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Réforme des retraites : quels défauts et lacunes pour les agriculteurs, selon André Chassaigne ?

Les pensions des agriculteurs qui ont été maires, des agricultrices, des conjoints-collaborateurs...la réforme de la retraite ne règle pas tous les problèmes souligne André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, président du groupe Gauche démocrate et républicaine (Nupes). Il se dit aussi particulièrement déçu par les décrets d'application de ses lois sur les petites retraites agricoles.

André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, président du groupe Gauche démocrate et républicaine (Nupes)
André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, président du groupe Gauche démocrate et républicaine (Nupes)
© Assemblée nationale

[Mis à jour le 31 janvier 2023 à 13h41 avec la réaction d'André Chassaigne sur la motion référendaire]

Que pensez-vous de la réforme des retraites du gouvernement, va-t-elle améliorer les choses pour les agriculteurs ?

L’annonce des 85% du Smic pour la retraite minimum pour une carrière complète m’a fait penser aux décrets d’application de ma loi sur la retraite agricole. Les envolées en séance sont très belles mais les atterrissages sont moins bien ! Quand on a voté la loi Chassaigne tous les députés pensaient qu’un agriculteur qui avait une carrière complète et 17.5 années en tant que chef d’exploitation toucherait au minimum 85% du Smic, mais après les décrets d’application certains qui cochent pourtant toutes les cases n’y sont pas.

La retraite agricole c’est une usine à gaz

La retraite agricole c’est une usine à gaz ! Elle repose sur trois choses : la retraite forfaitaire (lorsque l’activité non salariée agricole est exercée à titre exclusif ou principal) qui était de 288.47 euros par mois en 2022, la retraite proportionnelle (qui se calcule en fonction des points acquis par rapport au revenu et à la taille d’exploitation), c’est très divers selon les revenus que l’on a et son statut, et puis la retraite complémentaire obligatoire (RCO) mise en place en 2003.

C’est par ce dernier biais, avec l’obtention de points gratuits, que l’on a permis d’arriver aux 85% du Smic. Mais quand on interroge la MSA, certains n’arrivent pas au compte, parfois parce qu’ils ont fait trop d’années comme aide familial et n’ont pas gagné assez de points. Je me fais interpeller par des agriculteurs qui me disent : « tu nous l’avais promis ! ».


Quelle leçon en tirez-vous ?

Si la réforme de la retraite passe, il y aura peut-être des aménagements pour les agriculteurs mais l’affaire ne sera pas réglée. En séance je vais parler de l’exemple de la loi Chassaigne, il faut se méfier des grandes annonces, il faut faire inscrire les choses dans la loi et ne pas renvoyer à des décrets sinon on est déçus. On a voté un texte dans une niche parlementaire, et les décrets ont été extrêmement réducteurs, ça a surpris tous les députés.

Les décrets d’application de la loi Chassaigne ont été extrêmement réducteurs


D’une manière générale votre parti rejette la réforme, la proposition de référendum a-t-elle des chances d’aboutir ?

Nous sommes sur la base d’un rejet de la réforme, dont les débats sont limités à 50 jours, mais je ne suis pas pour dire de ne pas préparer d’amendements. Nous sommes déjà au travail. Les partis de la Nupes ont déposé une motion référendaire (à l’initiative des communistes). Une partie des députés Libertés et territoires va suivre, et certains députés LR. (ndlr : les députés RN ont aussi déposé une motion référendaire).


Le recul de l’âge légal à 64 ans aura quel impact sur les agriculteurs, selon vous ?

L’âge à 64 ans ? C’est assez grave oui ! Cela dépend du type d’agriculture mais il peut y avoir une usure physique importante.

Le Cor (conseil d’orientation des retraites) a sorti des chiffres qui disent que quelqu’un qui part deux ans plus tard en retraite coûterait plus cher à la Sécurité sociale.

Pourquoi le gouvernement veut nous faire travailler plus longtemps ? Pour nous faire cotiser plus et dépenser moins en retraites, c’est de l’économie en creux, mais cela va créer des difficultés.

Les femmes agricultrices vont être pénalisées

L’autre problème c’est que souvent dans des Gaec où le père est avec ses fils, quand il prend sa retraite, il est remplacé par sa femme qui cotise ainsi en tant que chef d’exploitation. S’il reste deux ans de plus, sa femme perd 2 ans de cotisation en tant que chef d’exploitation. Les femmes vont être pénalisées, oui je le crois.


Le gouvernement annonce une meilleure prise en compte des accidents de travail, une bonne chose ?

J’ai interrogé le gouvernement sur les trous de la raquette pour la retraite agricole et Charles Mahy (du cabinet d’Olivier Dussopt) m’a répondu le 16 janvier par SMS qu’ils allaient intégrer les cas d’invalidité et d’inaptitude à ce minimum, en réponse à mon interpellation.

Mais au final on n’a pas d’étude d’impact, combien de personnes vont être concernées ?


Quels sont les autres points à améliorer pour les agriculteurs ?

Pour un agriculteur qui siège à un conseil d’administration (de la MSA par exemple) ou qui est maire, j’ai obtenu en 2022 (dans le cadre du projet de loi sur la protection du pouvoir d’achat) qu’ils puissent continuer à cotiser (à l’Ircantec), tout en bénéficiant de la revalorisation de la retraite. Par contre pour un maire ou un élu rural qui n’est plus en activité, sa retraite complémentaire en tant qu’élu sera prise en compte dans l’écrêtement de sa retraite agricole. Ce n’est pas juste pour des personnes qui ont donné des années pour le bien public ! C’est un combat que l’on va mener.

Les agriculteurs qui ont été maires sont lésés


Quid des conjoints collaborateurs dont la situation reste encore difficile ?

Pour les conjoints collaborateurs, on a obtenu une petite hausse (de 150 euros par mois) mais qui est bloquée par le minimum vieillesse. Il faut que l’on se batte comme pour les chefs d’exploitation pour obtenir des points gratuits. On va travailler une autre proposition de loi mais il faut qu’on attende de voir ce qu’il se passe sur la réforme de la retraite.

On travaille déjà à une loi Chassaigne III

Et on doit lever le gage de l’article 40 (l’article 40 de la Constitution limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière notamment en interdisant toute aggravation d’une charge publique, ndlr), c’est-à-dire que c’est le gouvernement qui doit par un amendement accepter l’octroi de points gratuits.

On travaille déjà à une loi Chassaigne III, mais il faut attendre que cette réforme soit examinée.

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