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AG 2025 de l’UNPT : « Il ne faut pas devancer la demande si l’on veut conserver une rémunération de la pomme de terre »

Le syndicat des producteurs de pommes de terre a mis en débat les perspectives du marché à horizon 2030 et les opportunités de croissance. Face à la demande très dynamique des industriels pour faire de la frite, l’UNPT avertit de nouveau : ne pas devancer cette demande industrielle en plantant trop, trop vite. D’autant plus que produire de la pomme de terre ne s’improvise pas et reste risqué avec un fort investissement nécessaire. 

« Notre filière de la pomme de terre est dynamique. » Tels sont les mots d’accueil du président de l’UNPT (Union Nationale des Producteurs de Pommes de terre) Geoffroy d’Evry, à l’après-midi d’échanges qui a suivi l’assemblée générale du syndicat le 4 février à Paris.

Lire aussi : L’UNPT pérennise son salon Pro Pom’

Mots immédiatement suivis d’une mise en garde : « On peut se réjouir des annonces de nouvelles unités industrielles. Cependant, attention ! Celles-ci sont à horizon 2028-20230. On aura besoin de nouvelles surfaces, oui, mais il ne faut pas devancer cette demande si l’on veut conserver la rémunération de la pomme de terre. »

Lire aussi : Pomme de terre : hausse de la production française en 2024 pour accompagner la demande

 

Un équilibre de marché de la pomme de terre assurée par les exportations vers les industriels européens

En outre, l’équilibre du marché et les échanges mondiaux demain peuvent changer, met en garde le président de l’UNPT. Est-ce qu’on est sûrs de la solidité de la demande mondiale ? interroge pour sa part le secrétaire général de l’UNPT Alain Dequeker, lui aussi producteur.

Depuis les 5 dernières années, l’équilibre du marché français de la pomme de terre dépend des exportations, affirme Philippe Bureau lors de sa présentation. « Sachant que ces exportations sont surtout dues à la demande des industriels sur les marchés européens afin d’approvisionner leurs usines, est-ce que les exportations vont continuer à croître ? »

Photo d'une diapositive faisant le point sur le marché de la pomme de terre de conservation
Photo d'une diapositive de la présentation de Philippe Bureau (cabinet Idari) lors de la première table-ronde du 4 février organisée par l'UNPT. © Julia Commandeur

 

La frite est incontournable dans les assiettes des consommateurs mondiaux

Sur les marchés mondiaux, seuls 4 % de la pomme de terre fraîche est échangée. C’est peu, surtout si l’on compare au blé (25 %) ou au riz (11 %). « C’est surtout sous forme transformée que voyage la pomme de terre, rappelle Diane Mordacq, chargée de projets au Club Demeter. Et avec l’urbanisation et le développement des fast food, la consommation de pommes de terre transformées augmente énormément. »

« C’est surtout sous forme transformée que s’échange la pomme de terre »

Le président du cabinet Gira Conseil, expert du marché de la Consommation Alimentaire Hors Domicile (CAHD) en France confirme : la pomme de terre sous forme de frite est désormais un incontournable de la restauration hors domicile. « En France 78 % des assiettes dans la restauration classique viennent avec de la pomme de terre sous forme de frites -contre 60 % il y a 15 ans, détaille Bernard Boutboul. Et si on y ajoute le snacking, ce sont aujourd’hui 8,5 repas sur 10 hors domicile qui sont accompagnés de pomme de terre frites. Malgré les vents contraires que soufflent les nutritionnistes et médecins, jamais la tendance “frit” n’a été aussi haute : les frites, le poulet frit… »

« 8,5 repas sur 10 pris hors domicile s’accompagnent de frites »

La vraie question à se poser : demain qui va transformer les pommes de terre en frites ? Traditionnellement, les usines s’implantent au cœur des bassins de production de pomme de terre : nord de la France, Belgique…

« La Chine représente aujourd’hui 25 % de la production mondiale. Demain est-ce qu’elle va se mettre à transformer ? », interroge Diane Mordacq.

« La Chine, 25 % de la production mondiale, va-t-elle se mettre à transformer ? »

 

« Produire de la pomme de terre ne s’improvise pas »

Pour produire de la pomme de terre, il faut certes des surfaces, mais aussi les moyens.

