Viande ou soja
Situation inédite en Argentine
La meilleure rentabilité du soja OGM incite les Argentins à délaisser l’élevage bovin sur les meilleures terres. Le phénomène serait structurel.
La vocation de l’Argentine à être un gros exportateur de viande bovine est-elle durable à longue échéance ? Rien n’est garanti compte tenu des reconversions massives de l’utilisation des surfaces agricoles sur les parcelles les plus fertiles de la Pampa. Un comble alors même que ce pays a longtemps été qualifié de « grenier à viande » de la planète. « L’Argentine est actuellement confrontée à une situation étonnante ! », expliquait Jean-Luc Mériaux, secrétaire général de l’Union européenne du Commerce du bétail et de la viande qui s’exprimait à l’occasion du dernier congrès de la FNICGV. « Après plusieurs années où la production a fluctué à la hausse ou à la baisse dans des degrés très modestes, il y a eu un sursaut en 2009 sous l’effet probable d’une décapitalisation. Depuis, sur le début 2010 on assiste à un effondrement de la production. Il est même probable que le contingent d’exportation vers l’Union européenne (28 000 t de viande de haute qualité) soit en grande partie sous-utilisé cette année ! »
Décapitalisation
Cette situation inédite due à la contraction des disponibilités tendrait à être structurelle car très liée à l’explosion des surfaces cultivées en soja qui, ces dernières années, ont pris la place des surfaces fourragères et des bovins qui les valorisaient. Certes, certains troupeaux ont été mis en place sur des zones moins fertiles en périphérie des meilleures terres de la pampa et les dernières sècheresses ont aussi incité à la décapitalisation, mais le nombre de vaches « moules à veaux » disponibles serait très nettement orienté à la baisse avec toutes les conséquences que cela implique pour les tonnages qui en découleront. « Je connais bien l’Argentine pour y être allé à de nombreuses reprises », ajoutait Laurent Spanghero, président de l’UECBV. « Il y a 15 ans, ce pays semait 6 millions d’hectares par an de soja. Cette année, il en a semé 18 millions. Résultat : l’Argentine est en train de décapitaliser. De 55 millions d’animaux (toutes catégories confondues) il y a 6 ans, il est passé à 48 millions aujourd’hui. Même si pour la période, la part des animaux finis en feed-lot a augmenté, il est certain que les Argentins produisent moins. Je ne suis pas loin de penser que demain l’Argentine exportera beaucoup moins, voire peutêtre même presque plus, car ils auront besoin de leur production pour se nourrir. Faut-il rappeler que ce sont les plus gros consommateurs de viande bovine au monde avec 69 kilos par habitant et par an. » L’an dernier, d’après les chiffres de l’Institut de l’élevage, 81 % de la production avait été consommée sur place. Mais surtout — de même qu’en France quand un éleveur supprime son troupeau pour se consacrer aux seules céréales, il ne fait qu’exceptionnellement chemin inverse— les acteurs du commerce international de la viande estiment peu probable d’assister un jour à un retour massif de la prairie et des vaches dans les parcelles de la pampa désormais converties en terres de cultures avec un assolement faisant une large part au soja OGM.