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Exportations vers les pays tiers
Quelle place donner à ces nouveaux débouchés ?

Les pays tiers ouvrent aujourd’hui leurs frontières et offrent ainsi de nouvelles perspectives à la filière viande bovine. Qu’en est-il vraiment de ces nouveaux marchés ?

Stabulation à étages près de Beyrouth au Liban. Ce pays dispose de petits abattoirs avec de grandes bouveries pour écouler les animaux au fur et à mesure de la demande.
Stabulation à étages près de Beyrouth au Liban. Ce pays dispose de petits abattoirs avec de grandes bouveries pour écouler les animaux au fur et à mesure de la demande.
© Y. Kerveno

Confrontés à des difficultés d’affouragement, certains éleveurs choisissent de se débarrasser d’une partie de leurs animaux. Face à ce phénomène, beaucoup attendent une solution au travers de l’export à destination des pays tiers. Mais où en est-on réellement ? Pour Bertrand Oudin, directeur des études chez Blézat Consulting, « La France a une opportunité à saisir dans l’export. Mais pour cela, la filière a besoin d’instaurer des débats plus sains. Or, à chaque fois, les esprits s’échauffent, conséquence de la faible valeur ajoutée du secteur de la viande bovine. » Ce spécialiste a présenté lors de l’assemblée générale de l’Urgo (l’Union régionale des groupements de producteurs de l’Ouest) à Rennes, les conclusions de l’étude menée à la demande de FranceAgriMer sur les exportations de bovins vivants et de viande bovine.

CONFIRMATION DES TENDANCES À LA HAUSSE

L’année 2010 a vu ses exportations françaises vers les pays tiers multipliées par 3,5. Cette tendance haussière constatée en 2010, s’est confirmée au premier trimestre 2011. La dynamique internationale se poursuit. « On note même une accélération qui s’explique par la forte demande des pays du pourtour méditerranéen et la levée d’embargos. Entre le premier trimestre 2010 et 2011, une augmentation en valeur de 15 % est observée. La hausse atteint 6 % concernant les exportations vers l’UE et 218 % vers les pays tiers. Certes, ces dernières ventes restent peu significatives (136 millions d’euros) au regard des exportations intracommunautaires (2,16 mil- liards d’euros), mais elles sont tout de même un motif de satisfaction et peuvent permettre d’équilibrer le marché », note Jean Philippe Dop, chef du service appui aux exportateurs, à la direction ‘International’ de FranceAgriMer. La progression est forte, mais le niveau de départ est très bas. Que ce soit en vif ou en viande, une chose est sûre, « on s’éloigne de l’effet ESB. Des marchés se rouvrent progressivement. L’Europe et la France peuvent à nouveau être présentes sur les marchés mondiaux. Notamment grâce à la Turquie qui a rouvert ses frontières en octobre 2010, pour la viande », explique Nils Beaumond d’Interbev. La Turquie a offert une ‘bulle d’air’ inattendue. Elle représente sur les pays tiers la première destination pour la viande bovine française (principalement des quartiers arrières et des avants non désossés réfrigérés). Sur le premier trimestre 2011, la vente de viande fraîche a déjà atteint 30 millions d’euros contre 12 pour l’année 2010. « Le marché turc s’est ouvert, pour faire baisser le prix de la viande sur le marché national. Et même si le tarif douanier a augmenté deux fois cette année (à 45 % puis 60 %), cette destination reste rentable », commente Nils Beaumond. Des élections ont eu lieu en juin. Elles pourraient peut-être changer la donne dans un sens ou un autre, selon les décisions prises par le gouvernement. Pour l’instant, un embargo ESB subsiste sur le marché du vivant (reproducteurs et broutards). Cette restriction n’est pas justifiée sur un plan sanitaire. Elle résulte de pressions politiques, liées à la position française sur l’entrée dans l’Europe de la Turquie. D’autres états membres avec le même niveau ESB, peuvent expédier des animaux vivants. « Le vivant représente un marché très important dans lequel nous espérons rentrer. La demande porte sur des animaux légers (250 à 300 kg). Depuis le début de l’année, l’Uruguay, principal concurrent, amarre 2 à 3 bateaux par mois de 4 000 à 5 000 têtes », constate Jean- Claude Crassat, président de la commission import-export de la Fédération nationale des commerçants en bestiaux.

