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Sélection génétique : « J’utilise jusqu’à 40 taureaux d’IA dans mon plan d’accouplement »

Florent Méliand, situé dans le pays du Perche sarthois, mène un troupeau de deux cents mères limousines. Il s’appuie sur l’insémination animale pour servir ses ambitions : tout miser sur l’élevage allaitant et en vivre. La conduite de son troupeau « en bande » limite la part d’improductifs et lui garantit un certain confort de travail.

Sur l’exploitation familiale vieille de plus d’un siècle, les premières limousines arrivent en 1989. Elles viennent compléter un atelier porcin, jusqu’en 2000, et côtoient un troupeau de prim’Holstein jusqu’en 2016, année où la production laitière s’arrête en anticipation du départ à la retraite du père, Pierre. « Moi qui me prédestinais plutôt à un avenir laitier, j’ai finalement pris goût aux vaches allaitantes », sourit Florent Méliand, désormais seul aux manettes de la ferme Perche sélection.

Une conduite 100 % en IA depuis 1989

Le système évolue, mais les habitudes restent. Pour faciliter au mieux l’organisation de son travail, l’éleveur conduit son troupeau « en bande », avec un groupage des vêlages sur deux mois. Prérequis numéro un, une conduite 100 % en insémination animale (IA). La mise à la reproduction – comme toutes les autres tâches attenantes à l’élevage – est réglée comme du papier à musique. Dans sa cohorte de femelles, un premier tri s’opère : Florent Méliand évalue d’abord leur comportement, sur l’appui de tests de « docilité », puis leur morphologie. Toutes celles « non compatibles » à ses yeux sont écartées, ce qui représentait 17 génisses sur un total de 72 l’année dernière. Ensuite, « les femelles gardées sont accouplées de manière que les produits soient munis d’index commercialement intéressants », appuie Jean-Marc Cazillac, responsable du suivi du programme qualités maternelles de Créalim. Sur le papier, les futures reproductrices doivent démontrer un IVMat supérieur à 110 ainsi que des aptitudes en croissance et laitières positives. Au final, environ 175 mères sont retenues pour être inséminées et 25 autres sont « tentées comme porteuses d’embryons », à savoir les bonnes laitières qui produisent des veaux morphologiquement « en deçà de ce qu'on pourrait attendre d’elles ».

Un planning de mise à la reproduction ultra-rodé

Les inséminations débutent chaque année le dernier lundi d’octobre. Au début de la quatrième semaine, Florent Méliand fouille toutes celles non vues en chaleurs. « Je leur laisse encore sept jours pour exprimer leurs chaleurs avant de démarrer un traitement d’induction d’œstrus », rapporte-t-il. Ce dernier échographie lui-même toutes ses vaches entre 35 et 40 jours. Les femelles vides bénéficient d’une surveillance renforcée pour être réinséminées et toutes sont à nouveau vérifiées à 60 jours. Au 31 décembre, les inséminations s’arrêtent. Tant pis pour les retardataires, ce qui permet de trier aussi sur la fertilité.

<em class="placeholder">Florent Meliand, sélectionneur et éleveur de Limousines en système naisseur à Saint-Ulphace (Sarthe)</em>
Florent Méliand s'appuie sur le même tableau de reproduction qu'utilisait son père à la mise en place du contrôle laitier il y a 40 ans. En vert, figurent les premières IA, en bleu la pose d'embryons et en jaune, les retours en chaleur. © L. Pouchard

La transplantation embryonnaire en frais complète ce planning. Parmi les donneuses figurent les génisses les plus prometteuses âgées de 14 mois. « Elles sont prélevées avant de rejoindre le cycle des vêlages à deux ans. Sinon elles prennent le train des vêlages à trois ans », explique Florent Méliand. Sont également prélevées les vaches d’exception en fin de carrière. Les meilleures enchaînent trois à quatre collectes avant d’être réformées. « Je continue ainsi à exploiter leur potentiel génétique sans prendre le risque qu’elles fassent le veau de trop », soutient-il.

Sur la campagne 2023-2024, 154 veaux sont nés dont 30 % sont issus de primipares (dont un tiers en vêlage à 2 ans), entre août et octobre. L’IVV moyen est le même pour les primipares et les multipares : il s’établit à 368 jours, contre 385 jours pour la race. Le taux de mortalité entre 0 et 210 jours affiche 5,5 % en moyenne sur les quatre dernières campagnes.

« Ce cadrage des inséminations sur deux mois simplifie mon travail sur le reste de l’année. Je suis également assuré d’avoir des temps de respiration pour prendre des congés », ajoute Florent Méliand. L’IA s’est révélée comme un merveilleux outil de pilotage pour cet éleveur mordu de génétique. « Quand j’ai commencé à vendre mes premiers reproducteurs limousins en 2010, j’ai senti qu’il y avait un créneau à saisir avec la sécurité qu’apporte le cumul de génération de taureaux largement utilisés », se rappelle-t-il.

