'VIDEO' Les Charolaises favorisent la biodiversité du marais
À l’occasion des journées Made in viande, Olivier Philippe, éleveur de Charolaises, a fait découvrir à près de 300 enfants comment ses vaches et celles de ses collègues favorisent la biodiversité d’une tourbière située dans le sud du département de la Manche.
À l’occasion des journées Made in viande, Olivier Philippe, éleveur de Charolaises, a fait découvrir à près de 300 enfants comment ses vaches et celles de ses collègues favorisent la biodiversité d’une tourbière située dans le sud du département de la Manche.
Olivier Philippe s’est installé au début des années 2000 avec un troupeau charolais à Catteville, dans le département de la Manche, au cœur des marais du Bessin et du Cotentin. Il a été le premier éleveur à refaire pâturer des bovins sur les prairies naturelles de marais de la Sangsurière, après plusieurs décennies de déprise. « Au départ, cela a été pour moi le moyen de trouver les surfaces nécessaires à mon installation. C’est 'à l’insu de mon plein gré' que mon élevage a favorisé la biodiversité de ce milieu. Aujourd’hui, je n’ai pas changé mes pratiques mais je vois les choses différemment : je suis heureux de voir l’impact bénéfique que le pâturage et la fauche ont sur le paysage et la biodiversité », confie l’éleveur. L’opération Made in viande est le moyen de faire découvrir ce lien entre élevage et biodiversité. Près de 300 enfants, du CP au bac pro, ainsi que le grand public, ont participé sur une journée. Ce thème avait été anticipé depuis plusieurs années par Interbev dans le cadre du contrat sociétal. Ces manifestations ne pouvaient pas mieux tomber, juste quelques jours après la médiatisation du rapport du GIEC de la biodiversité, la plateforme scientifique mondiale sur la biodiversité (lire encadré).
Sans les vaches, la réserve serait morte
« Les zones humides ont été aménagées par l’Homme depuis des siècles, et une réserve n’est pas un sanctuaire », a fait comprendre au public Olivier Philippe. Dans les milieux tourbeux de la Sangsurière et de l’Adriennerie, sur environ 400 hectares, sont recensées plus de 230 espèces botaniques, dont une cinquantaine sont protégées au niveau national, et une centaine d’espèces d’oiseaux. La zone a été classée réserve naturelle au début des années 90 et sa gestion est organisée en direct entre 25 éleveurs et l’administration. « Sans les vaches, qui ouvrent le milieu, la réserve serait morte m’a dit, quand nous avons commencé à travailler ensemble, Emmanuelle Bouillon, la conservatrice de la réserve naturelle », explique l’éleveur. Il a fallu au début rabattre les saules en particulier, qui ont été valorisés en litière pour les animaux et en bois de chauffage, et les joncs. En contrôlant par le pâturage extensif et la fauche la hauteur du couvert, des espèces rares de petite taille sont réapparues, notamment la drosera, petite plante carnivore, et une quinzaine d’orchidées qui sont protégées au niveau national. Des cigognes sont venues s’installer. En tapant du pied, les vaches font remonter les grenouilles dont elles se nourrissent. Le vanneau huppé pond dans les empreintes de pas des bovins, et l’herbe en repoussant autour assure la grande discrétion qu’il recherche pour son nid. Les hérons garde-bœufs se nourrissent des insectes qui entourent les vaches.
Comme une estive pour des vaches gestantes
Ces prairies de marais constituent un milieu très acide, où rien ne pousse à part l’herbe. Celle-ci a un niveau nutritif très faible. Olivier Philippe valorise les 65 hectares dont il dispose comme une estive pour une trentaine de vaches gestantes. « Ces prairies correspondent bien à leur niveau de besoin. Elles pâturent à partir de début mai, quand l’eau a découvert le sol, et arrivent au vêlage en fin d’été avec une note d’état corporel idéale. » C’est pour pouvoir valoriser le marais que l’éleveur a organisé ses vêlages en fin d’été. Il sèvre donc les veaux en avril, ce qui lui a donné l’opportunité, avec la place en bâtiment libérée, d’engraisser des mâles vendus à 14 mois. Les parcelles de marais ne sont pas faciles à exploiter. « On travaille sur une poche d’eau. Il m’arrive encore de temps en temps d’enliser un tracteur. Les prairies sont clôturées mais parfois une vache trouve le moyen de tomber à l’eau, et il faut aller la chercher. » Olivier Philippe partage ses pâturages avec un autre éleveur qui y conduit 14 vaches. « L’aspect sanitaire n’est pas un problème dans notre fonctionnement très simple et régulier. »
Un rapport alarmant sur la biodiversité mondiale
La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) rassemble 145 experts issus de 50 pays. Début mai, elle a approuvé à Paris lors de sa 7e session plénière un rapport qui a été énormément relayé dans les médias. Le communiqué de presse, titré « un taux d’extinction des espèces sans précédent et qui s’accélère », nous dit aussi qu’il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous agissons maintenant et à tous les niveaux, du local au mondial.
En savoir plus
L’Inra de Saint-Laurent-de-la-Prée, en Charente-Maritime, est le support d’un programme intitulé Élevage - prairies - oiseaux. Une expérimentation grandeur nature est menée sur 180 hectares avec le troupeau de vaches de races Maraîchine et Charolaise de l’Inra. La gestion du système vise à améliorer la biodiversité, la qualité de l’eau et des sols, et à augmenter l’autonomie du système d’élevage. L’équipe de l’Inra suit également des éleveurs du marais mouillé des Deux-Sèvres.
Des indicateurs pour évaluer la biodiversité des systèmes d’élevage ont été définis par le Casdar Indibio, conclu en 2014. L’effet croisé des pratiques agricoles et du paysage sur la diversité des espèces floristiques et faunistiques pour trois régions étudiées. C’est à partir de ce jeu de relations qu’un modèle de prédiction de la biodiversité a été mis au point, mais surtout qu’une démarche d’évaluation Biotex a été proposée pour mieux prendre en compte la diversité des espèces dans l’espace agricole.