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« J’ai investi dans une fabrique d’aliments à la ferme et un séchage en grange pour le confort de travail et l’autonomie alimentaire du troupeau de chèvres »

Dans l’Aveyron, Étienne Espinasse a fait évoluer son système alimentaire en remplaçant l’ensilage de maïs par du foin de luzerne séché en grange. Une fabrique d’aliments à la ferme permet de valoriser ses matières premières.

Au fil des années, l’alimentation du troupeau caprin d’Étienne Espinasse a évolué depuis un système avec foin, enrubannage et ensilage de maïs vers un système avec foin de luzerne séché en grange. En 2015, quand il était encore installé avec sa mère dans le GAEC des Pradelous à Colombies, dans l’Aveyron, l’éleveur de 330 chèvres a installé un séchage en grange et a arrêté l’enrubannage. Plus tard, le GAEC arrêtera le maïs pour n’affourager qu’avec du foin séché. Le bol mélangeur est alors revendu et Étienne apprécie « les économies de carburant, de ferraille et de soucis. On ne fait plus démarrer le tracteur le matin, et c’est plus facile pour se faire remplacer. »

« La luzerne a remplacé le maïs »

Le séchoir d’une capacité de 200 tonnes de matières sèches et l’autochargeuse ont demandé un investissement de 340 000 euros (avec une aide de 80 000 euros). Selon les années, le séchoir électrique consomme de 30 000 à 60 000 kWh. L’herbe et la luzerne sont récoltées de la fin avril jusqu’à fin septembre. Une fois séché, le foin est repris par une griffe et distribué sur les tapis roulants d’alimentation avec l’aide d’une pailleuse suspendue filoguidée Calvet.

La luzerne est fibreuse et riche en protéine

Avec sa conseillère de la chambre d’agriculture, l’éleveur aveyronnais a réalisé une étude agronomique et économique sur le remplacement de la culture du maïs par de la luzerne pure ou en mélange. « Cela a confirmé mes intuitions, et je reste au même niveau d’autonomie alimentaire », apprécie l’éleveur qui produit jusqu’à 11 tonnes de matières sèches par hectare sur ses bonnes terres. Ces parcelles nécessitent cependant un amendement annuel pour remonter le pH. « Je mets 800 kilos à une tonne de carbonate de calcium par hectare chaque année, et j’inocule les semences. C’est nécessaire si l’on veut produire et tenir la luzerne pendant au moins cinq ans» Étienne Espinasse a aussi essayé d’implanter des méteils grains pendant deux ans, mais les parcelles ont été vite salies par du rumex.

En plus de sa richesse en protéines, il apprécie la fibrosité de la luzerne. « Les chèvres ruminent davantage, et c’est une façon de sécuriser la ration », espère l’éleveur qui a connu par le passé pas mal de soucis métaboliques avec son troupeau. En récoltant plus tôt grâce au séchoir, l’éleveur gagne une coupe en début de saison, et il peut aussi couper plus tard. « Il y a aussi moins de pertes aux champs et les feuilles restent sur la tige », complète-t-il.

Des aliments fabriqués à la ferme

Soucieux de son autonomie, l’éleveur de 330 chèvres sur 43 hectares s’est aussi lancé dans la fabrication des aliments à la ferme il y a trois ans. « Je veux pouvoir autoconsommer les céréales que je produis, explique l’éleveur de 40 ans. L’intérêt est aussi économique. J’estime économiser 115 euros la tonne par rapport à un aliment complet. » La fabrique est capable de transformer en semoulette et mélanger sept aliments différents.

Si Étienne Espinasse produit une partie des matières premières, il en a acheté aussi 76 tonnes en 2022-2023, et il suit les cours et marchés pour tenter d’acheter au meilleur prix du tourteau de soja, de la drêche de blé (coproduit de l’éthanol) ou du tournesol. L’éleveur va les chercher à Baraqueville, à une dizaine de kilomètres, en tracteur avec une remorque de 10 tonnes. Le maïs est, lui, acheté à la récolte en direct à un producteur du Tarn-et-Garonne. Pour sécuriser la ration au niveau des fibres, 36 tonnes de luzerne déshydratée ont aussi été achetées en 2022-2023.

Réduction du tourteau et du litrage, mais pas de la marge

Dans sa fabrique, la plateforme de déchargement est équipée d’un prénettoyeur pour enlever la poussière des matières premières. Ces dernières sont ensuite stockées dans une des sept cellules de 8 à 30 tonnes. Les cellules sont reliées à un broyeur où les grains sont transformés en semoulette, puis envoyés dans les proportions prédéfinies dans un bol mélangeur. Après ajout si besoin de levures, minéraux, argile ou bicarbonate, l’aliment est expédié dans une des quatre cellules de la chèvrerie par un convoyeur à chaîne tubulaire.

En modifiant la ration et le système alimentaire, le troupeau a baissé sa production de lait de 100 à 150 litres, « mais la marge est restée la même », assure l’éleveur. La quantité de tourteaux de soja a été réduite, passant ainsi de 310 à 250 grammes par chèvre et par jour dans la ration de préparation aux mises bas. Pour gagner encore en souplesse et en autonomie, l’éleveur réfléchit à agrandir son séchoir avec une cellule supplémentaire. « Mais il y a eu déjà beaucoup d’investissements sur l’élevage, et c’est pour l’instant difficile de se rajouter encore des annuités. »

Une aide pour gagner en autonomie protéine

Pour l’aider à passer le cap, l’éleveur a demandé une aide de la MAEC (mesure agro-environnementale et climatique) sur l’autonomie en protéines avec 18 000 euros à la clef sur cinq ans. Un audit a été réalisé au début et un autre sera réalisé à la fin. Entre-temps, l’élevage doit progresser sur la part de surfaces d’intérêt protéique fourragères, les pratiques d’élevage, la production fermière de concentrés ou la dépendance aux protéines importées. « La transition coûte un peu avec l’implantation des luzernes et la modification de l’assolement. Cette aide m’aidera à payer les semences et l’inoculation des luzernes. »

Chiffres clés

Les données techniques de la campagne 2022

330 chèvres
43 hectares
236 000 litres de lait
504 euros/1 000 l de marge brute
Source : Cap’T€C - EDE - Contrôle laitier 12

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