LIBAN ET MAGHREB

Le Liban représente la seconde porte de sortie, mais en vif. Le pays est demandeur d’animaux gras ou semi-finis, à la fois laitier et allaitant. Sur le premier trimestre 2011, c’est plus de 10 000 têtes qui ont été envoyées, soit presque 3 fois plus qu’en 2010. La France se positionne comme leader européen avec 23 % de parts de ce marché en 2010 et second au niveau mondial, derrière l’Uruguay. « Ce marché reste fragile car concurrencé par l’Amérique du Sud qui fournit des zébus plus légers et par la corne de l’Afrique (Ethiopie, Somalie et Djibouti) intéressée d’exporter des zébus via Djibouti », continue Jean-Philippe Dop. Le Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) représente une véritable opportunité car ces pays dont le niveau de vie et la population augmentent, ont la volonté de maintenir un élevage local. Ils importent également des animaux d’Europe en raison d’une disponibilité en fourrages accrue cette année et d’un engouement pour l’engraissement. « Ces pays souhaitent des broutards de races à viande. Sur les trois premiers mois de 2011, 3 000 têtes ont été expédiées en Algérie (12 000 têtes sur l’ensemble de l’année 2010), 1 300 têtes en direction du Maroc et de la Tunisie. Concernant ce dernier pays, nous subissons notamment la concurrence de l’Uruguay qui envoie des animaux Hereford assez hétérogènes mais avec l’avantage du prix », commente Nils Beaumond. En Algérie, la demande est clairement là et les pouvoirs publics suivent. Après avoir disparus, les quotas tarifaires ont été rétablis. Mais nous bénéficions à nouveau de droits de douane préférentiels. Il existe d’autres pays où la demande émerge comme l’Ukraine, la Russie, le Kazakhstan, l’Egypte… mais les certificats sanitaires restent difficiles à obtenir. « Des groupes de travail ont été mis en place pour poursuivre les négociations sanitaires (levées d’embargos ESB…) et aboutir à des percées commerciales vers diverses destinations (Egypte, Russie, Chine…). La reprise des exportations françaises vers les pays tiers représente un enjeu notable en assurant un débouché stratégique pour les pièces moins bien valorisées dans l’Union européenne, sans être à la merci de seulement 4 ou 5 pays clients », conclut Jean-Philippe Dop.


ADÉQUATION OFFRE ET DEMANDE

« Des frontières s’ouvrent sans toutefois remplacer l’Italie. Mais même faibles, ces exportations peuvent désengorger nos marchés nationaux. Si rien n’est fait, nous pourrions le regretter », constate Yves Berger, délégué général d’Interbev. « Il faut s’intéresser à ces pays étrangers car ils achètent de la viande. Mais pour vendre un produit, encore faut-il qu’il corresponde aux marchés. Un travail de fond est nécessaire », note Gérard Poyer, président de la FFCB, avant d’ajouter : « Pour exporter des animaux vers le Maghreb, il est indispensable que les animaux soient issus d’élevages qualifiés indemne d’IBR (rhinotrachéïte infectieuse bovine). » Bertrand Oudin fera même ressurgir le douloureux débat de l’adéquation entre l’offre et la demande. « Pourquoi ne pas travailler sur une offre dédiée à l’export. Pour les professionnels, diffuser des informations sur la demande client, pour les éleveurs, moins se focaliser sur le 100 % race pure et développer le rustique et le croisé (laitier) avec en arrière-plan la réduction des poids de carcasse », évoque ce dernier. On pourrait s’inspirer de nos concurrents (comme l’Irlande), qui semblent réussir dans cette voie. Alors, pourquoi pas chez nous. »

CONSTRUIRE UNE VÉRITABLE STRATÉGIE

L’accès à ces marchés ne doit pas être considéré comme un marché d’opportunité. Certes, le commerce international est volatil car il reste très dépendant de certains facteurs : parités monétaires, crise climatique (disponibilités), crise sanitaire (ESB, FCO…), facteur politique et accords commerciaux. « Mais, le pourtour méditerranéen offre de véritables opportunités. Il est donc nécessaire de passer progressivement d’une logique d’opportunité pour établir une véritable logique stratégique, insiste Bertrand Oudin. Des outils doivent être mis en place et chaque membre de la filière doit adhérer à une vraie réflexion interprofessionnelle pour accroître volumes et valeur à destination de l’export, en y orientant une partie de la production. La conquête des marchés des pays tiers nécessite unité et cohésion », martèle-t-il. L’administration a aussi son rôle à jouer, en comblant ses retards, en facilitant la délivrance de certificats… La création du Groupement Export France Bétail et Viande (voir ci-contre) va peut-être permettre à la filière de bâtir une réelle stratégie commune pour se positionner sur ces débouchés. La question est de savoir si un regroupement de ce type aura la capacité de fédérer une offre globale. Affaire à suivre !

Le Groupement France Export est né

Initié il y a quelques mois par la Fédération nationale bovine, le Groupement Export France Bétail et Viande (GEF) est désormais officiel. Sa création a été annoncée le 1er juin dernier par Dominique Langlois, président d’Interbev. Il associe onze des treize familles de l’interprofession. Le SNIV-SNCP, Coop de France et la fédération des commerçants aux bestiaux, qui avaient refusé d’en ratifier les statuts le 29 avril, ont renoncé à s’opposer à la mise en place de la structure. Le SNIV-SNCP et Coop de France restent tout de même non signataires. D’ailleurs, le Syndicat national des industriels de la viande fait part dans son bulletin d’actualité (du 6 juin) de son opposition farouche et parle de « tragique erreur d’analyse. »

Ce groupement est destiné à faciliter l’exportation de viande bovine et de bétail vivant, notamment dans les pays tiers. Il est également ouvert à toutes les organisations qui s’occupent de près ou de loin d’exportations (UbiFrance, Sopexa, banques, FranceAgriMer…). Cette structure ne réalisera pas d’actes commerciaux qui restent du ressort des entreprises. Sa vocation est d’accompagner celles qui souhaitent exporter vers les pays tiers et de lever les obstacles sanitaires, douaniers ou administratifs qui entravent, voire empêchent les exportations. « Notre tâche est de faciliter au maximum les démarches et de connaître le taux de pénétration de ces nouveaux pays », explique Yves Berger, délégué général d’Interbev. Concernant le financement, Interbev redéploiera les deux millions d’euros qu’il consacre à l’exportation. D’ici un an, un bilan sera effectué pour juger des adaptations nécessaires.

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