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Changement climatique : une filière sorgho aux portes de Paris

Pour gagner en résilience face au réchauffement climatique, des agriculteurs de l’ouest du Bassin parisien tentent la culture du sorgho grain loin de son aire historique. Cette nouvelle filière s’appuie sur la sélection variétale et les débouchés de la coopérative Natup.

La physiologie du sorgho grain lui permet de bien résister aux stress hydriques. © C. Baudart
La physiologie du sorgho grain lui permet de bien résister aux stress hydriques.
© C. Baudart

Quelles cultures pour allonger les rotations et améliorer les revenus, malgré un climat de plus en plus chaud et sec ? Entre l’Île-de-France, l’Eure-et-Loir et l’Eure, la coopérative Natup propose une réponse inédite pour la région : le sorgho grain. Peu consommatrice en eau et en intrants, dotée d’une valeur nutritionnelle proche du maïs, cette culture tropicale, autrefois réservée à l’Occitanie, multiplie les atouts.

« L’espèce a une bonne résistance face aux conditions estivales sèches », confirme Laure Pitrois, responsable marketing de Semences de Provence, leader sur le marché des semences de sorgho en France. Et ce n’est pas tout : « Le sorgho sécrète une cire sur ses tiges qui lui permet de mieux résister aux stress hydriques. Sa pollinisation n’est pas perturbée par une sécheresse, les risques de stérilité dus à des températures importantes sont très atténués. En cas de sécheresse, il a la capacité d’attendre l’eau pour poursuivre ensuite son développement. » Bref, le sorgho peut permettre de limiter les risques en cas d’épisodes caniculaires, comme en 2020 et 2019.

Aider à sortir de l’ornière de la rotation colza-blé-orge

La culture de l’espèce sous ces latitudes est aussi permise par les progrès génétiques et l’inscription de variétés très précoces. « La variété Québec est la plus précoce du marché, Arski affiche un très bon potentiel sur cycle court et Armorik est peu sensible au froid à floraison », relève Laure Pitrois. Le froid reste le risque principal d’échec : en début de saison, en dessous de 12 °C, la croissance de la plante est stoppée. À floraison, le froid peut aussi compromettre la qualité de la pollinisation. Des limites qui font déconseiller la culture au nord d’une ligne Angers-Dijon. « Ce n’est pas une culture magique », prévient Laure Pitrois.

L’avertissement est entendu par les responsables de Natup, mais les risques sont atténués par l’élévation de la température moyenne. Selon Météo France, cette dernière a augmenté de 0,3 °C par décennie en Eure-et-Loir. Les périodes de sécheresse marquée semblent désormais plus à craindre que le froid. « Le sorgho n’est pas la solution à tous les problèmes, explique Antoine Grasser, responsable du pôle grain de Natup, qui collecte chaque année 2 millions de tonnes de grains. Notre volonté reste d’amener de la valeur sur le blé mais aussi de diversifier les productions pour permettre à nos adhérents d’être plus résilients, notamment face au réchauffement climatique. »

En l’espèce, le sorgho doit contribuer à sortir des rotations colza-blé-orge, dont chacun connaît les limites agronomiques et économiques. Les futurs volumes collectés seront destinés à l’alimentation animale, en substitution au maïs dans les rations d’élevage et en oisellerie. « Malgré une forte progression des surfaces, la production française reste déficitaire et nous importons du sorgho américain. Nous sommes en mesure de valoriser un sorgho made in France », détaille Antoine Grasser. Parmi les atouts de la coopérative : une usine d’aliments du bétail sur les bords de Seine et un réseau de 26 magasins Gamm Vert.

Une production proposée sur une zone restreinte

En 2020, Natup a mis en place des essais variétaux et étudié différentes conduites de culture. Surtout, elle a circonscrit une zone de production restreinte. Pas question de proposer cette culture à l’ensemble de ses 7 000 adhérents. Cela tuerait dans l’œuf la filière. Seuls les agriculteurs de l’Eure-et-Loir, des Yvelines et du sud de l’Eure se voient proposer cette option. « Ça peut être délicat à expliquer sur le terrain », admet Antoine Grasser.

Le silo de Saint-Sauveur-Marville, au sud de Dreux (Eure-et-Loir) sera l’épicentre de l’aire de production de la coopérative, justifié par l’existence d’un séchoir sur place. C’est ici que les lots seront séchés, travaillés et stockés avant d’être expédiés. Les silos de Bû (Eure-et-Loir), Houdan (Yvelines) et Oulins ((Eure-et-Loir) collecteront également la future récolte. « Pour 2021, nous avons un potentiel de 1 500 à 2 000 hectares », annonce Antoine Grasser. Un vrai bond en avant : en 2020, seuls 20 hectares ont été cultivés sur ce secteur.

Limiter la consommation d’eau et les pics de travail

Cette surface pourrait être rapidement atteinte : les visites de la plateforme d’essais, début octobre, ont rencontré un franc succès ; 90 agriculteurs ont répondu présents, preuve que le projet répond à une vraie demande. Parmi les amateurs, des agriculteurs irrigants qui souhaitent limiter leur consommation en eau et lisser leurs pics de travaux estivaux. Côté rémunération, la coopérative n’annonce pas de prix mais évoque une marge comparable à un maïs grain. « Nous nous engageons au travers de contrats Cap Duo, qui déboucheront sur un prix moyen, précise Antoine Grasser. Ce n’est pas une solution miracle mais ça peut contribuer à ramener de la valeur dans les exploitations. »

Une croissance à deux chiffres

En trois ans, la culture de sorgho a bondi en France, et tout particulièrement en 2020. Les surfaces ont progressé de 26 % par rapport à 2019, pour atteindre 116 000 ha. En 2019, la progression était déjà de 21 %. Le rendement moyen de la culture est de 57 q/ha. Au-delà des raisons agronomiques et variétales, la pluviométrie de l’automne dernier a favorisé les cultures de printemps, dont le sorgho grain. En Île-de-France, la surface a plus que doublé cette année, passant de 300 à 700 ha. En Centre-Val-de-Loire, elles ont atteint 21 000 ha, contre 17 000 ha en 2019.

En savoir plus : sorghum-id.com

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