Interview de Bernard Pouillon
« Nous sommes incontournables pour le maigre charolais »
Interview de Bernard Pouillon
Directeur général du groupe Sicarev à Roanne, dans la Loire, Bernard Pouillon précise les raisons de la mise en place de Deltagro Union, une société spécialisée dans le maigre dont il est membre du directoire.
Pourquoi avoir mis en place Deltagro Union ?
Bernard Pouillon - Aujourd´hui, en Italie il y a quatre principales chaînes de distribution qui orientent et pilotent la production chez les engraisseurs réalisant l´essentiel des volumes.
Or, fait nouveau, on ne discute plus uniquement avec les engraisseurs mais aussi avec les distributeurs. Face à cela, et pour se faire entendre d´opérateurs de plus en plus concentrés, demandeurs de volumes conséquents, il est nécessaire d´avoir une restructuration des intervenants travaillant dans le maigre.
Cela favorise le développement de cahiers des charges répondant aux attentes des distributeurs et consommateurs. Par exemple, le broutard sans OGM avec Coop Italia ou le BDQS avec Auchan Rinascente. La mise en place de Deltagro Union répond à ces évolutions du marché italien. L´élargissement de la zone de collecte vise aussi à mieux servir nos clients en jouant sur la complémentarité des périodes de vêlages et des dates de sortie du maigre.
Nous devons être très présents chez les principaux engraisseurs qui approvisionnent la grande distribution. Je n´ai rien contre les petits ateliers. Il faut conserver ces clients. Mais l´avenir n´est pas là, car leur nombre va se réduire. C´est comme si pour l´abattoir de Sicarev, je disais que sur le marché français, il ne fallait travailler qu´avec la boucherie traditionnelle et pas avec la grande distribution.
La démarche du broutard non OGM est-elle durable, compte tenu de la décision du Brésil
d´autoriser les semences de soja OGM et donc des difficultés croissantes à acheter du soja non OGM dans ce pays ?
B. P. - C´est le marché qui commande ! La stratégie de Coop Italia est de se démarquer de ses concurrents en disant : « Chez moi, tous les produits alimentaires, sont non OGM. » Comme cela concerne le premier distributeur italien, il est difficile de ne pas suivre, d´autant que c´est une démarche facile à mettre en place pour des systèmes naisseurs. On peut dire non à un client pour des volumes limités, mais pas s´il y a des milliers de bêtes en jeu.
Au départ nous avons été beaucoup critiqués, mais depuis, tous les exportateurs ont embrayé sur ce dossier qui permet d´apporter de la plus-value aux naisseurs français.
N´avoir que du Charolais à proposer, est-ce un avanta- ge ou un inconvénient ?
B. P. - C´est les deux à la fois. C´est un atout, car on a un choix et une gamme complète avec des volumes qui nous rendent incontournables pour cette race. Mais notre volonté serait d´ouvrir Deltagro Union à d´autres structures. Certains clients peuvent être intéressés par nos Charolais à condition que nous puissions aussi leur proposer simultanément des croisés ou des Limousins. C´est ce que fait notre principal concurrent. Le prochain challenge de Deltagro Union sera de compléter notre gamme.
Comment voyez-vous évoluer le marché du broutard en 2006 avec le découplage de la PSBM
et le risque d´une plus grande saisonnalité des apports ?
B. P. - Beaucoup de naisseurs français ont désormais pour habitude de vendre des mâles maigres de 450 kilos, voire davantage. Avec les nouveaux équilibres de prix à venir, le prix actuel des céréales et une demande italienne qui pour du Charolais s´oriente plutôt sur 380 à 400 kilos, cela ne va-t-il pas changer la donne ? Dans ces conditions, l´intérêt de ces naisseurs de broutards lourds sera-t-il vraiment de chercher à alléger le poids de vente des animaux ou ne sera-t-il pas plutôt de finir de les engraisser pour peu qu´ils aient un peu de maïs ou de céréales à valoriser ? Ceci étant, ce sont des résultats à analyser dans la durée. La rentabilité d´un atelier d´engraissement ne se calcule pas sur un lot.