Les représentants de l’UNPT Alain Dequeker et Geoffroy d’Evry rappellent la problématique phyto (de moins en moins de molécules autorisées) et l’explosion des coûts de production [lire le témoignage ci-dessous]. 

A cela, il faut ajouter le défi climatique, en particulier avec l’eau. « Si demain toutes les pommes de terre en Europe étaient produites irriguées, il n’y aurait plus d’eau pour personne d’autre », illustre Alain Dequeker.

Diane Mordacq a d’ailleurs souligné cette grande incohérence de notre temps : « On produit de mieux en mieux, alors qu’on consomme de plus en plus mal. »

Alain Dequeker témoigne  de l’explosion des coûts de production

Alain Dequeker témoigne : « L’explosion des coûts de production depuis 2022 est aussi liée à la hausse de la production : l’année précédente, nous avions sous-estimé la demande, ce qui ont poussé les producteurs de plants à arrêter. Il y a donc eu un manque de plants et une explosion de leurs couts : + 800 à 1 000 €. Les frais de structure notamment les frais de mécanisation sont aussi très importants. Et aujourd’hui, beaucoup de producteurs ne connaissent pas leurs coûts de production. »

« La pomme de terre, c’est un investissement sur 20 ans »

Enfin, message à des agriculteurs qui pourraient être tentés de se lancer dans la pomme de terre face à ce constat d’opportunité : « Produire de la pomme de terre ne s’improvise pas ».

Alain Dequeker affirme : « Se lancer dans la pomme de terre c’est aussi se demander qui va la produire  et comment, et qui va faire le lien avec l’industriel. C’est une réelle problématique RH [ressources humaines]. A laquelle il faut ajouter les investissements, pour les matériels et les bâtiments. La pomme de terre, c’est un investissement sur 20 ans. »

Camille Souhard, chef d’unité Prospective à FranceAgriMer, confirme : « A horizon 2040-2050, il y a un besoin d’anticiper les tensions sur la main d’œuvre et le renouvellement des générations. L’investissement humain est autant un enjeu sinon plus que l’investissement matériel et financier. » 

 

Production et exportations influent sur le prix de la pomme de terre

D’autant plus que selon une étude menée en 2017 par le cabinet Idari pour l’UNPT* et dont les résultats sont toujours pertinents aujourd’hui selon son président Philippe Bureau,  si une hausse de +1 % de la demande totale des usines entraîne une hausse de +2,1 % sur le prix, une hausse de la production de pomme de terre en France entraîne une baisse des prix de -5,3 %.

A relire : Le NEPG met en garde : les producteurs doivent accompagner cette demande en croissance et non la précéder

L’étude UNPT 2017 « Modélisation du prix sur le marché libre » sur la formation des prix des pommes de terre de conservation sur le marché libre exprime la sensibilité du prix aux facteurs exogènes sur la période 2000-2017 (production française, exports, et demande industrielle totale) : 

  • +1 % de production en France entraîne une baisse -5,3 % sur le prix ;
  • -1 % de production en France entraîne une hausse +5,7 % sur le prix ;
  • +1 % d’export entraîne une hausse +3,3 % sur le prix ;
  • +1 % de demande totale des usines entraîne une hausse de +2,1 % sur le prix.
Philippe Bureau (cabinet Idari) présente les facteurs influençant la formation des prix de la pomme de terre
Philippe Bureau (cabinet Idari) rappelle l’étude UNPT 2017 « Modélisation du prix sur le marché libre ». © Julia Commandeur

 

Projet Prospective Pomme de Terre à horizon 2040-2050 

Lors de la table-ronde, Camille Souhard a également évoqué le projet Prospective Pomme de Terre à horizon 2040-2050, un projet qui a émergé en 2022 pour mettre en lumière les différents enjeux à 20 ans. 4 scenarii construits par le groupe d’experts issus des 3 filières (semence, frais et industrie) sous la direction des prospectivistes de FranceAgriMer ont été identifiés et présentés à la filière fin janvier

 

A relire : Pomme de terre : l’UE connaît un déclin à long terme de ses surfaces et de sa production

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