Un atelier de 550 jeunes bovins rentable
Vincent et Hervé Douillard ont fait évoluer leur système d’engraisseur spécialisé de jeunes bovins vers davantage d’autonomie alimentaire. L’exploitation fonctionne en Cuma intégrale pour les cultures.
Vincent et Hervé Douillard ont fait évoluer leur système d’engraisseur spécialisé de jeunes bovins vers davantage d’autonomie alimentaire. L’exploitation fonctionne en Cuma intégrale pour les cultures.
En 2015, Vincent et Hervé Douillard, du Gaec L’Orée du Bois situé en Vendée ont fait profondément évoluer leur système d’élevage. Ils ont commencé à produire beaucoup plus de fourrages et ont recentré le système sur l’engraissement des jeunes bovins, au détriment de la vente de céréales. Le chargement du système a été divisé par deux. Il est passé de 6,44 UGB/ha SFP à moins de 3 UGB/ha SFP. Les deux frères utilisaient auparavant beaucoup de coproduits pour construire la ration, notamment du son de blé et de la pulpe de pommes de terre, mais le système n’a pas donné en pratique les résultats techniques escomptés. "La valorisation des coproduits posait question probablement à cause de la conservation des stocks et des temps de transition alimentaire pour les jeunes bovins, explique Vincent Douillard. On ne s’interdit pas pour autant de continuer à utiliser certains coproduits de temps en temps, comme de la farine de blé." Du sorgho, du maïs épi, du méteil seigle fourrager-féverole complètent désormais le maïs ensilage irrigué qui occupe 30 hectares.
Installés à Saint-Sulpice-le-Verdon, Vincent et Hervé Douillard disposent de 128 hectares dont 90 sont irrigables, et 60 sont irrigués chaque année. C’est le cas pour l’ensilage de maïs, dont le potentiel de rendement est ainsi de 17 tMS/ha et pour le maïs épi, qui donne 10,5 à 11 tMS/ha. "Notre réseau d’irrigation assure une bonne pression. On apporte en général 120 mm par an." Pour le maïs épi, les éleveurs optent pour des variétés de maïs grain et ne s’interdisent pas d’en ensiler une partie si besoin. Ils apprécient que le maïs épi facilite le pilotage du niveau énergétique de la ration, et que les volumes à transporter sont réduits.
Le sorgho sécurise la ration et les stocks
Vincent et Hervé Douillard panachent ce maïs avec du sorgho fourrager BMR dont ils sont très satisfaits. "Ce fourrage valorise très bien les 20 mm d’irrigation qu’il reçoit. Sa teneur en MAT est un peu plus élevée que celle du maïs ensilage, et on estime sa valeur énergétique pour notre ration à 0,95 UFV. Le sorgho apporte une énergie sous forme de sucres solubles, et non d’amidon, ce qui est sécurisant pour les jeunes bovins." Le rendement est d’environ 14 tMS/ha. Le sorgho est semé le 25 mai, à une densité de 150 000 pieds par hectare donc très en dessous des recommandations. "Le sorgho talle. Deux variétés sont semées dans la même parcelle : une à très fort potentiel de rendement, et l’autre plus petite qui fera un peu office de tuteur." Deux désherbages sont nécessaires.
Les éleveurs utilisent également un ensilage de féverole et seigle fourrager récolté à 20 % MS, qui a cette année donné un rendement de 3,8 tMS/ha. "Ce fourrage est un moyen de diversifier encore les sources d’énergie et d’azote dans la ration. Et comme nous travaillons sans labour, la féverole nous intéresse pour son effet structurant sur le sol."
Des croissances de 1 420 g et un coût alimentaire à 1,27 euro/jour
Les éleveurs n’achètent pour l’alimentation des jeunes bovins que des minéraux et un mélange composé à 70 % de tourteau de colza et 30 % de tourteau de soja. L’élevage en consomme 180 tonnes par an. Il est acheté à un négociant installé à trois kilomètres. "Nous allons le chercher avec la mélangeuse, et nous préparons notre mélange de concentrés par sept tonnes une fois tous les quinze jours". La moitié du blé cultivé est consommée par les jeunes bovins, le reste est vendu.
Deux rations sont confectionnées et distribuées chaque jour. La première est destinée aux animaux en croissance, de 350 à 550 ou 600 kilos de poids vif et apporte 0,92 UFV/kg MS avec 15,5 % de MAT. Elle se compose de 1,5 kg MS d’ensilage de méteil seigle et féverole, 5 kg MS d’ensilage de maïs, 1,5 kg MS d’ensilage de sorgho, 1,5 kg MS de maïs épi, 1,7 kg MS de mélange de tourteaux colza et soja, 50 g de minéraux, et 1 kg de céréales (blé ou orge ou farine de blé ou méteil grain féverole-sorgho). Pour la ration de finition, il est ajouté deux kilos de maïs épi ou de blé. Les éleveurs font un point avec un nutritionniste privé deux fois par an et pilotent entre-temps eux-mêmes la ration en fonction des observations qu’ils font (temps de rumination, aspect des bouses, niveau d’agitation des animaux), et sont attentifs en particulier quand il y a un changement de silo. Les éleveurs s’appuient beaucoup aussi pour évoluer sur leur réseau amical et les visites d’exploitation. "Les pesées sont réalisées au moins quatre fois par an sur cinquante animaux, mais elles mériteraient d’être plus fréquentes et faites sur plus d’animaux." Avec cette conduite alimentaire, les croissances s’établissent à 1 420 g/j de moyenne sur l’année dernière, sont régulières d’un lot à l’autre, et le coût alimentaire est faible, à 1,27 euro/j. "Nous n’observons pas de boiteries. Les animaux sont calmes et propres."
