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À l’EARL de la Turgisière dans la Manche
Un système cohérent techniquement et économiquement

Parti de zéro dans les années 1990, Vincent Leclerc a su bâtir un système efficace tant sur la gestion de l’herbe que sur la conduite de son troupeau charolais.

« En 1990, lorsque je me suis lancé dans l’élevage, il n’y avait qu’un bâtiment en pierres sur le site et j’avais une cinquantaine de bêtes principalement croisées. Cette activité ne me suffisant pas pour vivre, j’ai dû la compléter », explique Vincent Leclerc, à la tête aujourd’hui d’un troupeau charolais, inscrit pour moitié au herd-book. Étant le premier dans la Manche à acheter une enrubanneuse, l’exploitant a pu développer une activité de prestations de services. « Je suis monté jusqu’à 8 000 balles pendant la saison de récolte ! »

Vincent Leclerc s’est en parallèle recentré au fur et à mesure sur sa ferme pour démarrer réellement avec un troupeau charolais en 1994. Année où il a également adhéré à l’association des éleveurs de Charolais de la Manche dont il est aujourd’hui président. « J’ai acheté quelques génisses charolaises puis augmenté mon troupeau par croît interne pour atteindre un rythme de croisière il y a dix ans. » La taille du cheptel a toutefois progressé, il y a trois ans, suite à la reprise de 14 hectares supplémentaires, puis à nouveau ces deux dernières années pour compenser la perte de 15 000 euros d’aides PAC.

La conduite du troupeau est calée selon la gestion de l’herbe et du parcellaire, de manière à ce que les animaux disposent d’une herbe jeune. « Selon la production de chaque parcelle, je sais où rediriger chaque catégorie de bêtes. » L’éleveur dispose d’un îlot de 70 hectares d’herbe accessibles pour le pâturage autour des bâtiments d’élevage, de trois îlots de 3 à 5 ha à quelques kilomètres, de 14 ha à 3 km et de 27 ha de prairies à 30 km.

Deux périodes de vêlages pour étaler les sorties

Les vêlages sont répartis sur deux périodes pour étaler les ventes et fournir un débouché en circuit court (vente à une boucherie traditionnelle). L’une se déroule du 15 septembre au 15 novembre, l’autre du 15 février au 15 mai.

Le troupeau est conduit principalement en monte naturelle. Une vingtaine d’inséminations sont effectuées lors des mises à la reproduction l’hiver. Dix à quinze inséminations sont réalisées sur des vaches au fort potentiel génétique, dix avec de la semence sexée mâle pour améliorer la ratio mâle/femelle de l’élevage et sur les femelles dont l’éleveur ne souhaite pas garder de descendance, en attendant la réforme. Presque toutes les génisses sont mises à la reproduction, le tri principal s’effectuant après le premier ou le second vêlage (pas de lait, mise-bas difficile…). Les génisses destinées à la viande sont toutes commercialisées directement auprès d'une boucherie traditionnelle.

Les vêlages d’automne ont lieu au pâturage sur des parcelles autour des bâtiments, « pour les surveiller, souligne l'éleveur. Je veille à ce qu’elles ne soient pas trop en état pour la mise-bas. Les bêtes disposent par ailleurs d’un bloc à lécher. Après vêlage, les mères intègrent un pré avec de belles repousses. Les soins des veaux sont effectués à ce moment-là (intranasal, bague…). Les lots de vaches sont formés selon le sexe des veaux. Une fois les lots reconstitués, ces derniers sont vaccinés pour les infections respiratoires avec rappel un mois après ».

Un déprimage précoce

Les animaux restent à l’herbe jusqu’au 10 décembre si les conditions climatiques le permettent. Les mères ont alors une ration composée pour deux tiers d’ensilage d’herbe, un tiers d’ensilage de maïs, de foin à volonté et de minéraux. Les gestantes bénéficient de foin ou d’enrubannage. « Quarante bêtes passent l’hiver dehors : quinze vaches en vêlages de printemps, les futures génisses bouchères (jumelles, problèmes d’aplombs), les vaches de concours. Les parcelles disposent d’une aire stabilisée au niveau des râteliers pour éviter le matraquage et sont ainsi déprimées », précise Vincent Leclerc.

