Sevrer les chevreaux à 43 jours pour réduire les coûts d’élevage
Le sevrage est un bon moyen pour réduire les coûts alimentaires et rendre l’engraissement plus rentable. Cette pratique a été testée au Pradel en lien avec le cahier des charges du Label rouge chevreau.
Le sevrage est un bon moyen pour réduire les coûts alimentaires et rendre l’engraissement plus rentable. Cette pratique a été testée au Pradel en lien avec le cahier des charges du Label rouge chevreau.
Le projet Top’Cabri vise à apporter des références sur l’élevage et la découpe de chevreau dit lourd (maximum 90 jours et 10 kg carcasse) en lien avec la démarche de mise en place d’un Label rouge chevreau par le Syndicat caprin de la Drôme. Après avoir testé la nature de l’aliment d’allaitement en 2022, la ferme expérimentale du Pradel a évalué le sevrage à 40-45 jours d’âge en 2023.
Trois modes de conduite ont été comparés : un lot non sevré abattu à 65 jours, un lot sevré à 43 jours et abattu à 65 jours et un lot sevré à 43 jours et abattu à 85 jours. Durant la phase lactée, les chevreaux ont été alimentés avec un lait reconstitué contenant 33 % de poudre de lait écrémé Bonilait. Les chevreaux ont aussi reçu du concentré PhilOvin 100 à 16,5 % de MAT à volonté ainsi que du foin de sainfoin. L’objectif était de réduire le coût de production du chevreau lourd en utilisant une alimentation solide tout en produisant une viande de qualité qui corresponde aux attentes du Label rouge.
Les chevreaux ont rattrapé le stress du sevrage
À la naissance, le poids moyen des chevreaux était de 4,9 kg. Les chevreaux ont été sevrés (sauf le lot témoin non sevré) à 43 jours, à 16 kg de poids vif en moyenne. Dans les lots abattus à 65 jours, la croissance des chevreaux non sevrés est plus élevée que celle des chevreaux sevrés, avec un GMQ naissance-abattage de 300 g/jour vs 267 g/jour. Le sevrage a freiné la croissance des chevreaux pendant une semaine puis elle a repris sur le même rythme que le lot non sevré. La croissance des chevreaux sevrés et abattus à 85 jours a été de 274 g/jour.
Les chevreaux du lot non sevré abattus à 65 jours pesaient 24 kg en moyenne contre 22 kg pour le lot sevré. À 85 jours, les chevreaux sevrés pesaient 28 kg. Malgré le stress du sevrage, les chevreaux ont réalisé de bonnes croissances et ont été abattus à des poids vifs plutôt élevés.
Des coûts réduits avec le sevrage
Sur la phase lactée, les chevreaux sevrés à 43 jours ont consommé 12,7 kg de poudre. L’indice de consommation, qui traduit la quantité de poudre consommée par kilo de poids vif pris, a été de 1,12. Ceux non sevrés ont consommé 22,4 kg de poudre avec un indice de consommation de 1,17. Le coût de l’alimentation lactée revient à 62,50 euros pour le lot non sevré contre 35 euros pour les chevreaux sevrés.
Les aliments solides (foin et concentré) ont été distribués à partir de 20 jours d’âge. Les chevreaux non sevrés en consomment très peu jusqu’à 65 jours. Le coût estimé est alors de 2,50 euros par chevreau. En revanche, les chevreaux sevrés ont consommé 13 kg de concentré et 7 kg de foin jusqu’à 65 jours, soit un coût d’environ 10 euros par chevreau. Les chevreaux abattus à 85 jours ont consommé 37 kg de concentré, avec plus de 1 kg par jour sur la période 60-85 jours, et 11 kg de foin, soit un coût d’environ 25 euros par chevreau.
Sur la base des prix de 2023, le sevrage permettrait donc de réduire les coûts d’alimentation (lactée + solide) des chevreaux. Ils s’élèvent à 45 euros par chevreau abattu à 65 jours et 60 euros par chevreau abattu à 85 jours, contre 65 euros pour un chevreau non sevré.
Des qualités de viandes très similaires
Avec un abattage à 65 jours, les carcasses pesaient en moyenne 13,3 kg dans le lot non sevré et 10,5 kg dans le lot sevré. Dans ce cas, le sevrage s’est traduit par un écart de 3 kg de carcasse, lié à la fois au stress du sevrage et à la diminution du rendement carcasse (en lien avec le poids du contenu digestif des chevreaux sevrés). À noter qu’un tiers des carcasses du lot sevré pesait moins de 10 kg, soit hors critère du futur Label rouge. Il semblerait donc judicieux de viser un poids d’abattage de 22 kg de poids vif minimum pour obtenir les 10 kg de carcasse attendus. À 85 jours, les carcasses des chevreaux sevrés pesaient 13,9 kg en moyenne. Les 20 jours d’engraissement supplémentaires ont permis de compenser la perte de poids liée au sevrage.
D’après les analyses réalisées par un jury d’experts, les qualités sensorielles des viandes issues des trois lots sont tout à fait satisfaisantes. Aucune différence de tendreté, flaveur ou odeur n’est observée entre les viandes des lots sevrés et non sevrés, abattus à 65 jours. La viande est un peu plus rouge pour le lot abattu à 85 jours. Elle semblerait également un peu moins tendre, mais il est probable que ce ne soit pas perceptible par les consommateurs.
Claire Boyer et Jérôme Normand, Institut de l’élevage
Formation et guide de découpe de la carcasse de chevreau
De nombreuses références sur l’engraissement des chevreaux sont à disposition sur le site idele.fr/valcabri/. S’y retrouvent les dernières productions du projet ValCabri avec notamment le guide illustré de découpe de la carcasse de chevreau et des données économiques (cas types, coûts de production) et techniques (itinéraires techniques, trucs et astuces…). Une formation à la découpe du chevreau est programmée les 11 et 12 avril dans le Calvados. Cette formation, très pratique, est axée sur la découpe de la carcasse de chevreau pour développer une offre innovante, en adéquation avec les attentes des consommateurs (praticité, prix portion, valorisation des pièces…).