Vincent et Hervé Douillard portent leur choix sur des mâles charolais et limousins. L’idée est de faire entrer un lot de broutards dès qu’un lot de jeunes bovins sort, le taux de rotation de l’atelier s’établissant entre 1,1 et 1,2. Pour environ la moitié des broutards qu’ils achètent dans l’année, leur organisation de producteurs commerciale Bovinéo organise des livraisons en direct depuis le naisseur sans que les animaux n’aient été triés depuis leur sevrage. "On essaie aussi de repérer les cheptels qui donnent de bonnes croissances." L’autre moitié des animaux passent par le centre de tri et arrivent à un poids homogène, mais avec des origines qui peuvent être diverses. Ils passent trois semaines en quarantaine, avec une ration de transition composée au départ de 20 % du mélange "croissance" avec de la paille. "On les démarre assez vite, et en fonction de ce qu’ils ont déjà mangé avant d’arriver a priori selon leur département d’origine." Les petits nés en début d’année et rentrés à l’engraissement en novembre sont ceux qui déclarent le plus de maladies respiratoires, malgré la primovaccination en centre de tri ou à leur arrivée. Ceux rentrés au printemps ne posent pas de problèmes aux éleveurs. "Nous faisons plusieurs traitements pour les parasites externes au cours de l’engraissement, et nous surveillons l’eau de boisson qui provient d’un puits."
La moyenne des poids de sortie est de 440 kilos de carcasse. Les éleveurs bénéficient d’une avance de trésorerie de la part de l’organisation de producteurs pour acheter les broutards mais les animaux ne sont pas contractualisés. "Le débouché des jeunes bovins pâtit d’une certaine opacité et n’est pas maîtrisé par les éleveurs. C’est bien dommage car nous produisons de la viande de qualité", estime Vincent Douillard.
Parés pour faire face aux aléas du marché
En Cuma intégrale depuis 2011
En 2011, Vincent et Hervé Douillard ont vendu tous les tracteurs et sont passés en Cuma intégrale. "La Cuma intégrale possède l’ensemble de la chaîne de mécanisation, dont la traction, du travail du sol jusqu’à la récolte. On détient un tracteur de 100 chevaux sans cabine et le bol mélangeur de 12 m3." Les éleveurs ne font plus de mécanique et aimeraient bien encore plus de délégations pour les travaux des champs. Cela a participé à leur recentrage sur la technique de conduite des jeunes bovins. Sortir du bilan tout le parc matériel a permis surtout aux éleveurs d’investir en 2013 dans l’irrigation. La surface irrigable a été doublée. Un point fort pour l’exploitation pour faire face au dérèglement climatique. Cette organisation est aussi très favorable pour la transmissibilité future de l’exploitation.
Chiffres clés
Avis d’expert : Baptiste Cornette, référent ferme expérimentale des Établières, chambre d’agriculture des Pays de la Loire
Des résultats spectaculaires depuis deux ans
"Les systèmes engraisseurs spécialisés sont très sensibles sur le plan économique. En fonction de la conjoncture ou de la gestion des coûts alimentaires, ils peuvent dégager un fort EBE ou subir un lourd déficit. C’est bien sur ces points que l’exploitation de Vincent et Hervé Douillard est la plus intéressante. En deux ans, le disponible en Smic par unité de main-d’œuvre a été multiplié par 4. Cette révolution économique est passée avant tout par l’autonomie fourragère : augmentation du maïs ensilage, développement de mélanges de céréales et protéagineux avant maïs et de sorgho fourrager. La correction énergétique et protéique a été aussi optimisée économiquement. Ceci permet d’avoir des coûts alimentaires très faibles, de 1,2 euro par jour pour 1 450 g/j de GMQ en comparaison d’une ration "maïs soja blé" qui revient à 1,4 euro/j pour le même GMQ. L’économie à l’échelle de l’exploitation est de 40 000 euros en un an.
Cet élevage possède aussi trois forces : l’ouverture d’esprit des associés pour faire évoluer le système, l’astreinte de travail très maîtrisée et la mobilisation faible de capitaux. Enfin le bilan carbone est l’un des meilleurs du réseau Beef Carbon au niveau national grâce à la forte productivité des UGB dans ce type de système qui dilue les émissions de gaz à effet de serre."