Des choix de taureaux raisonnés vache par vache

Le nombre de taureaux proposés à la vente monte graduellement pour arriver à un total d’une trentaine de mâles. Parmi ses têtes de lots, deux à trois veaux sont retenus à la station nationale de qualification de Lanaud tous les ans depuis 2015. « J’ai compris que pour satisfaire et fidéliser une clientèle, je devais aller chercher une génétique combinant sécurité et nouveauté », poursuit Florent Méliand. Pour disposer d’un panel de taureaux plus large, ce dernier se rapproche notamment de Créalim. Il utilise aussi des taureaux proposés par Innoval, Interlim, Gènes diffusion et d’autres structures plus petites. « J’utilise jusqu’à 40 taureaux d’IA dans mon plan d’accouplement. » Les arbitrages se raisonnent vache par vache. « Je ne cherche pas les têtes d’affiche, ce qui facilite l’accès à des doses. »

« Le fait d’utiliser des taureaux d’IA – dont 80 % sont éprouvés sur descendance – fiabilise davantage mes index », ajoute Florent Méliand. Pour aller plus vite dans la connaissance des lignées qu’il travaille, Florent Méliand fait génotyper depuis 2019 vingt-cinq à trente génisses par an. « Le génotypage m’aide à affiner les capacités à produire de mes femelles issues de nouveaux taureaux », explique l’éleveur.

« J’ai compris que pour satisfaire et fidéliser une clientèle, je devais aller chercher une génétique combinant sécurité et nouveauté », illustre Florent Méliand.

Florent Méliand fait aussi génotyper la moitié de ses mâles, dont certains sont mis en testage pour le schéma Créalim, d’autres chez Synetics pour des accouplements à but viande terminaux. L’éleveur pèse et mesure le tour de poitrine de tous ses veaux à la naissance. « Un mâle au format fin et assez coulant sera davantage indiqué sur génisses qu’un veau plus léger, mais en boule. » Il les passe ensuite à la bascule chaque mois et leur attribue des notes de pointage pour chaque poste qui sont affinées au fur et à mesure. « La plupart de mes clients cherchent des taureaux à facilités de naissance, dotés d’une morphologie correcte sans être démesurée et améliorateurs sur les critères économiques que sont la croissance et le lait », reprend Florent Méliand.

<em class="placeholder">Florent Meliand, sélectionneur et éleveur de Limousines en système naisseur à Saint-Ulphace (Sarthe)</em>
Florent Méliand a investi dans une cage avec bascule connectée. Tout le reste de la contention a été autoconstruit avec des barrières toutes réglables en largeur et habillées de panneaux OSB noirs. « Cent veaux sont pesés en 1 heure à deux », note-t-il. 
© L. Pouchard
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Stulphas (Oniwer sur Pandora) est un taureau né en 2021 et issu d'embryon. Ses premières filles rentreront à la station de Moussours en Corrèze au cours de l'été 2025. L'éleveur espère conserver la facilité de naissance du père (110) et apporter par la mère une morphologie mixte viande puissante, avec un meilleur remplissage des globes arrière notamment. © Crealim

Il complète ses ventes de reproducteurs par celles d’embryons. Ce dernier effectue deux à trois collectes par an depuis dix ans, dont la moitié des embryons est vendue en direct à des éleveurs à 500 euros l’unité ou bien 1 500 euros les quatre. « C’est par la transplantation embryonnaire que j’ai introduit le gène sans cornes dans mon troupeau », souligne l’éleveur, qui évalue aujourd’hui un taux d’absorption à 15 %. Florent Méliand estime les frais totaux annuels pour la pose d’embryons à 5 000 euros. « Je compte par ailleurs 10 000 euros d'investissement génétique dans l'IA, actes et produits compris », calcule l’éleveur, avant d’ajouter : « Je préfère avoir dix mères supplémentaires plutôt que d’investir dans dix taureaux en monte naturelle : leurs produits paient les IA de toutes les autres. »

 

<em class="placeholder">Jean-Marc Cazillac, responsable du suivi du programme qualités maternelles de Crealim</em>
Jean-Marc Cazillac, responsable du suivi du programme qualités maternelles de Créalim © DR

« Combiner progrès et variabilité génétiques sans prendre de risques »