Les veaux mâles des vêlages d’automne sont sevrés début mai. Ils ne ressortent pas jusqu’à la vente deux à trois semaines plus tard. Les femelles sont mises à l’herbe mi-mai. Les veaux d’automne sont tous complémentés. Les lots de vaches suitées de femelles sont mis à l’herbe mi-avril. Les petites femelles seront alors plus complémentées. Les parcelles avec de l’herbe leur seront réservées. Les vaches taries de veaux mâles y passeront ensuite. Les vaches qui ont mis bas au printemps sont éloignées sur les parcelles au fur et à mesure des vêlages et de la constitution des lots selon les sexes. Les vaches et génisses destinées au circuit court sont emmenées sur l’îlot de 14 hectares. « Quand je les recharge, c’est pour les emmener à l’abattoir à sept kilomètres. Toutes les génisses partent en trois lots (génisses de 1 an, 18 mois et 24 mois) sur la ferme à trente kilomètres. Une fois les saillies faites, les génisses sont resserrées sur les parcelles et une fauche est effectuée », explique l'éleveur.

Des broutards lourds et des légers

Les broutards mâles nés au printemps sont sevrés en deux vagues. Les plus gros fin septembre-début octobre. Les autres en décembre. Les broutards nés à l’automne sont commercialisés légers (320 kilos), ceux de printemps le sont en lourds (350-360 kilos) chez un engraisseur du département. Pour chaque période de vêlages, environ cinq mâles sont vendus pour la reproduction.

Les génisses issues des vêlages de printemps sont sevrées mi-novembre. Elles rentrent en bâtiment et sont allotées en deux lots. L’un destiné à la reproduction et l’autre à la viande. « Les vaches ressortent ensuite sur les terres un peu plus éloignées de mon îlot de 70 hectares pour nettoyer les parcelles. Elles ont en complément un râtelier de foin. Ces vaches rentrent au 20 décembre sur des parcelles plus proches avec hangar. »

Maximiser l’herbe pâturée
Chiffres clés

En 2016

120 hectares dont 108 ha de prairies naturelles, 4 ha d’orge et 8 ha de maïs ensilage
110 vêlages, 375 jours d’IVV, taux de mortalité 9,5 %, vêlage à 32 mois
1,5 UGB/ha de SFP
1,4 UTH dont 0,4 salarié
1 400 g/j de GMQ pour les mâles, 1 200 g/j pour les femelles
Avis d'expert

Jean-Claude Dorenlor, conseiller système bovins viande à la chambre d’agriculture de la Manche

« Tous les leviers de maîtrise des coûts de production sont activés »

« Vincent Leclerc dispose aujourd’hui d’un élevage économiquement performant avec un niveau d’EBE sur produit élevé qui permet de le rémunérer et de créer un emploi à temps partiel. Il a activé tous les leviers de maîtrise des coûts de production (353 €/100 kgvv). Il a une conduite efficace de la prairie et profite du bon potentiel herbager de l'exploitation, un bon niveau génétique des animaux et une conduite du troupeau cohérente (IVV correct, deux périodes de vêlages), d’où de bons résultats. Il recherche de la valeur ajoutée avec la vente de reproducteurs et en circuit court (prix moyen de 2,37 €/kg vif vendu). Vincent Leclerc est à la tête d’un système cohérent techniquement, économiquement mais aussi environnementalement. »

Un débouché régulier et rémunérateur en circuit court

« Depuis une dizaine d’années, je commercialise une partie de ma production en circuit court auprès d’un boucher de la commune voisine, explique Vincent Leclerc. Je valorise ainsi mieux mes animaux et bénéficie d’un prix régulier sur l’année. Discuté au préalable, le prix ne bouge pas de l’année. » Une vingtaine de génisses et jeunes vaches sont ainsi vendues chaque année par ce biais. L’éleveur s’engage à fournir deux bêtes par mois, classées R+ U- de 430 à 480 kilos. « Je les emmène le lundi à l’abattoir de Coutances à sept kilomètres. Les femelles sont abattues aussitôt. C’est ensuite Socopa qui se charge de livrer les carcasses au boucher. Ce débouché me permet en moyenne d’obtenir une plus-value de 50 centimes le kilo. »

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