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Regards croisés d’exportateurs français sur le marché espagnol : « Ils trouvent toujours des portes de sortie »

Vu de la France, le marché espagnol, s’il est historique, conserve un attrait certain en dépit des difficultés. Témoignages croisés d’exportateurs habitués à commercer avec nos voisins d’outre-Pyrénées.

Malgré les turbulences et les évolutions, les opérateurs espagnols seront encore sans nul doute présents aux achats en France dans les années qui viennent.
Malgré les turbulences et les évolutions, les opérateurs espagnols seront encore sans nul doute présents aux achats en France dans les années qui viennent.
© Y. Kerveno/Archives

En Espagne comme ici, le monde de l’élevage évolue à vitesse grand V. Et qui de mieux placés que les exportateurs pour en mesurer l’ampleur ? « Aujourd’hui, la majorité sont devenus de gros intégrateurs », confie Gérard Sudriès, exportateur de petits veaux basé en Aveyron. « Le volume d’affaires est plus ou moins constant, en nombre de têtes, mais le nombre d’opérateurs s’est beaucoup réduit ces dernières années. » Et ce n’est peut-être pas fini. C’est en tout cas l’avis de Stéphane Maye, exportateur dans les Pyrénées-Atlantiques. Ce dernier estime que le contexte récent change sensiblement la donne.

Sur le potentiel de croissance, l’exigence est montée d’un cran

« L’année 2022 s’est passée assez normalement alors que le cours des céréales et des fourrages ont flambé. Mais les conditions du marché intérieur espagnol ont permis de maintenir des flux importants. Nous avons profité de l’augmentation du prix de la viande en Espagne pendant l’année 2022 et le début de 2023, mais depuis le printemps, la situation a changé. Il y a eu la sécheresse, les restrictions d’arrosage, tout le monde courrait après le foin et la paille. Et surtout, le prix de la viande a baissé un peu, parce que la consommation s’est ralentie en Espagne et que l’offre était pléthorique, analysait-il à la fin du printemps. À ce moment, ce sont les naisseurs espagnols qui, pris à la gorge par la sécheresse, ont décapitalisé de façon importante, jusqu’à encombrer les abattoirs qui n’avaient plus de créneau pour abattre les bovins… » Si les sorties ont retrouvé un rythme normal avec l’été, les fondamentaux n’ont guère évolué depuis, sinon à la marge.

La nature de la demande évolue elle aussi très sensiblement. « Il est bien plus difficile aujourd’hui de vendre des animaux à moindre potentiel de croissance. À 300 ou 500 grammes de gain moyen quotidien, même pas chers, les opérateurs espagnols n’en veulent plus », poursuit Gérard Sudriès. Et puis, ce qui revient dans les discussions, ce sont les entraves sanitaires (lire l’encadré).

Lire aussi : « Entre crise conjoncturelle et sécheresse, l’année 2023 n’est pas de tout repos pour les producteurs espagnols de viande bovine »

La demande émanant du pourtour méditerranéen assure leurs arrières

Et demain ? Pour Stéphane Maye, le débouché espagnol a et aura tendance à se rétrécir dans les années qui viennent. « Tous les petits éleveurs vont arrêter, ils ne pourront pas tenir », estime-t-il. Gérard Sudriès est moins pessimiste dans son analyse. Ce sont plutôt les approvisionnements qui le soucient. « Ici, la production va chuter, il y aura de moins en moins d’animaux à exporter. En élevage laitier, la décapitalisation est réelle dans notre zone. Maintenant, sur Agen, il nous arrive de charger des animaux en provenance de Corrèze. Mais l’Espagne est un marché qui va se maintenir, il y a de grands commerçants qui exportent vers le Maghreb notamment, ils parviennent toujours à trouver des portes de sorties et de toute façon, leur coût de production est moins élevé que les autres… »

Commissionnaire sur l’Espagne pour Alliance Occitane (groupe coopératif Lur Berri), Jean-Michel Labourdette partage en partie ce point de vue. « L’Espagne, c’est la porte d’entrée vers le Moyen-Orient qui est fortement demandeur en viande bovine. Je suis persuadé qu’il y aura toujours de la demande pour servir ces marchés. » Les évolutions réglementaires pourraient aussi renforcer cette pertinence. « Il faut attendre de voir comment va évoluer la législation européenne sur les transports des animaux mais je ne suis pas sûr que nous pourrons longtemps continuer d’expédier des veaux au bout de douze ou quinze heures de camion, comme ce que nous faisons pour l’Italie… Après, c’est un pays où tout est très encadré. Il y a la situation géographique, le savoir-faire, et le suivi vétérinaire est bien plus serré que chez nous. Ils sont obligés de faire un certificat pour chaque déplacement d’animaux… » Pas de raisons objectives de s’affoler donc.

Lire aussi : Les solutions de la filière bovine espagnole face à la crise

Les commerçants en bestiaux plaident pour la vaccination des cheptels contre la FCO

« On perd de gros marchés à cause de ces questions sanitaires en Espagne mais aussi en Italie. Depuis septembre 2021, nous ne pouvons expédier que des bêtes vaccinées alors que l’Italie a fait le contraire, regrette Stéphane Maye, négociant en bestiaux. Cela fait quatre ou cinq ans que nous nous battons pour arriver à simplifier le dispositif. »

Le point sur la loi de santé animale et ses nouvelles règles ici

Gérard Sudriès met, pour sa part, la question des tests PCR sur la table, pour les veaux plus jeunes… « On continue de nous obliger à faire des PCR, c’est 20 euros par veau alors qu’il y a un cas positif sur 500 bêtes ! C’est de l’argent qui est perdu, cela nuit à la compétitivité. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les élevages ne sont pas vaccinés. »

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