Chez Vincent Caillard en Ille-et-Vilaine
'L'exploitation' Un système simplifié et cohérent autour du label rouge
L’élevage de Vincent Caillard de Blondes d’Aquitaine frôle les 2 UGB/ha. Installé seul, son père retraité l’aide. L’éleveur a mis en place un système très herbager avec achat de matières premières pour l’engraissement. Plus de 80 % des femelles passent en filière label rouge.
L’élevage de Vincent Caillard de Blondes d’Aquitaine frôle les 2 UGB/ha. Installé seul, son père retraité l’aide. L’éleveur a mis en place un système très herbager avec achat de matières premières pour l’engraissement. Plus de 80 % des femelles passent en filière label rouge.
Vincent Caillard est installé à Sens-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine, entre Rennes et Le Mont-Saint-Michel. Le troupeau de Blondes d’Aquitaine a été créé pour son installation en 1991, à partir d’achats de génisses dans le Sud-Ouest. Le parcellaire a l’avantage d’être très bien groupé, avec toutes les prairies accessibles aux vaches dans un rayon d’un kilomètre, et même un îlot de trente hectares autour des bâtiments sans route à traverser. « C’est idéal pour un système herbager », observe Vincent Caillard.
D’ailleurs, sur les 100 hectares de SAU, seulement 10 hectares sont revouvelés pour produire deux méteils avec un couvert estival intercalé entre eux (lire plus loin). Sur les 90 hectares en prairies, Vincent Caillard sème depuis une quinzaine d’années uniquement des prairies multiespèces. Il dispose de sols à potentiel moyen, qui pourraient très bien donner un bon maïs, mais il a choisi de ne pas en produire. Seulement huit hectares ne sont pas pâturés car pas facilement accessibles. « Je pratique 'un pâturage dynamique light', avec des paddocks d’environ un hectare et un changement tous les trois ou quatre jours », explique Vincent Caillard. Le système fourrager est entièrement basé sur l’ensilage d’herbe : 80 à 100 hectares sont récoltés chaque année. Aucun engrais minéral n’est apporté sur prairies, mais toutes les parcelles reçoivent 20 à 25 tonnes de fumier et un amendement calcique (solution minérale globale). Aucune botte de foin n’est réalisée, et Vincent Caillard ne possède pas en propre le matériel de fenaison. L’enrubannage n’est utilisé que très ponctuellement, en gros quand les silos sont pleins. L’éleveur fauche et confectionne le silo. C’est une entreprise qui réalise l’andainage et la récolte à l’autochargeuse.
Une fabrication à la ferme de l’aliment
Car Vincent Caillard travaille seul, avec cependant l’aide précieuse de son père retraité, et son système est très chargé, frôlant les 2 UGB/Ha SFP. Le maître mot dans ses choix est donc la simplification. C’est aussi en partie pour cette raison que les vêlages ne sont pas groupés. Ils se répartissent sur l’année, en évitant cependant les mois de décembre à février pour limiter la pression sanitaire en bâtiment, et avec une vague de vêlages au printemps et une seconde à l’automne. L’éleveur a aménagé dans un ancien bâtiment cinq cases de vêlage et un box équipé de la contention pour pouvoir intervenir seul dans les meilleures conditions possible au moment des vêlages. Vincent Caillard utilise un détecteur de vêlages pour toutes les génisses, mais pas pour toutes les vaches. Sur les dernières années, 80 % des vêlages se sont déroulés sans aide. Cinq taureaux, choisis de type mixte, assurent la reproduction. « Le travail autour des naissances est réparti dans l’année. Cela permet de sortir des femelles de boucherie de façon régulière, conformément à la demande de la filière. Et la régularité de la trésorerie facilite l’achat des matières premières pour fabriquer l’aliment à la ferme. »
Vincent Caillard est en effet équipé d’une fabrique à la ferme d’aliment (FAF), qui avait été construite quand il était en Gaec avec deux autres éleveurs. La FAF servait alors aussi pour les ateliers lait et porcs. Depuis 2012, elle ne sert plus qu’à moitié de sa capacité. Vincent Caillard achète chaque année du maïs grain à un céréalier, qu’il fait sécher par un voisin équipé d’un séchoir. Pour le tourteau de colza, il passe des contrats ou bien l’achète au cours du jour. « Il m’est arrivé quelquefois de faire de mauvais choix, mais ça fonctionne quand même. » La luzerne déshydratée et la pulpe sèche de betterave sont achetées par 30 tonnes chez un négoce de la Marne, au rythme des opportunités. L’orge vient de chez des voisins. Même s’il est très bien équipé, pour simplifier là aussi le travail, Vincent Caillard fabrique seulement trois concentrés. L’un est destiné aux jeunes bovins en croissance, l’autre aux jeunes bovins en finition, et le troisième aux vaches à l’engraissement. Une mélangeuse est utilisée depuis une vingtaine d’années. Les rations sont distribuées à volonté, deux fois par semaine pour les jeunes bovins et tous les jours pour les femelles. « Je pilote les rations en fonction de l’avancée des stocks et de l’aspect des bouses. »
Environ 40 femelles par an en filière label rouge
Pour les vaches en finition, le concentré est mis à disposition dans un nourrisseur et elles se servent dans la paille stockée derrière leur case. Le concentré des vaches en finition est composé de 23 % de maïs grain, 22 % de luzerne déshydratée, 23 % de tourteau de colza, 15 % de pulpe de betterave déshydratée, 15 % de lin extrudé et 2 % de minéraux. « Il est très riche, avec 20 % de MAT. Je pourrai mettre moins de lin extrudé dans la ration pour atteindre le niveau recherché d’oméga 3 dans la viande, mais je suis convaincu depuis longtemps de l’intérêt nutritionnel du lin pour les animaux. » Vincent Caillard commercialise ses femelles en filière label rouge Blonde d’Aquitaine du Grand Ouest, qui adhère à la charte Bleu Blanc Cœur et garantit le niveau d’oméga 3 dans la viande. Vincent Caillard fait vêler toutes ses génisses, et une bonne partie d’entre elles, celles qui ne conviennent pas, partent en finition après sevrage de leur premier veau. Les veaux des vaches destinées à l’engraissement sont sevrés à l’âge de cinq mois (au lieu de huit à neuf mois pour les autres). Les vaches diagnostiquées vides à l’échographie entrent aussi en finition. La finition dure quatre mois. « Je vise pour toutes les vaches une sortie avant l’âge de sept ans, pour donner des carcasses qui correspondent bien à la demande de la filière, même si le cahier des charges du label admet les vaches jusqu’à l’âge de 10 ans. L’objectif est 500 kilos de carcasse, et pas 600 kilos, explique l’éleveur. Cela n’empêche pas que les vaches 'extras' vieillissent jusqu’à 15 ans. » Depuis 1994, Vincent Caillard vend au minium 40 femelles, soit plus de 80 % de ses réformes, dans la filière label tous les ans. Il engraisse aussi tous les mâles. Pour eux, il dispose d’un débouché spécifique pour des animaux lourds. Les jeunes bovins sont abattus à 550 kilos de carcasse, en moyenne à l’âge de 22 mois. L’engraissement est conduit en deux phases : une phase « croissance » et une phase « finition ».
