Séchage en grange en élevage bovins viande : « c’est un équipement rentable et pérenne qui donne de la valeur à notre ferme »
Éleveurs de limousines dans les Deux-Sèvres, Stéphanie et Charles Moreau se sont équipés, en 2020, d’un séchoir à fourrages. Avec cet outil, ils assurent la sécurité fourragère de leur troupeau ainsi que la régularité de la qualité de leur viande commercialisée majoritairement en circuits courts.
Éleveurs de limousines dans les Deux-Sèvres, Stéphanie et Charles Moreau se sont équipés, en 2020, d’un séchoir à fourrages. Avec cet outil, ils assurent la sécurité fourragère de leur troupeau ainsi que la régularité de la qualité de leur viande commercialisée majoritairement en circuits courts.








Qui a dit que les prairies étaient les parents pauvres des cultures ? Sûrement pas Stéphanie et Charles Moreau, éleveurs naisseurs-engraisseurs de limousines au Gaec Le Chiloup, à La Chapelle-Bâton dans les Deux-Sèvres. Dans un département où les cultures prennent peu à peu le pas sur les activités traditionnelles d’élevage, et où le paysage bocager est menacé, ces éleveurs ont au contraire misé sur les vaches et sur les prairies, qu’elles soient naturelles, temporaires ou de luzerne. « L’herbe, c’est ce qui nous fait vivre », assure Stéphanie Moreau.
Les cultures servent à renouveler les prairies
« Notre vision des prairies et de l’herbe se rapproche plus d’une vision suisse que de la vision locale. Chez moi, les cultures sont là pour renouveler les prairies », renchérit Charles Moreau. C’est d’ailleurs en poussant jusqu’au bout cette vision que le couple s’est équipé, en 2020, d’un séchoir d’une capacité de 900 tonnes.
« Le séchoir, on y pensait depuis 2017. » Plusieurs raisons ont motivé ce choix. D’abord, le caractère très aléatoire des cultures de printemps, le maïs en premier lieu, sur une ferme sans irrigation. Ensuite, une attention particulière à la qualité de la viande : la majeure partie de la production est transformée et vendue dans un magasin de producteurs locaux et la ferme est adhérente depuis quatorze ans à la démarche Bleu-blanc-cœur (lire l’encadré).
Enfin, le goût pour la gestion de l’herbe, pâturée comme conservée, l’envie de réduire l’utilisation du plastique (la ferme faisait de l’enrubannage d’herbe) et le souhait de diminuer les pics de travail du printemps complètent l’ensemble des raisons qui ont conduit ces éleveurs à faire ce choix.
Pour monter leur projet, Stéphanie et Charles se sont fait accompagner par leur nutritionniste indépendant, qui suit leur troupeau depuis longtemps, et par un conseiller spécialisé en séchage en grange. Charles s’est aussi rendu en visite sur des exploitations équipées de ce système. « J’ai pu constater qu’il n’y avait pas deux séchoirs identiques », remarque-t-il.
Un investissement de 750 000 euros
Le séchoir du Gaec Le Chiloup lui aussi est unique, résultat du compromis entre les avis des spécialistes, les souhaits des éleveurs et les possibilités de financement. « En 2020, l’investissement total s’est chiffré à 750 000 euros. Nous avons eu une subvention PCAE de 90 000 euros. Nous avons réalisé une partie d’autoconstruction, les caillebotis et les cloisons, ce qui nous a permis d’économiser environ 20 000 euros », calculent les éleveurs.
Toujours du côté des investissements, Charles Moreau a fait le choix d’acheter un système de déshumidification, qui peut être utilisé sur la moitié de son séchoir, en plus de la ventilation, l’autre moitié du séchoir étant séchée par deux ventilateurs. « C’est un coût élevé, environ 80 000 euros, et cela consomme également davantage d’électricité, mais ce dispositif apporte une sécurité supplémentaire. »
Séquences de ventilation et de déshumification
Concrètement, Charles Moreau réserve l’usage de cette déshumidification aux coupes les plus qualitatives (les coupes primes et tardives des prairies naturelles et des prairies de mélanges suisses), ou à celles qui en ont le plus besoin, en cas de mauvais temps durable. Cet usage « à la carte » de la déshumidification, comme de la ventilation, produit des fourrages de plus en plus individualisés, au point que Charles préfère l’appellation d’« herbe séchée » à celle de foin, pour souligner qu’elle garde un maximum de ses qualités.
