À Fromagora, un fromager et un chercheur pour défendre le lait cru
Le concours de fromages de chèvre fermiers Fromagora s’est tenu à Sainte-Maure-de-Touraine le 2 juin dernier. L’occasion de réaffirmer les bénéfices des fromages au lait cru sur la santé.
À l’occasion du concours national de fromages de chèvre fermiers Fromagora, Jean-Philippe Bonnefoy et Christophe Chassard ont défendu le fromage au lait cru. Le fromager fermier de Saône-et-Loire et le chercheur à l’Inrae ont profité de la rencontre du dimanche 2 juin à Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire) pour esquisser le contenu du livre blanc sur les fromages au lait cru, écrit sous l’égide de la fondation pour la biodiversité fromagère, de la Fnec, de la FNPL et du Cnaol. Cet ouvrage de synthèse veut rassembler toute la connaissance scientifique disponible sur les risques, mais aussi les bénéfices du lait cru. Il sera présenté officiellement le 14 octobre à l’Académie de médecine, en marge du sommet mondial de la FIL, la Fédération internationale du lait, qui se tient du 15 au 19 octobre 2024 à Paris.
« J’ai été choqué par la recommandation de l’Anses de ne pas proposer de fromage au lait cru aux enfants de moins de cinq ans, se remémore Jean-Philippe Bonnefoy. Le fromage, ce n’est pas de la cigarette, ce n’est pas du vin, c’est fait à base de lait, le produit que la mère donne à son enfant ! Même si le risque zéro n’existe pas, la filière fait beaucoup de choses pour maîtriser le risque sanitaire. On veut maintenant mettre en avant les bénéfices de la biodiversité microbienne sur la santé humaine. »
Une dose de microbes contre les allergies
« La recommandation de l’État laisse le choix aux parents, rassure Christophe Chassard. Ils doivent arbitrer entre un risque très rare, potentiellement grave, et des bénéfices à long terme avérés, encore trop peu connus. » Le chercheur décrit, par exemple, comment la consommation de fromage au lait cru entre un an et dix-huit mois va avoir un rôle protecteur à six ans sur les réponses atypiques de l’hôte ou les maladies auto-immunes telles que l’asthme, l’eczéma, les allergies alimentaires ou les pathologies respiratoires. Autre étude, la cohorte européenne Pasture a montré que les enfants vivant à proximité des animaux et ceux consommant du lait cru ont statistiquement moins d’allergies que les autres.
« Le taux d’allergie alimentaire est de 4 % aux États-Unis et de 2,5 % en France, décrit le microbiologiste. Et ces maladies ont tendance à augmenter. Au point que des épidémiologistes américains réfléchissent à une recommandation nutritionnelle d’une quantité minimale de microbes ingérés par jour ! » Le débat scientifique n’est pas tranché, mais offrir une diversité microbienne aux jeunes enfants permettrait une bonne maturation de leur système immunitaire. Les aliments fermentés et la flore vivante pourraient avoir un rôle probiotique de fournisseur de micro-organismes bénéfiques à la santé.
Ne pas perdre le bénéfice santé
Le livre blanc du fromage au lait cru va permettre de partager ces faits scientifiques aux médecins et aux fromagers fermiers qui transforment le lait cru. « Les producteurs ont une réelle conscience du risque sanitaire, il faut maintenant qu’ils puissent passer les messages sur les bénéfices santé du lait cru, espère Jean-Philippe Bonnefoy, par ailleurs vice-président de la Fnec. Avec le livre blanc, chaque producteur sur son marché aura des éléments pour informer leur client. »
« Si la charge d’autocontrôle devient trop élevée, les producteurs pourraient être contraints de pasteuriser leur lait, craint le fromager fermier. Et là, on aura non seulement perdu le goût de nos terroirs et le plaisir de notre patrimoine fromager, mais aussi le bénéfice sanitaire commun de la diversité microbienne ! »