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Une alimentation compacte pour éviter tout tri de la ration des jeunes bovins

Au Gaec des Puits dans le Maine-et-Loire, de l’eau est ajoutée dans la ration complète des jeunes bovins, depuis deux ans. Ce concept venu du Danemark vise à éviter le comportement de tri alimentaire. Les animaux sont très calmes et performent.

Au Gaec des Puits, à Puy-Saint-Bonnet dans le Maine-et-Loire, ce sont les vaches laitières qui ont été les premières à passer à l’alimentation compacte – compact feeding en anglais. Le frère de Claude Piet qui s’occupe d’elles a adopté cette technique en revenant d’un voyage d’études organisé sur ce thème par Terrena au Danemark. Au vu des résultats, Claude Piet a rapidement eu envie d’essayer pour ses 200 jeunes bovins par an (une cinquantaine de mâles limousins nés sur l’exploitation et des broutards limousins ou blonds achetés).

 

 

L’éleveur utilisait déjà une mélangeuse depuis quatre ans. « C’est très simple à mettre en œuvre. La ration est fabriquée de la même façon qu’avant, sauf que de l’eau est ajoutée avant de charger l’ensilage de maïs », explique-t-il. Le coût alimentaire de la ration est donc pratiquement inchangé. Claude Piet commence par charger les 50 kg bruts de paille, puis ajoute les 20 kg d’aliment complémentaire (magnésie-bicarbonate-levures), les 450 kg de correcteur azoté (persillé mg pro) puis les 300 kg de céréales. La seule précaution à prendre est de bien mettre en premier l’aliment contenant la magnésie dans le bol pour qu’elle se répartisse dans la paille et ne risque pas de prendre en masse avec l’eau. Pour calculer la quantité d’eau à ajouter, on part de la base d’un litre d’eau pour un kilo de concentrés. Dans cette ration par exemple, calculée pour des jeunes bovins de 450 à 500 kg vifs, avec 1,5 kg d’orge et 2,5 kg de persillé mg pro par animal, il fabrique une mélangeuse avec 750 kg de concentrés, et apporte environ 750 litres d’eau. « J’adapte au visuel la quantité d’eau en fonction des changements de la météo et de la teneur en MS du fourrage, explique Claude Piet. Il faut ajouter plus d’eau en hiver, contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori. » L’eau provient du puits de l’élevage et est ajoutée dans la mélangeuse avec un tuyau de diamètre 5 cm. Cela prend une quinzaine de minutes, pendant lesquelles l’éleveur fait autre chose. En général il paille une partie des jeunes bovins. Ensuite, il va charger le reste de l’ensilage de maïs, puis laisse tourner 15 à 20 minutes encore la mélangeuse quand tous les éléments sont incorporés.

Sur la base d’un litre d’eau pour un kilo de concentrés

« La ration distribuée est à 38 % MS, explique Mickaël Lelaure de Terrena. Il faut que l’auge reste sèche pour éviter toute fermentation qui réduirait l’appétence de la ration sur la fin de la période des 24 heures. » Le point important mis en avant par le conseiller pour réussir avec cette technique est de disposer d’un ensilage de maïs coupé le plus fin possible au moment de sa récolte, pour qu’il se fonde au mieux aux autres composants de la ration. Ici par exemple, de 15 à 16 mm, l’éleveur est passé à des brins de 8 à 10 mm. Il a demandé à son entreprise de hacher le plus court possible.

La ration est nettement moins volumineuse dans les auges qu’auparavant. « Le plus net changement est que les jeunes bovins sont plus calmes, et passent plus de temps couchés, observe Claude Piet. Ils ingèrent plus qu’avant aussi. Pour les performances et leur santé, à mon avis c’est mieux, mais c’était déjà pas trop mal avant. » Les croissances moyennes ont été de 1 580 g/j sur l’année 2019 (poids moyen d’abattage : 480 kg C).

Les animaux mangent sans lever la tête

« Les jeunes bovins ne se lèvent pas tous à l’arrivée de la mélangeuse (sauf les petits nouveaux quand même) et ils viennent manger à tour de rôle quand ça leur plaît. Ils ont compris que la ration était la même pour tous et à tout moment sur les 24 heures entre deux distributions. Ils mangent en partie la nuit. » L’éleveur a aussi constaté que les jeunes bovins mangent sans relever la tête ni pousser avec le nez, en faisant chacun son petit trou dans le cordon de la ration. Il repousse cependant la ration une fois par jour. Il n’y a pratiquement pas de refus. Claude Piet ne les retire qu’une seule fois par semaine.

L’alimentation compacte allonge le temps de fabrication de la mélangeuse — chez Claude Piet, il n’y a cependant pas de temps de perdu car il fait une autre tâche entre deux — et donc occasionne un léger surcoût de carburant. Elle sollicite aussi davantage la mélangeuse. Ceci étant à mettre en balance avec le bénéfice sur les performances et le niveau de santé des jeunes bovins. Claude Piet est en tout cas convaincu de l’intérêt de cette pratique.

Avis d’expert - Mickaël Lelaure de Terrena

"Des fourrages hachés le plus court possible"

"L’alimentation compacte est très répandue en élevage laitier au Danemark. La différence par rapport à nos élevages est que les Danois travaillent avec des concentrés sous forme de pellets (gros bouchons) qui se dissolvent beaucoup moins rapidement dans l’eau que nos granulés et particules fines. Chez eux, il y a plus de travail de préparation et les mélangeuses tournent plus longtemps, d’où un surcoût plus significatif qu’ici.

L’alimentation compacte peut être fabriquée avec tout type de mélangeuse. Il faut disposer de fourrages coupés le plus court possible (on peut descendre à 6 mm pour le maïs) pour plus de compacité. Le fait que la ration est compacte réduit la quantité d’air avalée par les animaux, et les bactéries anaérobies du rumen s’en portent bien mieux. Le pouvoir rédox dans le rumen est plus faible et son efficacité est améliorée. Cela favorise en même temps les quantités ingérées.

On vérifie que le concentré est bien réparti sur les brins de fourrage, et ne constitue pas de 'boulettes' qui seraient très acidogènes. Certains éleveurs ont installé une cuve en hauteur pour stocker l’eau d’avance dans le but de gagner du temps. Il ne faut cependant pas la verser trop vite non plus, pour arriver plus facilement à une ration homogène.

Il est tout à fait envisageable de fabriquer une ration compacte pour jeunes bovins avec 30 % d’ensilage d’herbe. Cette technique se justifie pour les animaux à besoins alimentaires élevés comme les vaches laitières et les jeunes bovins, mais n’a pas d’intérêt en vaches allaitantes."

 

Viser un taux de 34 à 38 % de NDF dans la ration

« Aujourd’hui en nutrition des bovins, la notion de fibrosité physique de la ration est abandonnée », rappelle Mickaël Lelaure de Terrena. On considère uniquement la fibrosité chimique à travers le critère NDF (Neutral detergent fiber), exprimé en pourcentage de la matière sèche ingérée, qui correspond à la teneur en parois végétales (cellulose, hemicellulose et lignine). Pour garantir aux animaux un apport suffisant en fibres, on vise un taux de NDF de la ration compris entre 34 et 38 %.

« Au Danemark, une étude scientifique de la motricité du rumen et du pH dans le rumen n’a pas montré de différence entre une ration 'à effet grattant' comme on disait, et une ration très fine, à partir du moment où on respecte les recommandations pour le critère NDF » rapporte Mickaël Lelaure.

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