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Un dialogue constructif pour faire face aux critiques

La viande bovine suscite des interrogations chez certains de nos concitoyens. Les niveaux de consommation s’en ressentent. Après la problématique environnementale, les griefs portent désormais davantage sur le bien-être animal.

Les attaques sur la viande et l’élevage sont récurrentes. Loin de faiblir, elles ont eu tendance à monter en puissance ces derniers mois. Après les critiques sur les rots et les flatulences des ruminants, c’est désormais davantage le bien-être animal qui est visé. Des préoccupations soigneusement entretenues et attisées dans les médias puis sur les réseaux sociaux par certaines associations dont la volonté première semble être ni plus ni moins que de planifier la disparition des différents acteurs travaillant grâce à l’élevage et à la viande.

Les statistiques relatives aux niveaux de consommation de viande bovine s’affichaient à la baisse en 2016. Elles étaient estimées à - 1 % sur l’année par l’Institut de l’élevage. D’après le baromètre Kantar Worldpanel rapporté par Interbev, le niveau des achats par les ménages a l’an dernier été en recul de 1,4 % pour le bœuf frais et de 2,9 % pour le surgelé avec un phénomène de substitution entre les viandes piécées (- 2,8 %) et les viandes hachées (+ 0,6 %). La situation ne s’est pas améliorée au premier semestre 2017. « Sur la période de quatre semaines finissant le 11 juin 2017, les volumes de viande de bœuf achetés par les ménages ont enregistré une baisse significative : - 10 % par rapport à 2016 pour le total bœuf. La chute des achats de piécés (- 14 %) n’a pas été compensée par ceux de haché frais pur bœuf (- 5 %) », soulignait l’Institut de l’élevage dans son bulletin de conjoncture de juillet. Difficile de ne pas voir dans ces évolutions une relation de cause à effet avec le militantisme anti-viande et anti-élevage de ces derniers mois. Pour autant d’autres facteurs telles que les évolutions des habitudes de consommation, la perte de pouvoir d’achat de la plupart des Français ou bien encore d’autres données (canicule…) entrent également en ligne de compte pour expliquer ce recul.

Ces volets font partie des sujets de fond régulièrement abordés à l’interprofession. Se donner les moyens de répondre à ces remises en cause permanentes de la viande et des différents métiers qui lui sont liés est une problématique majeure. Elle a incité Interbev à mettre en place en 2015 la commission des enjeux sociétaux. Laquelle a la volonté de consolider les bonnes pratiques existantes et voir ce qu’il est possible d’améliorer. La nécessité d’avancer sur ces sujets s’est poursuivie par la mise en place du « Pacte pour un engagement sociétal ». Démarche officialisée lors du Salon international de l’agriculture. Son objectif ? Engager une réflexion de toute la filière élevage et viande autour d’un projet collectif et ouvrir des perspectives durables sur les sujets sociétaux, notamment l’environnement, la protection animale et la nutrition humaine. Au moment de sa mise en place, ce pacte a été présenté comme une démarche collective engagée sur le long terme et destinée à apporter une réponse aux attentes des citoyens en garantissant la pérennité de la filière viande et des différentes entreprises qui travaillent en son sein.

Apprendre à se parler

Fin juin, ces thématiques ont monopolisé l’essentiel des débats lors de la convention annuelle d’Interbev. À cette occasion, il a en particulier été souligné toute l’importance de mettre en place ou de rétablir le dialogue avec les autres acteurs de la société et plus globalement avec l’ensemble de la société civile. « Je suis convaincu que c’est par le dialogue que notre filière peut progresser et défendre les intérêts de nos métiers. À nous d’être en permanence force de proposition », soulignait Dominique Langlois président d’Interbev.

Ce travail avait été initié en 2015. La viande bovine était alors confrontée aux attaques mettant en cause les conditions de production de cet aliment et leur rôle supposé dans la dégradation de l’environnement, en particulier sur les émissions de méthane, de gaz carbonique et la consommation d’eau. La toute jeune commission des enjeux sociétaux d’Interbev avait alors établi des contacts avec plusieurs associations environnementalistes.

Avant ces premières rencontres, ces deux mondes avaient tendance à s’affronter par seule voie de presse interposée. « Nos relations étaient quasi conflictuelles. On avait l’impression d’être dans une impasse. La première nécessité était d’arriver à se parler pour mieux comprendre nos positions respectives », a rappelé Bruno Dufayet, éleveur de Salers dans le Cantal, président de la Fédération nationale bovine et de cette commission des enjeux sociétaux. Et ce dernier d’insister sur l’importance qu’ont eu différentes visites organisées sur le terrain dans des exploitations. Ces discussions « au cul des vaches » et à l’ombre des chênes et frênes du bocage ont favorisé le dialogue avec ces associations de protection de l’environnement. « Voir ce qui se passe sur le terrain a permis à leurs responsables de mieux comprendre comment travaillent les éleveurs. C’est ô combien plus constructif qu’une discussion en salle ! »

Trouver certains points d’entente

Lors de la dernière convention d’Interbev, Amandine Lebreton, directrice du pôle scientifique et technique de la Fondation pour la nature et l’homme (ex-Fondation Nicolas Hulot) et Bruno Dufayet, ont rappelé comment réunions et visites de terrain se sont succédées et comment elles ont permis de trouver des points d’entente. Ils ont également fait référence à la COP 21 qui a marqué une étape importante dans leur volonté d’agir ensemble. Trois axes de travail prioritaires ont été définis : renforcement de l’autonomie protéique des exploitions allaitantes, affinage des indicateurs de durabilité de l’élevage et identification des leviers sur lesquels il est possible d’agir pour lutter contre le changement climatique. Cela s’est traduit par la publication en février 2017 d’un document intitulé « Élevage bovin allaitant français et climat » (voir page ??). « Pas question pour autant de gommer et lisser certaines de nos divergences de points de vue », ajoutait pour autant Amandine Lebreton.

