. Et grâce à la génomique, on peut imaginer de faire de la sélection sur ce critère, d’ici quelques années. » L’organisme de sélection caprin poursuit donc la collecte de données sur les mères à bouc, et monte de nouveaux programmes de recherches pour explorer cette piste de la santé génétique.