La mise en place du séchoir a non seulement changé la qualité des fourrages, mais également toute l’organisation du travail de récolte. « Nos journées sont moins longues, mais on y revient plus souvent. On a gagné en souplesse de travail, mais pas en temps et en complexité de travail. Au printemps, on est tout le temps dans les prairies, à gérer l’organisation et le stade de récolte. »
Parmi les fourrages de la ferme, la valeur sûre du moment, c’est la luzerne. « Je peux en faire quatre coupes sur la saison. L’an dernier, j’ai obtenu 12 tonnes de MS par hectare. » Charles Moreau récolte et sèche également des coupes de prairies naturelles et de mélanges suisses : « On en utilise plusieurs et on choisit leur composition en fonction du type de sol et de la façon dont elles seront exploitées. Certaines prairies peuvent être fauchées puis pâturées. »
« C’est le séchoir qui commande »
L’organisation des chantiers de récolte est désormais bien rodée, à trois, avec Jean-Louis, le père de Charles, à l’andainage (deux à trois jours après la fauche), Damien, le salarié, au ramassage et au transport avec l’autochargeuse, et Charles à l’engrangement avec la griffe. « Dans l’année, on récolte environ 150 autochargeuses de 5 tonnes. Sur une journée, on peut aller jusqu’à 20 autochargeuses, soit 15 hectares environ. Si je mets le fourrage dans une case située près du couloir de déchargement, je mets 10 minutes pour dépoter. Si c’est une case plus éloignée, cela peut être 15 à 20 minutes. On est en flux tendu. »
Et en cas de conflit de priorités, « c’est le séchoir qui commande », assure Charles. « Avant, on ne se posait pas la question. On gérait le fourrage en fonction de ce qu’il y avait à récolter. Aujourd’hui, on fauche en fonction de la place dans le séchoir. » Cette limite de place peut toutefois être levée, en déplaçant du fourrage déjà sec dans un autre hangar ou simplement… en ne l’utilisant pas : « L’an dernier, on a refait un peu d’enrubannage. »
« Avoir un séchoir, c’est aussi savoir ne pas l’utiliser, en cas de fourrage trop difficile à sécher. » Au fur et à mesure de ses années d’utilisation, l’éleveur devient de plus en plus expert dans le pilotage du séchage pour obtenir un rapport qualité/coût acceptable. « La facture d’électricité se situe en moyenne entre 12 000 et 15 000 euros par an. Mais en 2024, on a fait encore plus attention à notre consommation que d’habitude, car le tarif de notre contrat était très élevé. »
Malgré ces coûts d’investissement et de fonctionnement, le séchoir est-il rentable ? « Oui, notre EBE a augmenté », assure Charles. « On y gagne en régularité de la viande, en charges de mécanisation, en coût et temps de distribution de l’alimentation, et surtout, en tranquillité d’esprit. Face au changement climatique, un séchoir, c’est une sécurité. C’est aussi un équipement pérenne qui donne de la valeur à notre ferme. » Cerise sur le gâteau, le Gaec Le Chiloup devrait recevoir, à partir de 2026, une rémunération de France carbone agri pour la réduction considérable de ses émissions de gaz à effet de serre.
Des légumineuses en remplacement du lin
Le label Bleu-blanc-cœur est un label avec obligation de résultats, notamment en ce qui concerne la teneur en acides gras Oméga 3 de la viande. Des travaux scientifiques ont montré que le lait et la viande d’animaux nourris avec des légumineuses (pâturées ou récoltées précocement) comportaient autant voire plus d’Oméga 3 que celle d’animaux nourris avec du lin. Pour le troupeau de la ferme Le Chiloup, le passage à une alimentation quasi exclusivement à base d’herbe représente 10 tonnes de lin achetées en moins chaque année.