Revenus en élevage bovins viande : une année 2024 favorable aux systèmes spécialisés
En 2024, les exploitations spécialisées, notamment herbagères, ont vu leurs revenus progresser, alors que les systèmes avec cultures ont été pénalisés par les rendements et le prix des céréales.
En 2024, les exploitations spécialisées, notamment herbagères, ont vu leurs revenus progresser, alors que les systèmes avec cultures ont été pénalisés par les rendements et le prix des céréales.

« En 2024, selon les résultats des réseaux Inosys, l’évolution du revenu des exploitations de bovins viande a été disparate », constate Mylène Berruyer, du service Économie des exploitations d’Idele. Le manque d’offre sur le marché européen a permis le maintien de cours élevés du gras et la hausse des cours du maigre, notamment au 2e semestre.

Des postes de charges ont diminué, comme les engrais, aliments, carburants. La météo très pluvieuse a, par contre, réduit les rendements des cultures, avec en parallèle une baisse des prix des céréales, et compliqué le pâturage et la récolte de l’herbe. La MHE et les FCO 8, 4 et 3 ont eu des impacts à l’automne, avec des mortalités de vaches, des retards de croissance, moins de ventes, plus de frais vétérinaires et un recul marqué des naissances. Enfin, les charges de structure ont augmenté, notamment les assurances, les charges sociales, après des années favorables, et les travaux par tiers, les entreprises ayant revu leurs tarifs face aux temps de travaux et frais d’entretien plus élevés.
Un revenu en hausse chez les spécialisés
Les élevages spécialisés, qui ont moins subi la baisse des rendements et des prix des céréales et bénéficié du repli des prix des intrants, ont davantage profité des cours porteurs, notamment les plus herbagers. Les problèmes sanitaires ont pu affecter les performances, en particulier dans le Grand Est et le Sud-Ouest. La météo pluvieuse a aussi entraîné des surcoûts de récolte et une qualité de fourrages hétérogène nécessitant parfois une complémentation (Nord-Est, bassin Charolais…).
Les frais sanitaires liés aux protocoles FCO et MHE obligatoires pour exporter les broutards ont également impacté les naisseurs. Mais globalement, le revenu des élevages spécialisés a progressé. Le revenu des naisseurs de montagne et pastoraux ou herbagers serait en progression, avec respectivement 26 000 €/UMO exploitant et 33 600 €/UMO. Le revenu des naisseurs-engraisseurs de jeunes bovins atteindrait 30 600 €/UMO. Pour les spécialisés non herbagers, le revenu progresserait un peu, mais serait sous les 20 000 €/UMO. De même, la situation des naisseurs-engraisseurs de veaux sous la mère reste tendue. Le revenu progresse de 13 % grâce à l’amélioration des cours, mais est inférieur à 14 000 €/UMO. « Un revenu faible face au temps de travail nécessaire », note Mylène Berruyer.
Baisse du revenu des polyculteurs-éleveurs en 2024
Pour les systèmes avec cultures, la baisse des rendements (jusqu’à -26 % en blé en Pays de la Loire) et des prix du blé (-8 %) ont réduit le produit culture, de 13-14 % en moyenne. Le repli des prix des engrais et carburants a compensé en partie la baisse, mais avec une hausse des charges de structure. Malgré des cours porteurs en maigre et en gras, le revenu des naisseurs et cultures serait ainsi de moins de 16 000 €/UMO en 2024 et celui des naisseurs-engraisseurs avec cultures de 24 000 €/UMO. « En 2022 toutefois, les naisseurs-engraisseurs avec cultures avaient dégagé 103 600 €/UMO, contre 41 900 €/UMO pour les naisseurs-engraisseurs spécialisés, note Mylène Berruyer. Et sur dix ans, de 2014 à 2024, les naisseurs-engraisseurs avec cultures ont dégagé 33 300 €/UMO et 27 500 €/UMO pour les naisseurs avec cultures, contre 24 000 €/UMO pour les naisseurs spécialisés. La complémentarité entre productions permet d’amortir les aléas. »

