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Chenilles du chou : ce que donne la lutte biologique par les trichogrammes

Le projet Himeno a visé à évaluer l’efficacité du trichogramme pour gérer les noctuelles sur les choux à inflorescence. Des résultats sont variables et favorables aux lâchers à forte densité. Des essais en grandes parcelles sont nécessaires pour valider la méthode. [Texte : Myriam Abgrall, Caté]

Différentes espèces de chenilles sont problématiques en culture de chou d’automne du fait de la défoliation et du risque de déclassement à cause des souillures et du « broutage » sur la pomme. Les dégâts sont principalement dus aux piérides (papillons blancs), notamment la piéride du chou (Pieris brassicae) et la piéride de la rave (Pieris rapae), aux noctuelles (Mamestra brassicae) et la pyrale des crucifères (Evergestis forficalis).

La gestion biologique des chenilles repose principalement sur les traitements au Bt (Bacillus thuringiensis) qui permet une gestion efficace. Cependant, cette solution a des limites sociales (utilisation du pulvérisateur, relation producteurs/riverains), environnementales (confusions avec Bacillus cereus…) et biologiques (apparitions de résistances).

De petites plaques des œufs parasités

L’objectif du projet Himeno (voir encadré) était de mettre à disposition des producteurs de chou à inflorescence une méthode de biocontrôle efficace pour gérer les chenilles, basée sur des lâchers de Trichogramma brassicae. Ce parasitoïde oophage pond ses œufs dans ceux des papillons. Les trichogrammes sont utilisés très largement comme agent de lutte biologique depuis plusieurs décennies. Leur production de masse se révèle simple et économique.

La société Bioline AgroSciences commercialise déjà des diffuseurs de trichogrammes pour lutter, avec succès, contre la pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis). Elle possède une souche de Trichogramma brassicae adapté aux noctuelles des choux et a fourni les diffuseurs aux acteurs du projet. Ces diffuseurs sont de petites plaques dans lesquelles des œufs parasités par les trichogrammes sont disposés.

Des insectes adultes émergeront et pourront à leur tour parasiter les œufs de noctuelles présents sur la parcelle. Les diffuseurs se placent au sol à l’ombre de choux et les insectes se diffusent par vague sur une durée d’un mois. La stratégie testée tout au long du projet avait pour but de couvrir la période sensibilité de la culture aux attaques de noctuelles, soit un mois avant la récolte, en disposant des diffuseurs à intervalles réguliers dans les parcelles d’évaluation.

Des lâchers sur minimum un hectare

Les zones de lâchers de trichogrammes (modalités Tricho) ont été spatialement isolées dans les parcelles d’essais des modalités traitées (BT ou Chimique) et d’une zone témoin non traitée (modalités TNT) ceci afin de pouvoir comparer l’efficacité des lâchers et d’éviter du parasitisme sur les autres modalités de l’essai. En condition expérimentale, les lâchers de trichogrammes ont été faits sur de petites surfaces, seule possibilité en station d’essais, alors qu’en pratique agricole pour ce genre de biocontrôle les lâchers sont faits sur des surfaces minimums d’1 ha. Pour chaque modalité, une notation des pommes lors de la récolte était réalisée.

Une fois le chou coupé et paré, les traces directes ou indirectes de chenilles étaient notées : broutage sur les pommes, souillure ou présence de la chenille. Chaque chou ne présentant pas de dégâts était catégorisé comme « indemne ». Les chenilles retrouvées dans les têtes étaient identifiées et dénombrées. Comme attendu, le chou-fleur est majoritairement impacté par les noctuelles. La diversité d’espèces de chenilles dans le brocoli est cependant nettement plus importante, limitant l’efficacité des trichogrammes, spécifique des noctuelles. Lors de la première année d’essais, deux lâchers à cinquante diffuseurs par hectare, un mois et quinze jours avant la récolte ont été testés.

Une efficacité des trichogrammes proche de la modalité traitée de façon conventionnelle n’a été observée que sur chou-fleur au Caté. L’attaque de chenille ayant été particulièrement localisée sur la zone de lâchers au Pôle Légumes Région Nord (PLRN), le pourcentage de pommes indemnes est particulièrement faible. À Terre d’essais, aucune différence n’a été observée entre les trois modalités.

Une très faible émergence des trichogrammes

Face à ces résultats mitigés, il a été décidé d’augmenter le nombre et la densité des lâchers l’année suivante avec trois lâchers à 100 diffuseurs par hectares à partir d’un mois et demi avant la récolte. Le nouveau protocole porte ses fruits en 2022. Au Caté l’efficacité du trichogramme est très bonne et similaire au traitement chimique en chou-fleur. En brocoli, l’effet n’est néanmoins pas aussi important. Cela s’explique par la diversité d’espèces de chenilles sur cette culture, le trichogramme étant plus spécifique de la noctuelle.

Au PLRN la pression en chenille a été particulièrement élevée en 2022. Une légère efficacité des lâchers a été observée. À Terre d’essais, les résultats ne sont pas satisfaisants. La société Bioline AgroSciences explique cela grâce à une analyse des diffuseurs a posteriori qui révèle une très faible émergence des trichogrammes sur le deuxième des trois lâchers réalisés sur ce site. Le comité de pilotage précédant la dernière année d’essais a décidé de revenir à des lâchers de 50 diffuseurs par hectare malgré les bons résultats à 100 diffuseurs.

En effet, la plus petite densité permet de garder un coût à l’hectare similaire à celui d’un traitement conventionnel. La dernière année du projet n’a pas permis de conclure à l’efficacité des lâchers de trichogrammes. En effet, sur les trois sites d’expérimentation, aucune différence de dégâts n’a pu être mise en évidence entre les modalités. Au Caté, sur chou-fleur, il n’y a pas eu d’effet des lâchers sur l’impact des chenilles.

Évaluer l’efficacité des trichogrammes disponibles

Le projet Himeno a été porté par le Caté et a impliqué deux autres partenaires techniques : Terre d’essais et le Pôle Légumes Région Nord. Commencé en juin 2021, il s’est terminé au 31 mai 2024. L’objectif de l’ensemble des partenaires a été d’évaluer l’efficacité de la souche commerciale de trichogrammes disponible (D13) dans les principaux bassins de production en France et de mettre au point une méthode d’utilisation adaptée à la culture en répondant aux contraintes des producteurs. Cette évaluation a eu lieu sur trois campagnes de production, le PLRN a conduit ses essais sur chou-fleur (cycle court, 90 jours) tandis que les stations Bretonnes (Caté et Terre d’Essais) ont réalisé des essais sur chou-fleur (cycle court, 90 jours) et brocoli.

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