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Annulation de l'indication obligatoire de l’origine du lait : Jérémy Decerle écrit au président de Lactalis

L’étiquetage des produits laitiers préemballés vendus en France était obligatoire, à titre expérimental, depuis le 1er janvier 2017. Lactalis a obtenu du Conseil d’Etat l’annulation du décret rendant obligatoire l’indication de l’origine du lait sur les produits laitiers vendus en France. La décision a déclenché un vent de protestations chez les producteurs laitiers français. Jérémy Decerle, éleveur et député européen, explique dans une lettre ouverte au président de Lactalis, Emmanuel Besnier, pourquoi cette obligation d’indiquer l’origine du lait était « justifiée et dans l’air du temps ».

Jerémy Decerle, éleveur et député européen.
© DR

« Lactalis a obtenu du Conseil d’Etat l’annulation du décret rendant obligatoire l’indication de l’origine du lait sur les produits laitiers vendus en France, » c’est ce qu’annonçait Réussir Lait le 16 mars. L’étiquetage des produits laitiers préemballés vendus en France était obligatoire, à titre expérimental, depuis le 1er janvier 2017. Le 11 mars 2021, le Conseil d’Etat a déclaré que l’obligation sous peine de sanctions de l’étiquetage de l’origine du lait est illégale. Il s’appuie pour cela sur l’avis de la Cour de justice européenne qui avait été saisie de ce sujet. Pour l’institution de l’Union européenne, deux conditions sont nécessaires au maintien de cette obligation : que « la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information » et qu’il existe « un lien avéré entre certaines propriétés d’une denrée alimentaire et son origine ou sa provenance ». Ce que n’a pu démonter l’Etat français.

Lire « Lactalis obtient l’annulation de l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait »

Pour la filière laitière française, cette décision est « un retour inacceptable » et Jérémy Decerle, député européen, éleveur et ancien président des Jeunes Agriculteurs, l’a fait savoir à Emmanuel Besnier, président de Lactalis, dans une lettre ouverte datée du 24 mars.

Dans ce courrier, le député européen explique au président du groupe industriel « Pourquoi la démarche de la France d’instaurer l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait était un tout petit peu justifiée et dans l’air du temps. »

Voici l’intégralité de la lettre.

« De l'eau a coulé sous les ponts depuis ma dernière lettre à votre attention en pleine crise du lait. Depuis lors, j'ai certes changé de casquette mais pas de convictions quant aux combats à mener pour défendre les hommes et les femmes qui nous nourrissent et un certain modèle pour notre agriculture.

Je vous avoue donc que votre action ayant débouché, mi-mars, sur une décision ferme du

Conseil d'État d'interrompre l'initiative novatrice et avant-gardiste de la France d'étiqueter l'origine du lait, y compris lorsqu'il est ingrédient d'une préparation, reste pour moi difficilement compréhensible et acceptable.

Vous laissez entendre qu'à cause de ce genre de mesure, en France et dans les autres pays européens ayant initié la même démarche, vous avez divisé par trois vos ventes. Je dois dire que je suis rassuré pour vous quand je lis, dans le même temps, que vous êtes en passe de conclure un nouveau marché sans aucun doute économiquement intéressant et de "croquer", comme se plaisent à le dire certains media, une part d'un de vos concurrents.

Vous le savez mieux que moi et vous devriez y être sensible, l'étiquetage n'est même pas qu'une opportunité de valorisation supplémentaire pour les éleveurs mais aussi, et plus largement, une demande forte de la société, et donc aussi de vos consommateurs. En tant que leader sur votre secteur, il me semble que vous devriez être en capacité d'entendre ces attentes et d'être celui qui donne l'exemple vis à vis des autres opérateurs de la filière. Si certains, même plus petits que vous, ont trouvé les ressources pour mettre en place cet étiquetage de l'origine, et même de le tourner en avantage compétitif, c'est que cela ne doit pas être tout à fait impossible pour vous.

Les tendances actuelles pour plus d’information, donc de traçabilité, de proximité et de qualité que l'on retrouve dans la loi EGalim en France, et dans la nouvelle Stratégie européenne de la

Ferme à la Table, vous conduiront, vous le savez, à devoir développer un étiquetage plus large et plus systématique sur vos produits. Pourquoi donc mettre un coup d’arrêt maintenant à cette avancée dans l’air du temps ?

Nous n'allons pas refaire l'histoire. À cause de vous, la France va pour l’instant rentrer dans le rang, même si cela se fait à contre-courant des demandes sociétales et des intérêts des agriculteurs. Mais est-ce que grâce à vous, nous pourrons aussi enfin lui donner les capacités de faire évoluer le droit en vigueur ? En tant qu'acteur incontournable au niveau mondial, j'en appelle à votre responsabilité pour être de ceux qui pousseront pour la construction d’une règlementation harmonisée et pertinente sur l’étiquetage de l’origine.

En ce qui me concerne, soyez assuré que je suis engagé en ce sens, et que je crois en les capacités de l’action publique et politique nationale et européenne pour y parvenir. Je suis convaincu que c'est aujourd'hui le chemin à prendre pour que l’identification et la valorisation de l’origine, pour le lait et pour beaucoup de produits agricoles, deviennent enfin la norme plutôt que l’exception, dans l’intérêt de tous les citoyens, de l’amont à l’aval de la chaîne de valeur. »

Jérémy Decerle se dit « prêt à en discuter » avec Emmanuel Besnier.

 

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