Savoir-faire et faire savoir

Au-delà de ce travail, la volonté d’Interbev est de continuer à faire connaître et reconnaître ce qui est déjà réalisé. « Si la filière recense de nombreux savoir-faire en matière de bonnes pratiques, il reste à mettre en action le faire-savoir », expliquait Dominique Langlois. Bruno Colin, président de la section bovine de Coop de France et membre du groupe de travail environnement de la commission enjeux sociétaux, a cité la Charte des bonnes pratiques d’élevage, l’outil de diagnostic environnemental Cap’2ER et le programme de réduction des émissions de gaz à effet de serre : Life Beef Carbon. Lequel vise à repérer les bonnes pratiques pour réduire les émissions de carbone dans les exploitations puis mettre en avant les plus vertueuses de façon à diminuer de 15 % le bilan carbone de la viande dans les élevages. Il a également fait état de la possibilité de produire de l’énergie sur les exploitations (photovoltaïque sur les toitures, biogaz) associé à la nécessité de faire reconnaître l’aptitude des prairies à être des puits à carbone.

Sur le volet de la protection animale, des guides de bonnes pratiques ont été mis en place. Ils constituent une solide base de connaissances en matière de respect de la protection animale. Fabienne Niger, membre du groupe de travail " bien-être animal ", a également rappelé les autres actions mises en place telles que la formation obligatoire des opérateurs manipulant des animaux en abattoir et la mise en place de cellules départementales pour détecter et aider les élevages en difficulté. « On attend que les professionnels de l’élevage et de la viande soient proactifs sur ces sujets. On attend aussi que des solutions émergent du terrain car ce sont souvent les mieux adaptées », ajoutait Laure Paget, adjointe à la cheffe de bureau de la protection animale à la Direction générale de l’alimentation.

À l’image de ce qui est en bonne voie avec les ONG œuvrant pour la défense de l’environnement, les professionnels de la viande et de l’élevage souhaitent désormais conforter le dialogue avec au moins une partie des différentes ONG dont l’objectif est la défense du bien-être animal. Et de citer le CIWF, Welfarm, l’OABA et LFDA avec lesquels les discussions sont engagées. « L’objectif n’est pas d’être d’accord sur tout, mais de créer les conditions favorables à un dialogue pour avancer sur ces sujets », précisait Bruno Dufayet.

Premier symbole d’une concertation réussie

Publiée en février dernier « Élevage bovin allaitant français et climat » est une publication issue d’une démarche de concertation réalisée entre Interbev et des ONG (1) de protection de l’environnement. Ce document, facile à trouver sur Internet, est aussi le symbole d’un travail de concertation réussi. Si le rôle clé des systèmes bovins allaitant pour l’utilisation des surfaces en herbe et leur valorisation est clairement reconnu et mis en avant, les systèmes d’engraissement intensifs sont eux pointés du doigt par les quatre ONG. « Un élevage autonome, lié au sol, valorisant l’herbe et son environnement naturel, et respectueux du bien-être animal, est un système qui répond aux objectifs prioritaires de FNE. L’élevage bovin allaitant peut s’inscrire dans un tel système sous réserve de résoudre les problèmes liés à l’aval de la filière. En effet, l’élevage allaitant envoie actuellement une bonne partie de ses jeunes animaux vers des exploitations d’engraissement entièrement déconnectées de l’herbe. C’est en transformant ces modes d’engraissement que l’élevage bovin allaitant pourra atteindre un niveau d’excellence », estimait Hervé L’Hostis, président de FNE lors de la rédaction de ce document.

Pour sa part, WWF France est persuadé que l’élevage allaitant français possède de réels atouts environnementaux en termes de maintien de la biodiversité, de stockage du carbone, ou encore de ses pratiques d’élevage, qu’il convient de préserver et valoriser. Cela passe en particulier par la nécessité de conforter la place de l’herbe y compris pour la finition. Les ONG souhaitent donc continuer d’échanger avec les professionnels de l’élevage et de la viande sur les pistes d’améliorations des pratiques d’engraissement actuelles et sur les possibilités de faire évoluer le contexte en développant le « bœuf à l’herbe » et les filières relatives à des animaux abattus autour de 8-12 mois. Cette classe d’âge se commercialise dans la plupart des pays européens et c’est une viande haut de gamme en Suisse.

Interbev souligne sur ce volet qu’il n’y a aucune preuve scientifique ou technique d’éventuelles dégradations des conditions de bien-être animal pour des jeunes bovins engraissés en bâtiment. Leur ration est équilibrée, adaptée aux territoires où se pratique l’engraissement, constituée de fourrages (maïs, luzerne, foin), de coproduits (pulpes, drêches, tourteaux…) et de céréales et protéagineux le plus souvent produits sur l’exploitation. Par ailleurs, l’interprofession rappelle que la présence d’ateliers d’engraissement en plaine apporte des bénéfices en termes de complémentarité élevage-culture (apport de matière organique, diversité des cultures, valorisation des coproduits…).

(1) Fondation pour la nature et l’homme (ex-Fondation Nicolas Hulot), France nature environnement, GreenCross France et territoires et le WWF.

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