Un projet de Gaec à deux pour 2020
Vincent Caillard achète environ 600 tonnes de paille par an, pour la litière et l’alimentation du troupeau. L’an dernier, c’est la première fois que cela lui a posé problème à cause des cours et du manque de disponibilités. La Bretagne n’est plus épargnée par les changements climatiques. « Je n’en ai acheté que 500 tonnes, et on va faire avec. » L’éleveur va créer en 2020 un Gaec avec un voisin qui arrête le lait, et ils cultiveront une vingtaine d’hectares de céréales. « On travaillera à deux sur le troupeau de Blondes, en montant l’effectif de vaches à 180. Avec les surfaces que j’ai aujourd’hui, plus 80 hectares, on va diminuer le chargement et il sera beaucoup plus facile de s’absenter de l’exploitation », explique-t-il. La femme de Vincent Caillard travaille à l’extérieur, son père approche les 80 ans, et créer un Gaec est la solution qui lui convient le mieux pour organiser son travail et adapter son système. Vincent Caillard vient par ailleurs d’être élu président d’Elvea Bretagne. « Nous allons nous concentrer sur la recherche de débouchés de proximité pour les catégories d’animaux de toutes races qui ne sont aujourd’hui pas bien valorisés, comme celles qui ne passent pas en label. »
90 hectares de prairies ensilés et pâturés
Chiffres clé
Avis d’expert Frédéric Guy, chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine
« Une productivité du travail deux fois plus importante »
"La productivité du troupeau est très bonne. L’IVV moyen est autour de 380 jours, ce qui est honorable sur 150 vêlages en race Blonde d’Aquitaine, avec des vêlages étalés. La mortalité des veaux est maîtrisée. Elle est conforme à la moyenne de la race alors que le nombre de vêlages est important. Vincent Caillard achète beaucoup plus de concentrés que les autres élevages du groupe « coût de production » animé par la chambre d’agriculture, mais la somme des appros n’est pas plus importante au total. Car il suit sa logique jusqu’au bout : tout ce qui a pu être délégué l’a été, et il ne possède que très peu de matériel (une mélangeuse, un tracteur et un télescopique). Ce qui distingue son système est le volume d’animaux produit ramené à l’unité de main-d’œuvre : la production de viande vive est, selon les années, entre 90 et 100 tonnes par an, contre 50 à 60 tonnes par unité de main-d’œuvre en moyenne pour les autres élevages du groupe. Le coût de production est en phase avec le produit dégagé, et cet élevage fait partie de ceux qui dégagent le plus d’efficacité économique dans le groupe. Sa seule limite est la dépendance aux marchés des céréales et de la paille. Jusqu’à l’an dernier, l’approvisionnement en paille n’était pas un problème en Bretagne."
Deux méteils se suivent, avec un couvert estival entre les deux
Depuis deux ans, Vincent Caillard cultive 10 hectares de méteil ensilage chaque année. À l’automne, sont semés pour un premier méteil 20 kg de pois fourrager, 20 kg d’avoine, 60 kg de triticale et 40 kg de féverole par hectare. Ce mélange est ensilé en juin, en donnant autour de 12 t MS/ha. Vincent Caillard met alors en place sur cette parcelle un mélange de 25 kg de trèfle d’Alexandrie et 25 kg de moha, qui est soit pâturé si l’été est sec, soit ensilé. Ensuite, en fin d’été, c’est une prairie sous couvert de méteil qui est semée dans cette même parcelle. L’ensemble est ensilé immature, fin avril. Ce deuxième méteil est composé de 20 kg d’avoine, 75 kg de triticale, 10 kg de vesce, et 30 kg de pois. La prairie est semée en un second passage. C’est une multiespèce à base de, selon le caractère plus ou moins séchant de la parcelle, soit 10 kg de RG et 5 kg de dactyle, soit 5 kg de RG et 10 kg de dactyle, accompagnés de fétuque élevée, de fétuque des prés, de fléole, de deux trèfles blancs et d’un trèfle violet. « Toutes mes prairies sont implantées de cette façon et renouvelées tous les sept ou huit ans, voire avant si elles se sont dégradées. »