« Florent Méliand fait partie des dix éleveurs en race limousine en France qui ont le plus recours à l’insémination. Ce dernier vise une productivité maximale sur une courte période de vêlages. Pour atteindre cet objectif, ce n’est pas l’orientation génétique par le choix des femelles de renouvellement qui pèse, mais celui du choix des pères. Les stratégies d’accouplement sont pensées vache par vache, son cheptel se caractérisant par une large variabilité à la fois morphologique et généalogique, qui se décline également dans la pyramide des âges. Pour se prémunir des effets contre-productifs sur la reproduction, nous défendons une approche très sécuritaire : les trois quarts des accouplements sont réalisés avec des taureaux éprouvés sur descendance, aux qualités maternelles irréprochables. Sur le dernier quart, Florent Méliand s’accorde une plus grande prise de risque avec l’utilisation de taureaux plus spéculatifs, qui lui permettent de développer une offre génétique variée pour satisfaire les différents pans de sa clientèle tout en préservant la capacité à produire de son cheptel. Pour preuve, l’IVMat moyen de l’ascendance paternelle s’élève à 116,2, contre 104,8 pour la race. L’évolution génétique de son troupeau est à l’abri de tout mauvais choix, quels que soient les résultats des accouplements sur nouveaux taureaux. Je compare sa stratégie à un investissement boursier : il ne fait pas fortune instantanément, mais jamais banqueroute. Du côté des femelles, l’IVMat moyen de l’ascendance maternelle est de 110,1 contre 98 pour la race. Florent Méliand mise par ailleurs sur la collecte d’embryons pour faire progresser le nombre de descendants femelles de ses meilleures souches et ainsi multiplier les animaux efficaces à l’échelle de son système. Même si le niveau génétique de son troupeau ne progressait plus, l’écart ne pourrait être compensé par la race à rythme égal que dans trois générations. C’est en ce sens que le cheptel de Florent Méliand est exceptionnel. »

Les broutards sont valorisés auprès du même engraisseur depuis six ans

Florent Méliand entretient un contrat oral depuis six ans avec un engraisseur situé en Mayenne pour la vente de ses broutards. « Nous nous accordons tout les ans pour qu’après sevrage, je démarre le lot à la future ration d’engraissement (ensilage de maïs ou enrubannage d’herbe suivant les années) », expose-t-il. À chaque fin de lot, l'éleveur récupère les résultats d'abattage. « C’est plus facile de voir ceux qui performent le mieux à conduite égale. » L'engraisseur a quant à lui accès à tout l’historique sanitaire. Les veaux reçoivent systématiquement à la naissance une combinaison injectable d’oligo-éléments. Au 1er novembre, ils sont vaccinés par voie intranasale contre RS et Pi3 et ont leur rappel un mois plus tard. Les broutards ont une nouvelle piqûre contre la grippe, sont tondus et vermifugés juste avant de partir pour l’engraissement. « Ils sont pesés dix jours avant leur départ. Nous estimons leur poids prévisionnel et nous nous accordons sur un prix en nous appuyant le jour J sur la cotation du marché de Châteaubriant pour la catégorie de plus de 350 kg U + », reprend Florent Méliand. Des rééquilibrages peuvent être effectués au bilan du lot, de sorte que les deux parties soient gagnantes.

Fiche élevage

  • 160 vêlages en race limousine ;
  • 180 ha de SAU dont 150 ha d’herbe et 30 ha de maïs ;
  • 60 vaches et génisses finies, dont la plupart sont valorisées en Label rouge. 50 à 60 mâles vendus en broutards, le reste gardé comme reproducteurs ;
  • 2,04 UMO dont un apprenti à mi-temps et un aide familial ;
  • 167 kWc : investissement en interne dans 850 m² de panneaux photovoltaïques
 

Les résultats économiques de la Ferme Perche Sélection Elevage Limousin Méliand

Marge brute totale du troupeau allaitant
 En euros
Produit total442 727
dont produit viande385 634
aides64 308
Charges opérationnelles totales133 208 (soit 30 % du PB)
Charges de structures (hors frais financiers et amortissements)157 586 (soit 36 % du PB)
Marge brute totale du troupeau allaitant258 453 € soit 
1 720 €/vache, 1 020 €/UGB 
et 1 526 €/ha SFP BV
Excédent brut d’exploitation151 933
Résultat courant48606
Approche comptable(1)
Coût de production 
(€/100 kg de viande vive)
432
Prix de revient 
(€/100 kg de viande vive)
364
Rémunération permise 
(€/100 kg de viande vive)
59
Rémunération permise 
nombre Smic/UMO
2,76

(1) Prise en compte des amortissements et rémunération de tous les facteurs de production (travail intégrant un revenu minimum équivalent à 2 Smic, capitaux propres et terres en propriété).         

Source : chambre d’agriculture de la Sarthe - Inosys Réseaux d’élevage

Ventes de l’année
CatégorieEffectifPoids moyenPrix moyen
Vaches de réforme46492 kgc/tête5,70 €/kgc
Génisses finies14454 kgc/tête6,00 €/kgc
Broutards âgés entre 7 et 9 mois53370 kgv/tête1 472 €/tête
Reproducteurs mâles de 24 mois27 3 562 €/tête
Reproducteurs femelles de 24 mois7 3 009 €/tête

Source : chambre d’agriculture de la Sarthe - Inosys Réseaux d’élevage

Ces résultats s’appuient sur l’exercice comptable du 01/07/23 au 30/06/24.

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