Prix des engrais azotés 2025 : une grande incertitude qui oblige les agriculteurs à ajuster leur stratégie d'achat
Les incertitudes sur le plan géopolitique, en lien avec la guerre en Ukraine, ainsi que la volatilité des prix de l’énergie fait régner le flou sur le marché des engrais. L’heure est à l’observation et à la vigilance afin d'opter pour la bonne stratégie d’achat.
Les incertitudes sur le plan géopolitique, en lien avec la guerre en Ukraine, ainsi que la volatilité des prix de l’énergie fait régner le flou sur le marché des engrais. L’heure est à l’observation et à la vigilance afin d'opter pour la bonne stratégie d’achat.

Les prix des engrais azotés sont au plus haut depuis deux ans en lien avec l’augmentation du prix du gaz, incontournable pour leur fabrication. Quel que soit le type d’engrais, les prix sont redescendus depuis l’envolée de 2022 mais sans retrouver leur niveau d’avant guerre en Ukraine. C’est également le cas pour les prix de l’énergie.
Sur le mois de mars 2025, la tendance est toutefois à la baisse pour le cours de l’urée, qui constitue le marché directeur des prix des engrais azotés. Cela s’explique notamment par la hausse de l’euro face au dollar favorable aux acheteurs européens et par la baisse ces dernières semaines des prix du pétrole et du gaz. Des éléments de marché expliquent aussi la détente des prix des engrais. « Les agriculteurs brésiliens, gros consommateurs d’urée, se sont retirés des achats », explique Arnaud Ponset, fondateur de Cerefi, société spécialisée dans le suivi des matières premières agricoles.
Le prix des engrais azotés baisse en mars
L’urée (vrac départ ports) passe de 453 €/t fin février à 382 €/t fin mars. L’ammonitrate 33,5 (départ usine vrac, granulés) passe de 435 à 405 €/t aux mêmes dates. « Il est possible que nous ayons atteint un point bas », estime toutefois Olivier Julia, analyste de marché et fondateur de Stratagro. La solution azotée suit les mêmes tendances avec toujours un petit décalage temporel. Elle reste pour l’instant en légère hausse, passant de 336 à 341 €/t entre fin février et fin mars. « Les marchés sont très volatils, beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte dans la variation des prix », considère pour sa part Arnaud Ponset.
Trouver le bon timing pour vendre ses céréales en parallèle de ses achats d’engrais
Quelle stratégie les agriculteurs peuvent-ils adopter pour leurs achats d’engrais dans ce contexte ? En France, la majorité des besoins des agriculteurs sont couverts pour cette campagne, mis à part quelques réapprovisionnements pour la fertilisation des cultures de printemps. Concernant la prochaine campagne, les cours des céréales en baisse ne vont pas les inciter à se précipiter pour acheter leurs engrais pour la prochaine campagne. « Il faut trouver le bon tempo, considère Olivier Julia. Personne n’a de boule de cristal concernant l’évolution du prix des engrais ou du prix du blé. Le raisonnement doit se baser sur un prix du blé qui permet de couvrir le coût de production pour éviter l’effet ciseau. » « L’achat d’engrais doit se faire en parallèle de la vente d’une partie de la récolte », confirme Arnaud Ponset qui invite les agriculteurs à temporiser leurs achats en mai et juin, en attendant d’y voir plus clair dans les évolutions de prix. L’achat en morte-saison qui garantissait généralement un prix des engrais couvert par le prix des céréales semble révolu. « Sur les 10 dernières années, nos analyses montrent que les premiers prix ne sont jamais les meilleurs », observe Arnaud Ponset.
Un impact des taxes sur les engrais russes proposées par la Commission européenne difficile à mesurer
Parmi les éléments potentiellement haussiers, figure la proposition de la Commission européenne de taxer les engrais russes à hauteur de 40 €/t à compter du 1er juillet 2025, puis 60 €/t en 2026 pour arriver au montant de 315 €/t en 2028. « L’objectif est de ne plus acheter d’engrais aux Russes », avance Olivier Julia. « Si l’on se coupe d’un fournisseur, le risque est de voir monter les prix », explique-t-il. Les autres pays producteurs, Trinidad-et-Tobago et les États-Unis pour la solution azotée ou l’Égypte et l’Algérie pour l’urée, pourraient être tentés d’augmenter leurs prix sans la concurrence des engrais russes. Arnaud Ponset avertit, lui, qu’il pourrait y avoir un ajustement du marché. D’après lui, les Russes seraient à même d’adapter leurs tarifs si 40 % de taxes étaient appliquées en juillet.
Lever les taxes des autres pays producteurs
L’AGPB (producteurs de blé) appelle la Commission européenne à « construire une stratégie de diversification d’approvisionnement des engrais azotés accessibles, fiables et compétitifs ». Le syndicat réclame la levée des taxes à l’importation de 6,5 % qui pèsent sur les engrais (hors Russie et Belarus) ainsi que la suspension des droits antidumping (40 €/t) contre Trinidad-et-Tobago et les États-Unis. Il demande aussi le report à juillet 2026 de l’application des sanctions à l’encontre des engrais russes. La mise en place de ces taxes contre les engrais russes reste à ce stade incertaine. Mi-mars, les États membres ont validé la proposition de la Commission européenne. C’est à présent au Parlement européen de valider sa position (probablement en mai) avant que ne soient entamées des négociations interinstitutionnelles afin de parvenir à un compromis.
Garder un œil sur l’urée chinoise
Autre élément à même de jouer à la hausse ou à la baisse sur le prix des engrais, la présence de l’urée d’origine chinoise sur le marché. « La Chine est le plus gros producteur d’urée au monde, principalement pour son marché intérieur, mais c’est à surveiller car s’ils décident d’écouler une partie de leur production sur le marché mondial, cela pourrait faire baisser les prix fortement », indique Arnaud Ponset.