Technicité et maîtrise des charges
Des écarts existent toutefois au sein des systèmes. Chez les naisseurs, le revenu varie selon la période de vente des broutards, la hausse des cours s’étant poursuivie en 2024 et s’étant accentuée sur le 2e semestre. Des différences sont aussi notées selon la maîtrise des charges et la technicité, en particulier quand l’élevage n’est pas le principal atelier. « Il y a toujours des écarts de revenu dans chaque système, avec sur certains élevages des problèmes récurrents de taux de gestation, mortalité, animaux plus légers, classement… et donc une productivité moindre qui creuse les écarts quand les animaux se vendent cher », note Étienne Falentin, de la chambre d’agriculture de l’Aisne. Enfin, des écarts apparaissent selon le contexte de l’élevage et sa capacité d’anticipation. « Ces dernières années, les élevages ont connu beaucoup de chocs climatiques, sanitaires, conjoncturels, note Joël Martin, de la chambre d’agriculture des Ardennes. Tous ne sont pas impactés au même niveau et tous n’ont pas la même capacité à réagir à ces chocs et surtout à les anticiper. »

Des situations contrastées selon les régions
L’évolution du revenu est donc variable selon les régions. Dans le Massif central, qui concentre des naisseurs spécialisés de montagne et herbagers, l’année 2024 a été satisfaisante. « Ces systèmes atteignent depuis trois ans des revenus jamais connus dans la décennie », note Mylène Berruyer. Dans le Grand Ouest et le Limousin, où il y a beaucoup de naisseurs-engraisseurs spécialisés, le revenu moyen progresse de 15 %.
En zone de polyculture-élevage, dans le quart nord-est du pays, le Poitou, l’Occitanie, les situations sont plus contrastées. « Les spécialisés sont confortés en 2024, constate Joël Martin de la chambre d’agriculture des Ardennes. La FCO, qui a entraîné des mortalités de veaux élevés à l’automne, inquiète toutefois fortement. Et les polyculteurs-éleveurs sont très pénalisés par la baisse des prix et surtout des rendements. » Dans les Hauts-de-France, très axé polyculture-élevage, avec la betterave, la pomme de terre, le lin, les résultats sont hétérogènes selon les secteurs, mais inférieurs aux moyennes historiques. « La part du revenu liée à l’élevage est plus élevée en 2024, même si beaucoup de naissances y ont lieu à l’automne et que les naisseurs ont donc moins bénéficié de la hausse des cours, constate Maximin Bonnet, d’Idele. 2024 prouve que l’élevage permet de tamponner les variations liées aux cultures. »
Dans le Sud-Ouest, les élevages touchés par la MHE en 2023 accusent une baisse des naissances et des veaux vendus en 2024. Mais les polyculteurs-éleveurs d’Occitanie ont été moins impactés par la météo que les autres régions. « L’embellie des prix en blonde d’Aquitaine, broutards notamment, a permis une progression significative du produit de l’atelier viande qui compense l’année culturale moyenne », note Aurélie Blachon, d’Idele. Les naisseurs des Pyrénées, qui ont bénéficié de la hausse des cours, mais ont eu des surcoûts de récolte des fourrages et des frais vétérinaires et pertes liés à la MHE et la FCO-8, ont un revenu stable. Chez les naisseurs-engraisseurs de Veau d’Aveyron et du Ségala, malgré la hausse des prix des veaux (+8 %), les surcoûts de récolte pénalisent le revenu qui reste à l’équilibre.
Revenus en baisse en bio
En bio, les revenus seraient en baisse en 2024. Les élevages sont impactés par la baisse des rendements et des prix des cultures. Le produit bovin viande progresse de 3 %, grâce à la hausse des prix du gras (+1 %) et des veaux (+10 %), mais ne compense pas la baisse des aides et du produit cultures. En 2024, le maintien exceptionnel en Pays de la Loire, Bretagne, Grand Est, Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine de l’aide au maintien via les aides régionales limiterait la baisse du produit. Ces systèmes étant très autonomes, la baisse des charges opérationnelles ne compense pas la hausse des charges de structure. Le revenu des naisseurs bio, à près de 30 000 €/UMO, est proche de celui des naisseurs herbagers conventionnels. Et celui des naisseurs-engraisseurs bio ne dépasse pas 18 000 €/UMO.